Cet article a été rédigé d’après le webinaire intitulé « Travaux sur existants : comment sécuriser vos opérations ? », réalisé le 7 décembre 2021 par la MAF, avec la participation de Michel Klein, directeur général adjoint de la MAF, et Camille Porretta, chef de service à la Direction des services et de la stratégie juridique de la MAF (webinaire à voir ou à revoir sur Internet, dans votre espace adhérent MAF).
Travaux sur existants : la responsabilité des maîtres d'œuvre en 12 recommandations

Sommaire

  • L’essentiel
  • Existants et avoisinants
  • Ouvrage dissociable ou non
  • Information complète et rigoureuse
  • Diagnostics à réaliser dans l’ordre
  • Dégradations sur avoisinants 
  • Reconnaissance des existants
  • Règlementations techniques applicables 

Focus

  • Un modèle de marché global pour les travaux de rénovation 

Questions - réponses

  • Constat
  • Contrat
  • Copropriété 
  • Responsabilité
  • Assurance
  • Diagnostic
  • Aléa
  • Mission

L’essentiel

  • Le maître d’œuvre contractualise avec le maître d’ouvrage :
    • Le risque d’une évolution du budget en fonction des aléas de chantier ;
    • la réalisation d’un diagnostic global préalable aux études de conception ;
    • l’éventualité de faire réaliser un ou plusieurs diagnostics techniques à l’avancement du chantier ;  
  • Préalablement aux études de projet, le maître d’œuvre demande au maître d’ouvrage de faire réaliser les diagnostics indispensables à la bonne connaissance des existants et du sol ; à défaut de les obtenir, il renonce à sa mission en cas de risque sur la sécurité des personnes ;
  • Le maître d’œuvre veille à ce que les contrats de travaux comprennent la reconnaissance de l’ouvrage par l’entreprise et la prise en compte des diagnostics ;
  • En complément des assurances obligatoires (décennale et dommages-ouvrage), le maître d’œuvre conseille au maître d’ouvrage de souscrire une assurance facultative en complément de l’assurance dommages-ouvrage pour les existants dissociables, et d’exiger des entreprises qu’elles soient assurées en responsabilité décennale pour les ouvrages existants dissociables.

Existants et avoisinants

La sinistralité liée aux interventions sur existants est importante en nombre et en coût, tant en maison individuelle qu’en logements collectifs. Voici, dans cet article, un panorama des différents aspects juridiques et des recommandations qu’adresse la MAF à ses adhérents pour mieux maîtriser les interventions sur le bâti existant.

Qu’il s’agisse de travaux sur les existants ou de répercussions sur les avoisinants, deux chiffres sont assez significatifs pour le logement : 88% de la sinistralité concernent des défauts d’étanchéité à l’eau de l’enveloppe des bâtiments ; et 16,4% concernent des défauts de stabilité (ces derniers ayant des conséquences financières généralement lourdes). 

Précisons deux notions : 

  • Les existants sont des ouvrages anciens sur lesquels viennent se greffer des travaux neufs (surélévation, extension, création de planchers à l’intérieur d’un niveau ou en sous-œuvre, etc.) ;
  • Les avoisinants sont les ouvrages alentours, situés sur les propriétés voisines, qui ne sont pas impactés directement par les travaux (bâtiment implanté en limite de propriété, appartements en copropriété, muret de clôture, etc.).

Ouvrage dissociable ou non

Il existe des particularités liées à l’obligation d’assurances en fonction du type d’existants : la loi Spinetta sur l’assurance construction1 n’évoque pas les travaux sur les existants ce qui a créé dans la pratique une sorte de « trou de garantie ». Ce manque a été comblé par la jurisprudence : l’arrêt Chirignan2, très décrié au moment de sa publication en 2000, a étendu la garantie de l’assureur responsabilité civile décennale aux existants (à la construction desquels les constructeurs ne participent pourtant pas). 

Pour les assureurs, le risque associé aux existants s’avérait difficile à appréhender et à chiffrer. C’est, par exemple, celui qui concerne un électricien dont l’intervention sur le tableau électrique d’un monument historique peut entraîner un court-circuit puis l’incendie d’un patrimoine inestimable. Les conséquences d’un tel dommage sont difficilement mesurables par l’assureur, et le coût d’une reconstruction partielle ou totale du monument démesuré par rapport à l’étendue de l’intervention de l’électricien.

Une limitation des effets de l’arrêt Chirignan a donc été mise en place par la voie légale en 20053. Elle distingue deux types d’existants : 

  • Ceux qui sont indissociables de l’ouvrage nouvellement construit et qui bénéficient de l’assurance décennale obligatoire (c’est le cas d’une rénovation, par exemple) ; 
  • Et ceux qui ne sont pas incorporés à l’ouvrage nouvellement construit, et sont donc dissociables (c’est le cas d’une extension simplement adossée à un ouvrage existant, par exemple) qui ne sont pas soumis à l’assurance décennale obligatoire.

Dans le cas des existants dissociables de l’ouvrage à construire, c’est à l’entreprise de se rapprocher de son assureur pour souscrire une assurance (elle est facultative). 

Retenons que cette distinction n’a pas vraiment d’incidence directe pour l’adhérent de la MAF car sa police d’assurance ne distingue pas les existants selon qu’ils sont soumis ou non à l’assurance obligatoire. En revanche, les polices d’assurance des entreprises avec lesquelles il travaille font cette distinction. Il est donc prudent qu’il s’en préoccupe.

