Acier recyclé, forêts préservées, empreinte hydrique calculée, engagement social : les ingénieurs réinventent leurs pratiques. Focus sur quatre projets qui bousculent les codes du secteur, des fondations d’un parking souterrain messin aux algorithmes d’un nouveau logiciel environnemental.
L’actualité des concepteurs : Ingénieurs 25

Transition écologique et sociale | Saga Ingénierie devient entreprise à mission

Le bureau d’études géotechniques Saga Ingénierie, établi à Grigny dans l’Essonne, vient d’adopter le statut d’entreprise à mission. Issue d’une réflexion collective de huit salariés sur plusieurs mois, cette transformation concrétise quatre engagements majeurs axés sur l’environnement et le social.

Cette évolution stratégique vise trois objectifs principaux. D’abord, intégrer systématiquement des solutions environnementales dans les études géotechniques, notamment par la proposition de bétons moins carbonés. La société, qui prévoit 5,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, compte ainsi différencier son offre auprès de clients variés, du ministère de l’Intérieur aux petites collectivités.

Ensuite, ce nouveau statut doit faciliter le recrutement de jeunes ingénieurs, souvent réticents face à un secteur perçu comme traditionnel. Laurent Glandut, fondateur et président, mise sur cette transformation pour redorer l’image du métier.

Enfin, Saga Ingénierie renforce son ancrage territorial en formant des jeunes issus des quartiers défavorisés. L’entreprise a déjà accompagné plusieurs membres de son équipe en chefs sondeurs qualifiés, démontrant que la géotechnique peut être un ascenseur social.

Palplanches métalliques | La solution d’avenir pour les parkings souterrains ?

À Metz, le chantier du futur siège du Crédit Agricole de Lorraine marque une rupture avec les pratiques traditionnelles. Pour son parking souterrain de 5 870 m², l’acier prend le pas sur le béton. Les parois ne sont plus moulées, mais constituées de palplanches métalliques, une technique encore rare en France pour ce type d’ouvrage.

Vincent Keller, directeur général de Durmeyer, souligne l’ampleur du défi : 630 tonnes d’acier forment une boîte étanche sur deux niveaux. Les avantages sont multiples : gain de 10 cm d’épaisseur par rapport aux parois moulées classiques, économie de 300 000 euros et réduction des délais de deux mois. Le bilan carbone affiche aussi un gain de 275,3 tonnes équivalent CO2, grâce à l’utilisation d’acier recyclé produit avec de l’électricité renouvelable.

La géologie locale a permis cette innovation : 10 mètres d’alluvions sableuses facilitent l’enfoncement, puis la couche marneuse assure l’ancrage. Une foreuse a déstructuré le sol sur 14 mètres avant l’installation par vibrofonceur de 250 mètres linéaires de palplanches. L’étanchéité parfaite protège définitivement l’ouvrage de la nappe phréatique située entre 2 et 4 mètres de profondeur.

Luxembourg | La passerelle miroir qui préserve la forêt

Au cœur du quartier européen du Kirchberg, la passerelle des Arts défie les conventions architecturales. Conçue par Marc Mimram (ingénieur et architecte) et Tatiana Fabeck (architecte), cette infrastructure de 87 mètres de long se distingue par sa double courbure audacieuse et sa structure en acier inoxydable poli. Le projet, livré en 2024 pour 6,2 millions d’euros, répond à un enjeu complexe : relier le pôle de transports aux institutions culturelles du secteur tout en préservant intégralement la forêt domaniale des Trois-Glands.

L’ouvrage ne touche aucun arbre et repose uniquement sur trois piles intermédiaires, minimisant son impact au sol. Les 520 m² de parois extérieures polies créent un effet miroir qui reflète les frondaisons environnantes. Cette prouesse technique a nécessité des solutions innovantes : assemblage invisible par boulonnage intérieur, surface intérieure microbillée pour éviter l’éblouissement, et garde-corps dotés d’une pellicule spéciale pour prévenir les collisions aviaires. Une démonstration de l’alliance entre performance technique, conscience écologique et recherche esthétique dans l’ingénierie contemporaine.

Aqua'Print | Un logiciel pour mesurer et réduire l’impact hydrique des constructions

Le CSTB, la société d’ingénierie AIA Environnement et l’Alliance HQE-GBC lancent Aqua'Print, un projet de recherche lauréat de l’appel à projets « Innov Eau » de l’Ademe. Cette solution logicielle évaluera l’empreinte hydrique des bâtiments sur l’ensemble de leur cycle de vie, depuis la fabrication des matériaux jusqu’à la déconstruction.

Le secteur du bâtiment représente 20 % de la consommation mondiale d’eau douce. Face à ce constat et à l’absence de méthodologie harmonisée, Aqua'Print quantifiera tous les flux hydriques selon une approche similaire à l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). L’outil permettra de tester des solutions innovantes de réutilisation, stockage et recyclage pour optimiser la gestion de l’eau.

Le développement s’échelonnera sur 30 mois avec un prototype prévu pour mai 2026, suivi d’une phase test en septembre 2026. Deux versions seront disponibles fin 2027 : une version accessible à tous les acteurs du projet et une version avancée pour les bureaux d’études. L’objectif est de faire de l’eau un critère de décision aussi déterminant que l’énergie ou le carbone dans les projets de construction.

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