La fondation d’entreprise Malakoff Médéric Handicap publie un guide des « bons usages » pour améliorer l’expérience des patients côtoyant les établissements de santé. En tant que concepteurs de ce discours de la méthode, Nadia Sahmi vise à inclure les architectes, commanditaires et utilisateurs dès les premières réflexions. Rencontre.
Nadia Sahmi

Après plus de 3 années de travaux collaboratifs, la Fondation Malakoff Médéric Handicap publie un « guide des bons usages pour des centres de santé et des structures de soin accessibles à tous ».

L’objectif ? Inviter tous les acteurs impliqués dans la conception et l’animation des centres de santé, tant mutualistes que municipaux, à une réflexion globale, parmi lesquels les architectes ont leurs mots à dire.

Dans le cadre de la rédaction de ce guide, la fondation a proposé à Nadia Sahmi, architecte dirigeante de Cogito Ergo Sum … A propos d’Architecture … et de qualité d'Us-âges, d’apporter un éclairage nouveau sur la manière de penser les structures de soin : « Les architectes ont toute leur place dans cette réflexion. Quand il s’agit de la conception de tels lieux, la profession souffre trop souvent d’une approche cloisonnée, règlementaire, parfois en dépit du bon sens » nous confie-t-elle.

Pour cette spécialiste des questions sur la vieillesse, le handicap, la petite enfance, l’isolement et le handicap social « il faut adopter une méthode globale, pour trouver les solutions face à l’abandon de l’acte de soin. Aujourd’hui, trop de blocages physiques ou psychologiques constituent des obstacles pour des personnes qui se trouvent déjà affaiblies par un handicap physique, sensoriel, le grand âge ou des barrières de langues. Tout cela entraine un sentiment de stress pour les patients qui en arrivent souvent à abandonner l’idée de se faire soigner. »

Le constat ainsi dressé, la solution se révèle d’elle-même : « il faut commencer par identifier les acteurs en présence (ici, personnels d'accueil, médical et patients), les temps de contacts, les actions à mener dans le bâtiment et les domaines d'intervention. »

S’en suit un travail sociologique d’écoute et d’observation qui permet de considérer l’ensemble des parties prenantes, leurs besoins respectifs, les enjeux, et la chaîne de déplacement et de participation. « La chaîne de déplacement est la compréhension globale des points de contact avec l’acte de soin qui attend le patient. Et cela commence bien en amont du soin du patient. Il arrive que le serveur vocal on demande aux patients de prononcer le nom du service demandé. Comment prendre rendez-vous lorsque l’on a perdu l’usage de la parole ou que l’on ne parle pas la langue ? Avant même d’avoir entamé la démarche de soin, le patient peut se retrouver dans une situation où le sentiment de ne pas être « adapté » est fort.»

 

 

Fondation Handicap Malakoff Médéric

 

Une déclinaison des étapes à franchir pour arriver face à un praticien est alors édifiante :

  • Accueil physique : est-il accessible aux personnes à mobilité réduite ? La signalétique est-elle suffisamment évidente et claire pour qu’un patient non francophone ou en situation de handicap mental parvienne à s’orienter ?
  • Prise en charge : le personnel est-il formé à accueillir et communiquer de manière bienveillante et adaptée ?
  • Soins : le matériel est-il adapté ?
  • Traitement et suivi : Les consignes, la posologie étaient-elle suffisamment claire ? Si la première visite a été un parcours du combattant, le patient va-t-il revenir pour être suivi ?

« Il suffit qu’un élément bloque pour que cela suffise à remettre en question l’acte de soin lui-même » poursuit l’experte en « qualité d’us-âges ».

Si la démarche peut paraitre novatrice dans le domaine de la santé, elle a déjà fait montre de retours enthousiasmants pour d’autres types d’établissements : « Pour le compte de la ville de Bagnolet (93), nous avons travaillé sur le projet de rénovation d’une bibliothèque. En jouant sur les ambiances, la colorimétrie, le mobilier, les parcours, la lisibilité, les pictogrammes… nous concourrons à l’amélioration de l’expérience utilisateur. Les résultats sont aux rendez-vous, la bibliothèque affiche aujourd’hui des taux de fréquentation bien supérieurs qu’avant nos travaux ! »

Voilà la force de la méthode globale : anticiper chacune des étapes pour se prémunir du moindre blocage et se nourrir de l’expérience de tous les professionnels compétents sur le sujet.

Interrogée sur les bénéfices d’une telle réflexion dans le cadre des centres de santé, la réponse est immédiate : « Lever les freins à l’acte de soin, supprimer la notion de stress lié à un rendez-vous dans un centre de santé tant pour les patients que pour les professionnels, et surtout, permettre d’éviter les reports sur les urgences des hôpitaux. »

En agissant en faveur d’une amélioration de la chaîne de santé, l’idée est aussi de désengorger les services d’urgences qui pâtissent trop souvent du manque de prise en charge de petites pathologies qui s’aggravent faute de soin.

« Nous, architectes, avons matière, d’améliorer significativement la société toute entière en prenant tous les paramètres en compte. »

Une initiative qui vise à faire de l’architecture la clé vers le bien-être et la bienveillance, forcément la MAF devait vous en parler.