1ère recommandation. L’adhérent MAF doit conseiller au maître d’ouvrage :
-    de choisir des entreprises ayant souscrit une garantie facultative pour les existants dissociables de l’ouvrage à construire ;
-    de souscrire une garantie facultative aux existants dissociables de l’ouvrage à construire auprès de son assureur dommages-ouvrage.

2ème recommandation. Voici les principaux points sur lesquels l’adhérent MAF doit porter son attention lorsqu’il aborde une opération sur existants :

  • Soigner son contrat de maîtrise d’œuvre (ce dernier détermine les engagements et les obligations de la maîtrise d’ouvrage), car c’est la principale « grille de lecture » en cas de recherche de responsabilité ;
  • Informer le maître d’ouvrage que l’intervention sur existants entraîne généralement des travaux supplémentaires pour les imprévus (et le rappeler dans le contrat) ; les risques de dépassements doivent être pris en compte dans le financement du maître d’ouvrage ; 
  • Demander au maître d’ouvrage de faire réaliser une étude géotechnique dès lors que le projet prévoit d’agir sur la sollicitation du sol (par l’intervention sur les ouvrages enterrés, la modification des descentes de charges des existants, la création de nouveaux points d’appui, etc.) ;
  • Vérifier, avant contractualisation, que les entreprises sont correctement assurées pour les travaux qu’elles réalisent dans l’activité concernée et que leurs polices comportent bien une garantie au titre des existants pour lesquels l’assurance décennale n’est pas obligatoire.
  • Informer le maître d’ouvrage :
    • que certains diagnostics se font à l’avancement des travaux – notamment lorsqu’il s’agit de sites occupés – ou nécessitent des sondages destructifs ;
    • que la connaissance technique globale du bâtiment, nécessaire à l’établissement du projet global, n’est généralement possible que lorsque l’ensemble des diagnostics est réalisé ;
    • des clauses et informations à insérer dans les contrats de travaux des entreprises (la reconnaissance des ouvrages par l’entreprise et la prise en compte des diagnostics connus notamment) ; 
  • Demander contractuellement au maître d’ouvrage de faire réaliser les diagnostics techniques indispensables à la bonne connaissance du site, des matériaux en place, des structures existantes et des réseaux suivant les nécessités du programme. Ce sont notamment ceux pour :
    • connaître les existants en vue d’adapter ultérieurement le projet à la performance acoustique recherchée ;
    • anticiper l’accessibilité des existants aux personnes à mobilité réduite (PMR) ;
    • identifier la présence éventuelle d’argiles gonflantes dans le sol qui déstabilisent les ouvrages insuffisamment fondés4 ;
    • connaître la structure des existants (fondations, murs, poteaux et planchers) et notamment leur résistance aux séismes ;
    • mesurer la géométrie tridimensionnelle des ouvrages, leurs aplombs, leurs déformations éventuelles ;
    • identifier la présence d’amiante dans les ouvrages de bâtiment (panneaux de façade, joints, réseaux, revêtements, équipements…) ;
    • identifier la présence éventuelle de radon (gaz radioactif d’origine naturelle provenant surtout des sols granitiques et volcaniques5) ;
    • calculer la performance thermique de l’enveloppe du bâtiment, des équipements de production, de distribution, d’émission de chaleur et de froid… en vue de son éventuelle amélioration ;
    • connaître l’état des réseaux de gaz, d’électricité, d’eau, d’évacuation et autres fluides… et des équipements associés ;
    • connaître l’état des installations de sécurité incendie. 

Information complète et rigoureuse

Sous l’angle du devoir de conseil, les juges n’hésitent pas à retenir la responsabilité des maîtres d’œuvre dès lors que ces derniers n’ont pas procédé à une information complète du maître d’ouvrage. Mais, les maîtres d’œuvre peuvent également être mis hors de cause s’ils justifient avoir rempli leurs obligations. Illustrations :

  • Arrêt du 23 février 2017. Après que la Cour d’appel a donné raison à l’architecte estimant que le devoir de conseil avait bien été rempli à propos de fissures dans un dallage, la Cour de cassation a considéré, contre l’avis de l’expert judiciaire, que l’architecte n’est pas allé assez loin dans ses préconisations sur les investigations à réaliser sur le bâtiment existant en amont des travaux. 

Sous couvert du devoir de conseil, elle sanctionne l’architecte qui n’a pas fourni au maître d’ouvrage une complète information du maître d’ouvrage sur les contraintes de l’ouvrage existant. 
Commentaire : Du point de vue des juges, le maître d’œuvre est un professionnel qui doit au maître d’ouvrage une information complète, en amont et pendant le déroulement des travaux, en particulier sur les préconisations concernant les existants ; le maître d’ouvrage – même s’il est professionnel de l’immobilier – n’est pas considéré comme un sachant des aspects techniques de la construction.

3ème recommandation. Le maître d’oeuvre doit être rigoureux dans les conseils qu’il délivre ; il procède par écrit pour être en mesure de justifier, si nécessaire ultérieurement, de l’accomplissement de son devoir de conseil (en particulier en amont des travaux lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des existants).

