Exit la loi MOP et le concours d’architecture ! C’est la demande de l’Union sociale de l’habitat (USH) dans sa contribution à la Conférence de consensus sur le logement organisée par le Sénat (1). Organisation représentative du secteur HLM qui représente quelque 720 organismes, l’USH estime que « les contraintes liées à l'encadrement législatif et réglementaire de la maitrise d'ouvrage dans le secteur HLM, en particulier la soumission des organismes HLM à loi MOP (2), sont aujourd’hui excessives et inadaptées ». Elle ajoute que la procédure de concours d’architecture est longue et coûteuse : « 6 à 8 mois en raison de la longueur de la consultation relative au choix des concourants pour l’esquisse », soit 40 000 à 56 000 euros de perte de loyers (350 euros mensuels par logement) par opération ; et 20 000 et 36 000 euros d’indemnités par projet.
Politique publique pas vraiment exemplaire
Les architectes réagissent en adressant deux lettres ouvertes en faveur du maintien des règles de la commande publique. La première le 9 février adressée à Edouard Philippe, Premier ministre, à laquelle se joignent les représentants des petites entreprises - Syndicat nationale du second œuvre (SNSO) - Capeb - fédération Scop BTP - et la fédération de bureaux d’études CINOV. La seconde trois jours après, le 12 février, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République, cosignée par les principales organisations professionnelles d’architectes (3). Architectes, entreprises et bureaux d’études affirment ensemble que s’ils soutiennent une politique publique visant à construire et à rénover plus, mieux et moins cher, cette politique doit être selon eux « exemplaire ». Ils rappellent dans la lettre qu’ils cosignent avec les entreprises que la qualité des constructions « dépend également des procédures de passation des marchés » et que « l’émulation entre équipes - dans le cadre du concours - contribue à une production architecturale et technique innovante, reconnue et appropriable par tous ».
Sans entrer dans le détail des chiffres, les signataires contestent le renchérissement du coût des opérations avancé par l’USH, et soulignent « l’obligation - pour les organismes HLM - de gestion transparente et efficace des deniers publics » de la règlementation des marchés publics actuelle.
Dans leur lettre à Emmanuel Macron, les architectes appellent « solennellement à maintenir l’intégralité de la loi MOP et l’obligation de concours, au-dessus des seuils européens, pour les bailleurs sociaux publics ». Ils réaffirment l’intérêt public de la création architecturale et la nécessité de l’indépendance de la maîtrise d’œuvre et de ses missions (loi sur l’architecture de 1977).
Des gains conséquents contestés
De son côté, l’USH demande également dans sa contribution à la conférence de consensus que la liberté de recourir aux marchés de Conception-réalisation soit pérennisée. Selon elle, cette procédure d’exception permettrait notamment un gain de 5 à 8% sur le coût d’investissement et de 6 à 12 mois sur le délai de réalisation d’une opération. Rappelons que cette procédure qui place la maîtrise d’œuvre sous la coupe de l’entreprise générale ne satisfait pas non plus les petites entreprises et les artisans qui s’estiment privés d’un accès direct à la commande publique.
Le propos ne serait pas complet sans évoquer les craintes qui existent autour de la Vente en état futur d’achèvement (Véfa). Seul point saillant de concordance avec l’USH, l’augmentation incontrôlée du recours à ce mode de production du logement social via la promotion privée est jugée coûteuse et générant une piètre qualité architecturale.
Rappelons que la Conférence de consensus organisée par le Sénat sur le logement qui a permis la mise en ligne groupée de nombreuses contributions, arrive à son terme. Le projet de loi devrait être finalisé en mars.
Renvois
1. Lien d’accès à la contribution de l’USH : http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/evenement/loi_logement_2017/Contribution_USH-synthese.pdf
2. Loi MOP : loi Maîtrise d’ouvrage publique du 12 juillet 1985.
3. Les signataires sont l’Ordre des architectes, l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa), le Syndicat de l’architecture, l’Académie d’architecture, l’Association des architectes français à l’export (Afex), l’Association des architectes du patrimoine, le syndicat Défense protection architectes (DPA), le Mouvement des architectes et la Société des architectes (SFA), rejoints par de nombreux architectes à titre individuel...
La construction préfabriquée, autre inquiétude des architectes
Dans les articles 19 et 20, le projet de loi sur le logement (ELAN) entend modifier les règles de marchés publics et les échéanciers pour les maisons individuelles « pour favoriser des constructions qualifiées d’ouvrages préfabriqués lorsqu’elle sont conçues et réalisées à partir d’éléments préfabriqués sur un site de production distinct du chantier sur lequel ils seront assemblés et installés ». Cet encouragement à la construction préfabriquée préoccupe les architectes : « si le projet de loi entend favoriser le développement de la filière bois, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, il fait surtout la part belle aux constructions modulaires », remarque Marie-Françoise Manière, chargée de l’actualité législative à l’UNSFA. Un point de vue encore plus explicite dans le propos de Denis Dessus, président du conseil national de l’ordre des architectes, pour qui cette « réinvention de la politique des modèles signifierait un retour à ce que l’architecture a pu faire de pire ».