Chaque mois, MAF & Vous pose son micro sur le bureau d’un concepteur. Qu’il soit architecte, ingénieur, économiste, paysagiste ou encore architecte d’intérieur, il présente son activité et la vision qu’il en a.
Fabienne Paumier, PHARO

Pour trouver Fabienne Paumier, il faut prendre le train et de la hauteur. Arrivé à la gare, levez les yeux au ciel : vous la trouverez dans la tour qui domine la gare. Depuis ces locaux atypiques, l’équipe, surplombe l’agglomération pour laquelle elle œuvre depuis plus de 30 ans. 

D’abord seule, puis au sein d’un collectif fondé en 2019 avec Rémi Hersant, elle nous raconte un métier qu’elle a vu évoluer avec une passion intacte.

Fabienne PaumierBonjour Fabienne ! Vous êtes cogérante de la Scop PHARO, qui est née de la fusion entre deux agences : Architour et Pièces Montées. Racontez-nous cette histoire.

Bonjour. Depuis le début ?

Depuis le vôtre, oui ! Il était une fois, Fabienne Paumier. 

J’ai décroché mon diplôme en 1988 à l’école d’architecture de Nantes. Après un bref passage en agence, l’envie de me lancer à mon compte s’est faite sentir. Ce que j’ai fait, en 1993, au Mans. 

J’étais native du Mans et j’ai activé mes maigres relations pour décrocher mes premiers projets. C’était une autre époque : l’envie d’avancer et l’âme entrepreneuriale suffisaient à convaincre les maires de faire appel à une jeune agence pour bousculer les habitudes.

Sans cette confiance qui permet de contourner les références demandées ou les niveaux de chiffres d’affaires requis, je n’aurais pas pu travailler si jeune sur un projet de mairie ou une cantine.

Vous avez le sentiment que les choses ont changé ? 

Il me semble. A l’échelle d’une agence structurée, expérimentée et reconnue, il nous faut maintenant prouver que l’envergure de la structure lui permet de constituer des équipes d’une taille conséquente avec une expertise sur des projets récents.

J’ai été confrontée il y a peu à un maître d’ouvrage qui exigeait des références de moins de 5 ans. J’ai eu beau lui expliquer que nous avons dessiné plus de 1200 logements dans l’agglomération mancelle et que la pérennité se juge sur le temps long et non seulement sur 5 ans. Ça ne semblait pas le convaincre … 

Reprenons l’histoire où nous l’avons laissée : vous êtes jeune architecte et vous travaillez majoritairement avec la maîtrise d’ouvrage publique.

Je dois beaucoup à ces projets. Ils m’ont aidée à me lancer et m’ont permis de découvrir l’intérêt public de l’architecture. 

C’est ainsi que mon activité s’est poursuivie. Il y a eu une association malheureuse entre 1998 et 2002, puis de nouveau une activité solitaire avec 5 collaborateurs, jusqu’à un concours mené en 2015 avec Rémi Hersant, d’Architour. C’est là que PHARO est né.

Un concours gagné ou perdu ?

Perdu, mais tant mieux : c’était un PPP ! Avec Rémi, nous nous connaissions déjà un petit peu. Nous nous sommes retrouvés autour de l’envie de transmettre et développer nos entreprises, en s’appuyant sur la force du collectif.

C’est pour ces raisons que nous nous sommes dirigés vers le modèle de SCOP, Société Coopérative et Participative. Sans rentrer dans le détail, c’est un modèle qui nous a semblé vertueux, dans la mesure où il accorde une place considérable au collectif et propose une véritable vie coopérative dans la gouvernance de l’entreprise.

Nous sommes d’ailleurs contrôlés chaque année par un réviseur. 

C’est un modèle que l’on croise peu… si ?

Ça change ! Je fais partie du CA de l’union régionale des SCOP et nous croisons de plus en plus d’architectes qui se lancent sur ce modèle. 

Avec cette association, nous souhaitions aussi constituer une entité d’une taille significative, reconnue pour la qualité de son architecture et qui jouisse d’une bonne réputation. Ce sont des éléments indispensables pour accéder à la commande publique ou privée. 

Vous travaillez avec les deux ?

Oui. Désormais, des maîtres d’ouvrages privés nous contactent pour nos valeurs et notre architecture. 

Atteindre une certaine envergure permet de travailler sur de nombreux projets, et de ne pas se spécialiser. C’était d’ailleurs un souhait très fort :  composer avec les problématiques des logements, puis me frotter à ceux des bureaux ou des équipements médico-sociaux. 