La responsabilité de la maîtrise d’ouvrage peut être retenue lorsque les conseils de la maîtrise d’œuvre ne sont pas suivis. Dans ce cas, le maître d’ouvrage est jugé responsable des difficultés qu’il rencontre. Illustrations :

  • Arrêt du 7 octobre 1998. Dans cette affaire, la Cour de cassation a sanctionné la négligence du maître d’ouvrage après avoir constaté que le maître d’œuvre l’avait bien conseillé ; ainsi, malgré que le maître d’œuvre ait très clairement informé le promoteur du mauvais état des existants et qu’il lui ait recommandé des travaux de consolidation, ce dernier n’a pas tenu compte des conseils délivrés et s’est limité à des travaux très insuffisants pour assurer la pérennité de l’immeuble.
  • Arrêt du 25 mai 2005. Dans cette autre affaire, non seulement le maître d’œuvre a parfaitement informé le maître d’ouvrage sur les difficultés liées aux ouvrages existants, mais les entreprises également. La Cour de cassation a estimé que le maître d’ouvrage a pris le risque de poursuivre son opération en pleine connaissance de cause et qu’il doit en supporter toutes les conséquences.

4ème recommandation. Lorsque le sinistre touche à la sécurité des personnes, l’exercice du devoir de conseil ne suffit pas : l’architecte doit refuser de poursuivre sa mission si le maître d’ouvrage refuse de prendre les mesures demandées ; en matière de sécurité des personnes, la responsabilité pénale du maître d’œuvre peut être retenue (c’est le cas, par exemple, de l’existence de garde-corps dangereux sur des existants). 

Lorsqu’il est question d’existants, c’est souvent la crainte de voir le budget déraper qui incite le maître d’ouvrage à prendre des risques. Le maître d’ouvrage cherche à faire des économies en limitant le recours à des bureaux d’études spécialisés. Le maître d’œuvre doit l’informer contractuellement et tout au long de sa mission pour que le maître d’ouvrage ait une pleine conscience du budget de l’opération tel qu’il peut être amené à évoluer, en particulier lorsqu’il travaille sur des existants pour lesquels des diagnostics peuvent être différés dans le temps.

  • Arrêt du 12 novembre 2014. La Cour de cassation a écarté la responsabilité d’un architecte lors d’un dépassement conséquent de budget parce que le maître d’ouvrage avait bien été informé tout au long de l’opération des aléas et surcoûts.

5ème recommandation. Le maître d’œuvre doit s’efforcer d’obtenir du maître d’ouvrage la signature de tous les marchés de travaux de l’opération pour éviter les surprises en cours d’opération. En particulier en cas de survenance d’aléas générateurs de dépassement.

6ème recommandation. Le maître d’œuvre demande au maître d’ouvrage la réalisation d’une étude de sol ou d’un sondage complémentaire par un géotechnicien lors de la survenue d’un aléa qui le justifie. Il s’agit, pour le maître d’œuvre, de s’appuyer sur une étude fiable pour cerner la nature du problème et ses conséquences (sachant que plus l’opération avance, plus la responsabilité du maître d’œuvre est susceptible d’être engagée). 

7ème recommandation. Lors d’interventions sur des existants, le maître d’œuvre rappelle au maître d’ouvrage la souscription obligatoire d’une assurance dommages-ouvrage, et contractualise le risque de dépassement de budget lié aux éventuels aléas.

8ème recommandation. Lors d’une intervention dans une copropriété, et compte tenu de son devoir de conseil très large, le maître d’œuvre s’intéresse au règlement de copropriété qui distingue notamment les parties communes des parties privatives, et fixe éventuellement les conditions dans lesquelles des travaux peuvent être réalisés ; il doit également s’intéresser aux décisions de l’assemblée générale qui autorise ou non les travaux.

9ème recommandation. Dans son contrat, le maître d’œuvre contractualise le recours à des bureaux d’études spécialisés, voire à un contrôleur technique : il ne modifie pas, par exemple, une descente de charges sur une structure sans s’adjoindre la compétence technique appropriée s’il n’est pas lui-même qualifié pour réaliser l’étude technique.

Rappelons que la spécificité d’une opération sur existants est son budget évolutif : le maître d’ouvrage doit prévoir une marge de sécurité pour tenir compte des découvertes de chantier générant des travaux supplémentaires. Si le maître d’œuvre n’a pas conseillé le maître d’ouvrage sur ce point, ce dernier recherchera probablement la responsabilité du professionnel avec d’autant plus de facilité. 

Diagnostics à réaliser dans l’ordre

Les diagnostics permettent de circonscrire l’engagement pris par le maître d’ouvrage sur ce qui est réservé du fait ou non de l’impossibilité de mener des investigations. Rappelons que certaines investigations sont impossibles à réaliser en amont (en site occupé, ou lorsque les sondages destructifs sont indispensables, etc.). La connaissance de ces contraintes permet au maître d’ouvrage d’anticiper d’éventuels imprévus. 

Les maîtres d’œuvre obtiennent des décisions favorables de la Cour de cassation s’ils respectent un ordre dans la réalisation des investigations techniques : le diagnostic général préalable précède d’éventuels diagnostics spécialisés en cours de travaux. 

Une démarche d’accompagnement du maître d’ouvrage est indispensable :

  • Arrêt du 7 juin 2017. Dans une affaire où la dégradation généralisée des murs a été constatée lors de la dépose des pierres agrafées en façade, la Cour de cassation a estimé que le maître d’œuvre qui, d’une part, a réalisé un diagnostic préalable sans pouvoir toutefois sonder la totalité de l’ouvrage (mais avait informé le maître d’ouvrage sur les diagnostics qui n’avaient pu être réalisés), et d’autre part, a contractualisé l’éventualité de travaux supplémentaires, n’a pas commis de faute dans l’exercice de son devoir de conseil malgré un dépassement conséquent du coût des travaux.

