Le paradoxe du paysagisme français | Une forte demande et une pénurie de main-d’œuvre
Le secteur du paysagisme connaît une belle expansion avec une croissance de 60 % sur ces dix dernières années, atteignant 8,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, selon l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep). Cette dynamique, portée principalement par les particuliers qui représentent 49 % de l’activité, génère 640 millions d’euros d’investissements annuels et a créé 8 100 emplois nets en deux ans.
Cette vitalité reflète un besoin croissant des Français de renouer avec la nature et le bien-être. Les métiers évoluent au-delà du simple entretien pour englober la végétalisation du bâti, le génie écologique et les soins techniques aux arbres. Le secteur offre une stabilité attractive : 81 % des 140 300 actifs bénéficient d’un CDI et 95 % travaillent à temps plein.
Paradoxalement, 54 % des entreprises peinent à recruter. Le secteur pourrait doubler son rythme de créations d’emplois, actuellement de 30 postes quotidiens, si la formation suivait la cadence. Une inquiétude supplémentaire émerge avec la menace de réduction du crédit d’impôt pour travaux de jardinage, mesure jugée contre-productive pour l’emploi et l’accès des classes moyennes à ces services.
Lille | 2,3 hectares de biodiversité préservée au cœur d’un futur quartier piétonnier
Inauguré en juin dernier à Lomme dans la métropole lilloise, le nouveau parc Rosa-Bonheur illustre parfaitement l’évolution des pratiques d’aménagement urbain. Ce qui devait être initialement 700 m² d’espaces verts est devenu un parc de 2,3 hectares, grâce à l’intervention de l’Atelier de paysages Bruel-Delmar.
Anne-Sylvie Bruel et son équipe ont convaincu l’urbaniste Jean-Pierre Pranlas-Descours de repenser totalement le schéma directeur. Au lieu d’imposer un tracé classique avec une voie bordée de végétation, ils ont privilégié la conservation du patrimoine naturel spontané. Une cartographie minutieuse a permis d’identifier 154 arbres existants à préserver, complétés par 233 nouvelles plantations.
Le projet intègre astucieusement les contraintes écologiques : des zones de biodiversité non dépolluées restent inaccessibles, protégées par des ganivelles avec fenêtres d’observation. Une grande noue végétalisée gère les eaux pluviales par infiltration directe. L’investissement de 10,2 millions d’euros HT a permis de créer un espace public permanent au cœur d’un futur quartier entièrement piétonnier, démontrant qu’urbanisme contemporain et préservation écologique peuvent coexister harmonieusement.
Paris transforme le jardin Laure Albin Guillot en corridor vert
Dans le 13ᵉ arrondissement parisien, le jardin Laure Albin Guillot vient de doubler sa superficie pour atteindre 7 300 m². Cette extension crée une connexion piétonne stratégique entre la Porte d’Italie et le parc Kellermann, via une allée centrale repensée. Le projet paysager compte désormais 81 arbres, avec une diversification végétale remarquable : tilleuls, mélèzes, sophoras et cormiers en strate haute, rosiers sauvages, aubépines et sureaux en strate basse.
L’aménagement valorise l’histoire du site en approfondissant le vallon existant et en renforçant la zone humide, évoquant l’ancien lit de la Bièvre. Les équipements répondent aux besoins multigénérationnels : aires de jeux différenciées par tranches d’âge (1-3 ans, 3-6 ans, 4-8 ans), terrain de pétanque, agrès sportifs et jardin partagé. Cette transformation s’inscrit dans la politique de végétalisation urbaine de Paris, offrant aux professionnels un exemple concret d’espace public multifonctionnel qui allie patrimoine naturel, connexions urbaines et usages diversifiés.
La Ciotat transforme 3000 m² de béton en jardin méditerranéen
La ville de La Ciotat vient d’inaugurer un ambitieux projet de renaturation urbaine. L’ancien parvis minéral de l’hôtel de ville s’est mué en jardin méditerranéen de 3000 m², enrichi de 650 m² supplémentaires grâce à la placette Romain-Rolland attenante.
L’aménagement intègre des solutions techniques innovantes. Une noue paysagère assure la gestion naturelle des eaux pluviales. Le béton clair limite l’effet d’îlot de chaleur urbain, particulièrement critique en région PACA où les températures estivales dépassent régulièrement 35 °C. Quarante essences méditerranéennes — savonniers, camphriers, aubépines — renforcent la biodiversité locale tout en nécessitant peu d’arrosage.
Le projet de 1,3 million d’euros s’inscrit dans une stratégie globale de végétalisation. Avec les requalifications du Port Vieux et du domaine de la Tour, La Ciotat développe une trame verte cohérente. Cette approche répond aux enjeux climatiques actuels : selon l’ADEME, la végétalisation urbaine peut réduire la température ambiante de 2 à 8 °C en période caniculaire.