Sur quels types de projet travaillez-vous ? 

Des projets très variés : des vestiaires tribunes d’un terrain de foot, des logements collectifs, individuels, des projets pour des particuliers, des bureaux, des écoles, des aménagements urbains, des locaux industriels, des établissements médicaux-sociaux…

Nous accompagnons aussi des associations ou des communes sur la mise au point des programmes pour l’expression fine des besoins en adéquation avec les budgets disponibles.

Une part non négligeable de notre travail réside dans l’accompagnement de projets médico-sociaux, en amont même de l’expression de besoins. 

Comment définir le programme, comment prendre en compte les attentes des usagers, des voisins, des élus et des professionnels... Nous intervenons avant la réponse architecturale.

Nous avons pu le constater souvent avec Rémi : lorsque les projets impliquent les usagers, ils sortent de terre facilement. 

Cette fameuse maîtrise d’usage…

Elle a peut-être été trop souvent négligée mais a toujours été au cœur de nos préoccupations. C’est sûrement pour cela que nous sommes régulièrement consultés pour mener des diagnostics urbains et des études de faisabilité pré-opérationnelle. C’est une phase passionnante qui nous permet de travailler à l’échelle de la ville, du quartier. 

Travaillez-vous plutôt sur des programmes neufs ou de la réhabilitation ? 

Les deux. Nous avons toujours fait de la réhabilitation. Un de mes premier opération était justement la restructuration d’une maison d’enfants en site occupé. Ces opérations ont toujours existé, mais il est certain qu’elles ont pris une nouvelle dimension depuis quelques années, sous le prisme des exigences croissantes de la réglementation thermique. 

Ces optimisations sont souvent l’occasion de réinterroger l’aspect fonctionnel. J’ai pour ma part un penchant pour les changements d’usage du bâtiment … !

Ce sont souvent les moutons à 5 pattes qui nous intéressent beaucoup. Par exemple un central téléphonique inoccupé en plein cœur du Mans que nous avons transformé en logements étudiants. Sur ce bâtiment remarquable des années 30, pourvu de modénatures magnifiques en façade, nous avons créé une surélévation sur deux étages et ajouté un dôme en proue. 

En parlant de bâtiment exceptionnel, j’ai lu que vos locaux étaient situés dans la tour d’aiguillage de la gare du Mans !

Effectivement ! Nous avons une super vue sur la gare et ses alentours. Dans les années 1990, les anciens associés de Rémi Hersant ont travaillé sur l’évolution de ce quartier qui prévoyait la destruction de cette tour. 

Ils n’ont pas pu s’y résoudre et ont décidé de l’acheter. C’est pour cette raison qu’elle est occupée par une agence d’architecture depuis plus de 30 ans !

A quoi pense-t-on quand on est à l’a tête d’une agence ?

Ça dépend … et ça évolue !  Il y a peu de temps j’aurai parlé des chantiers que j’avais à superviser et de l’entreprise à faire tourner. Aujourd’hui, ma préoccupation principale c’est d’assurer assez de projets au collectif.
Dans une pratique transversale, je m’attache à la qualité architecturale de notre production et, aussi la richesse de la vie coopérative. 

Ça en fait des sujets …

Oui, et à cela s’ajoute une nouvelle priorité à laquelle je souhaite m’astreindre : la relecture attentive et la négociation des contrats de maîtrise d’oeuvre. Il me semble que nous, architectes, sommes perfectibles sur ce point…

Cela nous conduit trop souvent à devoir composer avec des clauses qui ne nous sont pas toujours favorables.

Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir ce que vous auriez fait si vous n’étiez pas devenue architecte ?

Non, je ne crois pas. J’ai cette vocation depuis l’âge de 12 ans. Je la dois sans doute à mon père qui était très observateur du patrimoine, très intéressé par les modes constructifs.

Je me pose davantage cette question maintenant : que ferais-je après ? Les sujets autour de la ville nourricière et du travail de la terre me passionnent. C’est un sujet de société autant qu’un besoin personnel de lien avec la nature.

Quelle est votre plus grande fierté dans le métier ? 

Offrir une seconde vie à un bâtiment patrimonial. Je pense notamment à la transformation en salle de spectacle d’une ferme et de sa longère près du Mans avec un travail mêlant respect du patrimoine et détails contemporain. J’évoquais plus haut le centre téléphonique en centre-ville…

Ces projets me touchent et me portent. J’aime fouiller la mémoire des anciens architectes et des usagers.