10ème recommandation. Le maître d’œuvre obtient du maître d’ouvrage, le plus en amont possible de l’opération, une mission de diagnostic général préalable aux travaux qui permet de connaître de manière globale l’ouvrage sur lequel il envisage d’intervenir, en indiquant que cette mission n’exclut pas d’autres diagnostics ultérieurs à l’avancement du chantier, soit parce que l’accès à l’ouvrage est rendu possible, soit à la suite de découvertes sur le chantier.

Dégradations sur avoisinants 

Comme indiqué précédemment, des dégradations sur les avoisinants sont toujours possibles en cours de travaux. C’est particulièrement vrai pour les interventions en copropriété. Un voisin de pallier peut constater des fissures chez lui et demander une indemnisation. Mais un maître d’ouvrage peut également signaler que certaines dégradations constatées chez lui, en dehors des ouvrages concernés par les travaux, n’existaient pas préalablement au chantier.

Plusieurs solutions préventives, plus ou moins lourdes selon les situations, permettent de déjouer les tentatives de mises en cause injustifiées. Leur objectif est de disposer d’un état contradictoire des existants réalisé avant travaux avec le concours des acteurs concernés (maître d’œuvre, maître d’ouvrage, entreprise, voisin, membre du conseil syndical…). Le maître d’œuvre recommande au maître d’ouvrage d’adopter au moins l’un de ces trois choix :

  • Le simple constat amiable consiste à faire établir, de préférence par le maître d’œuvre, un relevé des défauts existants avant travaux à partir d’une visite des lieux réalisée en présence des personnes concernées par l’opération ;
  • Le constat d’huissier permet aux personnes concernées de faire noter, au procès-verbal dressé par un professionnel assermenté, les défauts existant avant travaux (à la charge du maître d’ouvrage) ; 
  • Le référé préventif consiste, à la demande du maître d’ouvrage, à missionner un expert judiciaire qui, à partir d’une mission définie par l’avocat du maître d’ouvrage, constate l’état des existants et/ou des avoisinants, et vérifie éventuellement la méthodologie des travaux qui sera adoptée en cas notamment de travaux de démolition. 

11ème recommandation. En fonction du contexte de l’opération, le maître d’œuvre conseille au maître d’ouvrage de faire réaliser au moins un des trois constats préalables des existants en recourant : au simple constat amiable ; au constat d’huissier ; ou au référé préventif.

Reconnaissance des existants

Pour sécuriser l’opération, le maître d’œuvre peut également proposer au maître d’ouvrage d’insérer dans le contrat de travaux les clauses qui précisent que l’entreprise a pris pleinement connaissance des existants. Cette reconnaissance de l’entreprise porte sur l’état général des ouvrages, sur l’état de conservation des murs et des planchers, sur la vétusté des ouvrages, sur la nature et l’état des matériaux… et d’une manière générale sur tout point permettant à l’entreprise d’anticiper d’éventuelles difficultés avant son intervention.

Cela concerne les travaux eux-mêmes, mais également les conditions de l’intervention, telles que la protection des existants, leur mise en sécurité, les conditions du clos-couvert, l’éventualité des besoins de chauffage et ventilation du chantier, etc. Mais cela concerne également les aléas envisageables. Et cela, sans qu’il ne soit possible ensuite pour l’entreprise de remettre en question le contenu de son marché à forfait par des travaux supplémentaires ou des réclamations financières pour allongement des délais de chantier.

12ème recommandation. Le maître d’œuvre invite le maître d’ouvrage à prendre des précautions contractuelles vis-à-vis de l’entreprise en rappelant dans le contrat de travaux :

  • que le prix du marché prend en compte une reconnaissance des existants réalisée en phase d’appel d’offre (ce qui impose qu’une telle reconnaissance technique ait été bien intégrée à la consultation et effectuée par l’entreprise).
  • que le marché forfaitaire de l’entreprise prend en compte toutes prestations nécessaires à la bonne exécution de l’ouvrage suivant les règles de l’art, y compris toutes les sujétions et aléas pouvant être anticipés.

Règlementations techniques applicables 

Les règlementations qui s’appliquent aux constructions neuves sont foisonnantes. Celles qui concernent la rénovation le sont beaucoup moins, bien qu’elles se renforcent depuis quelques années. Qu’en est-il exactement ? Nous pensons trop souvent que les bâtiments anciens échappent aux règlementations techniques. Pourtant, des règlementations thermique, parasismique, acoustique, accessibilité aux PMR… s’appliquent aux existants dans certains contextes. C’est le cas par exemple :

  • Des travaux importants portant sur la structure de certains types de bâtiments existants ; ils doivent prendre en compte la règlementation parasismique. De quelque nature qu'ils soient, ils ne peuvent aggraver la vulnérabilité de ceux-ci aux séismes (voir l’arrêté du 22 octobre 20106) ;
  • Des travaux sur les bâtiments résidentiels et tertiaires tenus d’améliorer de manière significative la performance thermique (voir l’arrêté du 3 mai 2007, modifié par l’arrêté du 22 mars 2017, relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants7).

Focus

Un modèle de marché global pour les travaux de rénovation
(À télécharger sur https://www.architectes.org/contrats-types-renovation-globale) 

Comment faciliter les opérations de rénovation énergétique pour les particuliers tout en améliorant la qualité d’usage et la valeur patrimoniale du bien ? C’est à cette question que l’ordre des architectes répond en mettant à la disposition de ses membres un modèle de marché global pour travaux de rénovation. Aussi, la MAF a-t-elle participé à la sécurisation juridique de ce modèle de contrat global élaboré avec l’Ordre, la Capeb8 et Les architectes de la rénovation. 

La démarche est inhabituelle : elle combine une offre intégrée de prestations de maîtrise d’œuvre et une offre de travaux adaptée aux projets de rénovation courants, sans intervention lourde. A la manière d’un contrat de conception-réalisation, l’architecte et les artisans/entreprises agissent au sein d’un groupement conjoint, mais sans solidarité (chacun reste responsable de ses tâches), avec une convention de cotraitance en parallèle qui régit les rapports entre les membres de l’équipe (répartition des tâches et des responsabilités, litiges, rémunération, etc.). 

On ne change pas une équipe qui gagne !

L’architecte se charge du suivi et de la coordination de la réalisation des travaux : il vérifie leur avancement et s’assure que les demandes de paiements de ses cotraitants sont cohérentes. Les entreprises – qui ont l’habitude de travailler avec l’architecte – ne sont pas systématiquement mises en concurrence comme le prévoit un contrat de maîtrise d’œuvre classique. Elles constituent une équipe au savoir-faire maîtrisé, sous la direction de l’architecte. Ce dernier, mandataire du groupement, est l’interlocuteur unique du maître d’ouvrage (le référent). « C’est un contrat protecteur qui recherche l’équilibre contractuel entre les parties », souligne Michel Klein, directeur-général adjoint de la MAF. Signalons, en particulier, la clause d’exclusion de solidarité au bénéfice de l’ensemble des cotraitants ; la clause de souscription d’assurance pour les garanties facultatives sur les « existants dissociables » non soumis à l’assurance obligatoire ; ou la clause sur le risque de dépassement de budget ou celle encore sur l’aléa de chantier.

Ce contrat type permettra aux architectes, apporteur d’affaires pour l’entreprise, de se saisir de ce marché avec l’efficacité de l’offre clé-en-main : « Les marchés de rénovation énergétique sont un vrai relais de croissance pour les architectes dans un contexte de massification de la commande, et ces marchés sont la porte d’entrée pour des travaux de rénovation de plus grande ampleur, en particulier en copropriété », remarque Michel Klein.

Questions - réponses

Constat

Le constat des existants doit-il être mentionné dans le marché de l’entreprise qui fera la reprise en sous-œuvre ?
La réponse à cette question recouvre deux possibilités : la première, qui prévoit que le constat de l’état des existants figure dans le marché de travaux à la charge de l’entreprise ; et la seconde, qui prévoit que le constat, réalisé par un bureau d’études spécialisé préalablement à la passation du marché de travaux, est joint à la consultation d’entreprises et annexé au marché de travaux ensuite. 
Dans les deux cas, l’entreprise qui exécute la reprise en sous-œuvre contracte en connaissance de cause après une reconnaissance préalable des existants.

Le maître d’œuvre peut-il obliger le maître d’ouvrage à réaliser un constat des avoisinants ? 
Non, mais le maître d’œuvre a fort intérêt à lui conseiller. Et à lui préciser les conséquences auxquelles il s’expose s’il s’y refuse : des dépassements de délai et/ou de coût d’opération générés par des imprévus, voire un risque d’effondrement chez le voisin. 
La MAF conseille aux architectes d’utiliser les contrats type de l’Ordre qui comportent toute une panoplie de clauses protectrices : les obligations pour le maître d’ouvrage de faire des relevés d’existants, des diagnostics, des études spécifiques qui doivent être remis à l’architecte avant d’établir le projet final. Ces clauses répondent également aux obligations de conseil de l’architecte vis-à-vis du maître d’ouvrage.
Retenons que les modèles de contrats téléchargeables sur le site de l’Ordre sont en constante mise à jour. Un bon contrat c’est déjà une grosse partie du devoir de conseil rempli par l’architecte.

En cas d’intervention sur un mur mitoyen, quelles sont les règles applicables ?
Du point de vue des juges, la qualification de mur mitoyen peut être assez complexe. Elle peut dépendre de la documentation historique sur l’ouvrage si elle existe, de la configuration du mur (pente du chaperon pour l’écoulement de l’eau de pluie), voire de l’usage qui en est fait. Or, les règles applicables aux murs mitoyens se rapportent à la propriété du mur : il est donc indispensable de connaître le ou les propriétaires. L’accord du propriétaire est incontournable avant toute intervention. Pour lui, les travaux peuvent être l’occasion de réparer, entretenir ou modifier le mur moyennant un accord à passer avec le maître d’ouvrage. 
Si le voisin refuse de participer au constat de l’état du mur mitoyen, la requête auprès du juge est indispensable. Retenons que ces questions liées au droit de propriété doivent être anticipées et réglées bien avant le démarrage des travaux.

Contrat

Les contrats écrits de travaux et de maîtrise d’œuvre sont-ils indispensables pour les petits chantiers sur existants ?
Quelle que soit la taille de l’opération, un certain formalisme doit être respecté. En particulier pour des travaux sur existants. Les raisons pour lesquelles les entreprises ne respectent pas leurs engagements sont nombreuses, il faut l’anticiper dans le contrat. C’est notamment le cas dans le contexte actuel de pénurie et de renchérissement du coût des matériaux qui font mauvais ménage avec une bonne maîtrise des budgets.
Notons également qu’en cas de sinistre, l’absence de contrat est très mal vue par les experts judiciaires qui n’acceptent pas qu’une opération réalisée avec un architecte le soit sans un minimum de formalités. 

Le maître d’ouvrage peut-il se garder une partie des travaux qu’il réalise lui-même ou qu’il fait réaliser en direct ?
Le maître d’œuvre peut accepter une mission de direction de l’exécution des contrats de travaux partielle (DET partielle). Elle concerne par exemple certains lots groupés sous une entité cohérente telle que le « clos couvert » (maçonnerie, charpente, couverture, ravalement et menuiseries extérieures, réseaux divers). Mais cette solution est dangereuse pour le maître d’œuvre qui accomplit sa mission DET en même temps que le maître d’ouvrage qui réalise par lui-même l’aménagement intérieur et les équipements. En cas de sinistre, la présence du maître d’œuvre sur le chantier peut convaincre un expert ou un juge que le maître d’œuvre était en réalité partie prenante sur la direction des travaux réalisés en direct par le maître d’ouvrage. 
En cas de mission partielle, la MAF recommande à ses adhérents :

  • De bien préciser contractuellement l’objet et les limites de leur mission ;
  • De phaser les travaux pour que la présence du maître d’œuvre sur le chantier ne recouvre pas la période des travaux réalisés par le maître d’ouvrage ;
  • De ne pas répondre aux sollicitations d’entreprises, d’artisans ou de tacherons – de surcroît pas ou mal assurés – pour des travaux pour lesquels il n’est pas missionné ;
  • De modifier la mission de maîtrise d’œuvre par avenant si le maître d’ouvrage veut revoir les limites de la mission DET en cours d’opération.

Par quel moyen le maître d’œuvre informe-t-il le maître d’ouvrage des risques de dépassement liés à de mauvaises surprises sur le chantier ?
La MAF incite ses adhérents à intégrer une clause dans leurs contrats de maîtrise d’œuvre par laquelle le maître d’ouvrage s’engage à prendre en charge les surcoûts éventuels liés à des découvertes en cours de travaux. Les conditions de cette prise en charge peuvent être à la fois prévues dans le contrat et rappelées par courrier à l’avancement du chantier. L’objectif final étant que le maître d’œuvre puisse justifier, dans le cadre de son devoir de conseil, qu’il a pleinement informé le maître d’ouvrage sur le risque de dépassement de budget. En la matière, certains maîtres d’ouvrage sont plus difficiles à accompagner que d’autres : les échanges par écrit sont indispensables.

Quelle est la responsabilité du maître d’œuvre en cas de dépassement des délais ?
Rappelons qu’en travaux neufs comme en rénovation, le maître d’œuvre a une obligation de moyens. Cela signifie qu’en termes d’objectif de performance à atteindre – thermique par exemple –, le maître d’œuvre s’engage sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les exigences de la règlementation. Mais il ne doit jamais s’engager sur un résultat : une performance mesurée, un délai d’exécution ou un coût notamment. 

Il y a une distinction entre « objectif de résultat » et « obligation de résultat » : si le maître d’oeuvre a bien un objectif de résultat, il n’a pas, contrairement aux entreprises, d’obligation de résultat (sauf pour ses propres prestations d’études). Cela tient au fait que le maître d’œuvre ne construit pas lui-même l’ouvrage : il n’a pas la responsabilité des ouvriers qui construisent l’ouvrage. Sa mission est déjà bien assez exigeante : il est inutile d’en rajouter avec des obligations de résultat.

Copropriété 

Quels sont les points de vigilance avant de commencer des travaux en copropriété ? 
Deux points principaux sont à souligner pour le maître d’oeuvre :

  • La parfaite connaissance des existants. Le maître d’œuvre se rapproche de l’architecte de la copropriété s’il existe, de manière à profiter de sa connaissance globale du bâtiment pour ne pas passer à côté de points techniques importants ;
  • L’autorisation de travaux. Le maître d’œuvre accompagne le maître d’ouvrage dans ses éventuelles demandes d’autorisation de travaux :
    • Il vérifie si le projet nécessite d’intervenir sur les parties communes (plancher, canalisation, local commun, etc.), et s’assure de l’obtention de l’autorisation du syndicat des copropriétaires ;
    • Il vérifie s’il est obligatoire de déposer une déclaration préalable de travaux au regard des règles d’urbanisme locales (les travaux intérieurs relèvent parfois aussi des autorisations d’urbanisme, en secteur protégé notamment) ;
    • Il informe sur le déroulement du chantier et l’utilisation des parties communes pendant la durée des travaux (transport de matériaux, stationnement, etc.). 

Responsabilité

L’étude technique pour la transformation d’une grange en habitation avec création d’un dallage béton est-elle obligatoire ?
Le dallage béton est une fondation. Retenons que, d’une façon générale, l’étude géotechnique et l’étude de structure – si modestes soient-elles parfois – sont indispensables avant tout projet de travaux impactant les structures d’ouvrages existants (surélévation, extension, création de planchers, modification des surcharges d’exploitation, percements de baies, etc.). Il est généralement difficile d’obtenir du maître d’ouvrage qu’il dépense de l’argent pour de telles études lorsqu’il s’agit de petites interventions. Elles sont pourtant nécessaires le plus en amont possible du projet car ce n’est pas au moment d’engager les travaux qu’il faut se préoccuper de leur faisabilité technique. 

Le juge reprochera toujours à l’architecte d’avoir tardé à commander un diagnostic et une étude en cas de sinistre, ou de ne pas avoir conseillé, voire obtenu, du maître d’ouvrage que ces études soient réalisées. 

Les sinistres répertoriés à la MAF concernant les cloisons et murs anciens sur des projets modestes, survenus en cours de travaux ou postérieurs à la réception, sont particulièrement nombreux.

Peut-on imposer au maître d’ouvrage de faire réaliser une étude géotechnique ou une étude de structure ?
La règlementation ne l’impose généralement pas. Toutefois, depuis le 1er janvier 2020, le vendeur d’un terrain destiné à la construction d’une maison individuelle et situé dans une zone exposée au phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) a l’obligation de fournir une étude de sol à l’acquéreur (article 68 de la loi ELAN9).

Plus généralement, ce sont souvent les assureurs qui exigent l’étude géotechnique ou l’étude de structure. C’est le cas de l’étude de sol G2 PRO10 généralement exigée par les assureurs dommages-ouvrage. 

Le maître d’œuvre peut toujours s’appuyer sur l’obligation de faire pratiquer certains diagnostics techniques. Il doit remplir son devoir de conseil et amener le maître d’ouvrage à réaliser les études complémentaires. A défaut, il doit renoncer à sa mission s’il estime que le risque impacte la solidité et/ou la sécurité des personnes. 

Assurance

L’assurance Tous risques chantier (TRC), qui est une assurance facultative, est-elle souscrite uniquement par le maître d’ouvrage ? 
La TRC est généralement souscrite par la maîtrise d’ouvrage lorsque les travaux sont importants et/ou complexes à réaliser. Elle peut être souscrite par l’entreprise principale si le maître d’ouvrage le lui demande. 

Pour un procédé de construction non traditionnel et sans avis technique, existe-t-il une assurance spécifique à faire souscrire par les entreprises ?
Dans son contrat de base, la MAF assure ses adhérents pour les techniques non courantes et sans avis techniques. Toutefois, ces derniers doivent tout de même veiller à ce que la chaîne des intervenants de l’opération – bureaux d’études, entreprises – soient également assurés à ce titre car leurs polices excluent généralement les techniques non courantes. Ces intervenants doivent présenter une attestation d’assurance nominative, c’est-à-dire propre à l’opération, qui spécifie le procédé de construction utilisé de façon à ce qu’en cas de sinistre l’assureur ne vienne pas opposer un refus de garantie.

Sur ce point, la jurisprudence s’est récemment renforcée dans l’intérêt des assureurs puisqu’une entreprise peut n’être assurée que pour la mise en œuvre d’un procédé d’une marque déterminée (dans ce cas l’entreprise n’est pas couverte pour un sinistre se rapportant à un produit similaire sous une autre marque). 

Cette question de l’assurance des entreprises et des bureaux d’études est particulièrement d’actualité pour les matériaux biosourcés et géosourcés assez récents sur le marché. C’est également le cas des produits de construction de réemploi qui font actuellement l’objet de grandes discussions entre assureurs de la construction. 

Diagnostic

Quelle réaction le maître d’œuvre doit-il avoir lorsque le maître d’ouvrage ne veut pas réaliser un diagnostic d’ouvrage existant ?
Intervenir sans diagnostic préalable des existants est inacceptable pour le maître d’oeuvre. On imagine mal un chirurgien qui voudrait ouvrir le ventre d’un patient sans avoir fait faire une radiographie préalable. De la même manière, on imagine tout aussi mal un maître d’œuvre projeter une surélévation sans mesurer préalablement les conséquences structurelles d’une telle intervention. 

En dehors des diagnostics rendus obligatoires par la loi, c’est à lui de convaincre le maître d’ouvrage de réaliser un diagnostic global préalable des existants avant la conception du projet et de l’informer de l’éventualité de réaliser certains diagnostics complémentaires en cours de travaux.

Le maître d’œuvre, confronté à un sinistre structurel, alors que l’étude géotechnique ou structurelle n’a pas été réalisée, parviendra difficilement à dégager sa responsabilité même s’il l’a recommandée au maître d’ouvrage.

Quelles sont les mesures techniques à prendre avant une intervention sur un bâtiment ayant subi un incendie ?
La première étape est de prendre les mesures conservatoires (étaiements, sécurisation des lieux, etc.) pour effectuer la purge complète des parties calcinées. La deuxième est d’effectuer un diagnostic des éléments porteurs touchés par le sinistre, en particulier sur leurs capacités structurelles après avoir subi l’action du feu. 

Les étapes suivantes se déroulent ensuite de manière classique sur la base des résultats d’analyses (confortement, remplacement, etc.) en fonction du projet retenu. 

Dans le cas où un maître d’ouvrage refuse de mener les diagnostics indispensables à la poursuite de la mission, le maître d’œuvre doit-il obtenir une décharge de responsabilité ?
En cas de sinistre, le maître d’œuvre aura beaucoup de difficultés à s’exonérer de sa responsabilité de constructeur par le simple fait qu’il aura obtenu du maître d’ouvrage une décharge de responsabilité. Rappelons :

  • D’une part, que dans le régime de responsabilité décennale (loi Spinetta), aucune limitation ou exclusion n’est possible puisqu’il s’agit d’une garantie d’ordre public ;
  • D’autre part, qu’un maître d’œuvre persistant dans sa mission alors qu’il a mis en garde le maître d’ouvrage sur des risques peut voir sa responsabilité en partie dégagée. Mais, son devoir de conseil de constructeur doit être particulièrement bien rempli, explicite et complet et en totale concordance avec le sinistre. 

Même avec une décharge de responsabilité, la mise hors de cause totale est généralement difficile à obtenir. Comme indiqué précédemment, elle est exclue lorsque la sécurité des personnes est en jeu : c’est le cas bien connu du garde-corps non conforme à la norme pour lequel le maître d’œuvre doit refuser de poursuivre sa mission. 

Le diagnostic technique fait-il partie des missions assurées par la MAF ?
Certains diagnostics nécessitent des compétences particulières. Les maîtres d’œuvre doivent donc les acquérir et les maintenir dans le temps pour pratiquer ces diagnostics (amiante, par exemple). Pour la garantie, une convention spéciale peut être souscrite auprès de la MAF. 

A quel moment le maître d’ouvrage doit-il faire réaliser le diagnostic amiante ? Ce diagnostic est-il toujours indispensable ? 
Le diagnostic amiante avant travaux sur des ouvrages construits avant le 1er juillet 1997 est obligatoire. Et cela, même pour les menus travaux. Ce diagnostic doit être conforme aux exigences règlementaires. Le maître d’œuvre doit conseiller le maître d’ouvrage sur cette obligation. Le diagnostic amiante relève du régime de responsabilité pénale, pour le maître d’ouvrage comme pour le maître d’œuvre.

Aléa

Certains maîtres d’ouvrage prétendent que le problème qu’ils rencontrent en cours de chantier aurait pu être anticipé par le maître d’œuvre : quelle est la définition de l’aléa ?
Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question : mais retenons que l’aléa est ce qui n’est pas prévisible pour le maître d’œuvre à un moment précis. Lorsqu’il génère des travaux, ces derniers peuvent être qualifiés d’imprévus s’ils sont nécessaires à la destination de l’ouvrage11.

L’aléa s’apprécie au regard du contexte de l’opération, en tenant compte du professionnel qui est un sachant, des existants, du programme, etc. Par ailleurs, le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre… ou le juge auront une vision différente de l’aléa. 

Dans une affaire où le maître d’ouvrage avait été informé par l’architecte qu’il n’était pas possible de réaliser le projet sans déshabiller la façade du bâtiment et que ce travail pouvait révéler une nécessité de travaux supplémentaires, la Cour de cassation a mis hors de cause l’architecte dont la responsabilité a été recherchée par le maître d’ouvrage pour défaut de prévision. 

Retenons que le maître d’ouvrage est généralement dans une logique de marché à forfait avec un budget contraint et qu’il exige une opération de construction sans surprise. Lors d’intervention sur existants, cette posture est souvent génératrice de litiges et de recherche de responsabilités liés aux travaux et délais supplémentaires.

Mission

L’architecte peut-il prendre une mission de direction de l’exécution des contrats de travaux (DET) sur la base de marché de travaux établis sur le seul projet de permis de construire ? 
C’est peu souhaitable, en particulier pour une opération sur existants. L’absence de consultation d’entreprises en bonne et due forme – sur la base d’un dossier PRO – laisse présager des difficultés à venir sur l’adéquation entre le projet et les prestations prévues, sur l’existence et la prise en compte des diagnostics techniques dans les marchés de travaux, sur les études techniques elles-mêmes (structure, réseaux, etc.). L’architecte devra supporter la pleine responsabilité de l’opération en cas de sinistre : il parviendra difficilement à dégager entièrement sa responsabilité. 

Le compte-rendu de chantier est-il suffisant pour faire des observations au maître d’ouvrage ? Ou bien l’e-mail et la lettre recommandés sont-ils nécessaires ? 
La communication du maître d’œuvre vers la maîtrise d’ouvrage doit être graduée selon l’enjeu de l’information à transmettre. Face à une difficulté mineure, il est possible de se contenter du compte-rendu de chantier. Avec un enjeu majeur qui par exemple porte sur la sécurité des personnes, la lettre RAR est indispensable. Il n’y a pas de norme en la matière, toutes les solutions sont possibles dès lors que votre conseil est transmis par écrit pour vous ménagez une preuve. 

Un e-mail avec accusé de réception ne vaut pas une lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, cette dernière qui peut avoir pour effet de tendre la relation avec le maître d’ouvrage peut être utilement précédée d’un e-mail avec accusé de réception. Mais, rappelons que lorsque la sécurité des personnes est engagée, le maître d’œuvre ne peut pas faire l’économie d’une lettre RAR.

 

1. Loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction : en suivant ce lien
2. Cassation, 1ère civ, 29 février 2000, n° 97-19143
3. Article L 243-1-1 II. du code des assurances (issu de l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005)
4. Le site Géorisques décrit le phénomène parmi d’autres et propose des cartographies détaillées : en suivant ce lien
5. Le site de l’IRSN propose une cartographie détaillée du potentiel radon par commune : en suivant ce lien.
6. Plus d'infos en suivant ce lien
7. Plus d'infos en suivant ce lien.
8. Capeb : Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment
9. Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : en suivant ce lien
10. Pour en savoir plus : La norme NF P 94-500 - Classification des missions géotechniques types (par l’Union syndicale géotechnique) : en suivant ce lien.
11. Voir à ce sujet l’article intitulé « Comment gérer les travaux imprévus », publié dans le MAF Informations n°101 d’octobre 2021, p. 12-17 ou en suivant ce lien.