Cette semaine, zoom sur quatre actualités de l’ingénierie française : Syntec Ingénierie fait le bilan d’un secteur en attente de clarifications réglementaires, Builders investit dans deux campus, la gare Villejuif-Gustave Roussy remporte le Grand Prix de l’ingénierie et Saga Ingénierie devient le premier BET géotechnique à mission.
Ingénieurs n°24

L’ingénierie française résiste aux turbulences politiques et économiques

Michel Kahan, président de Syntec Ingénierie et dirigeant de Setec, dresse un constat lucide du secteur face aux turbulences actuelles. Malgré un contexte politique flou avec des textes clés en suspens (stratégie bas carbone, programmation énergétique), l’ingénierie maintient son cap sur la transition écologique. Les collectivités et industriels demeurent en attente de clarifications fiscales et réglementaires.

Le secteur observe une évolution favorable : les maîtres d’ouvrage publics intègrent désormais systématiquement les enjeux climatiques dans leurs projets. Face aux tensions sur certains chantiers d’infrastructure comme l’A69, Michel Kahan défend la pertinence de projets structurants (exemple avec le GPSO), dont le bilan carbone global reste positif malgré les émissions de construction.

L’intelligence artificielle représente pour lui une opportunité d’augmenter les capacités de conception, sans remplacer l’expertise humaine. Un manifeste pour son usage responsable vient d’être publié. Côté emploi, après une période de recrutement intense (2022-2023) portée par des promesses d’investissements massifs (100 milliards d’euros pour SNCF Réseau et RTE), le secteur connaît un ralentissement, mais continue de rechercher des profils hybrides ingénierie-numérique.

Formation des ingénieurs : Builders investit dans deux campus

Builders École d’ingénieurs accélère son développement pour répondre à la pénurie criante de cadres dans le BTP. Avec 14 500 diplômés manquant chaque année en France et des projets d’envergure, comme les EPR nécessitant 4 000 professionnels chacun, l’école prévoit d’augmenter sa capacité à 1 550 places d’ici 2030. Le site de Caen accueillera 1 000 étudiants tandis qu’un nouveau campus à Vaulx-en-Velin en recevra 550 dès 2027.

L’établissement mise sur l’accessibilité avec 30 % d’étudiants boursiers bénéficiant d’aides (prise en charge jusqu’à 50 % des frais), et sur l’international avec des classes préparatoires en Afrique et en Inde. Les cursus intègrent désormais systématiquement la performance énergétique, la décarbonation et les matériaux biosourcés. Un parcours spécialisé dans le nucléaire a été créé avec Eiffage.

Pour répondre aux besoins immédiats des entreprises, Builders propose également un bachelor en trois ans avec deux spécialités opérationnelles et développe l’apprentissage, qui concerne déjà 25 à 30 % des effectifs.

Grand prix de l’ingénierie 2025 | La gare Villejuif-Gustave Roussy récompensée

La gare Villejuif-Gustave Roussy, nouvelle infrastructure du Grand Paris Express, vient de remporter le Grand prix national de l’ingénierie 2025. Ce projet, conçu par Setec TPI et Dominique Perrault Architecture, intègre de nouvelles solutions techniques.

La structure principale consiste en un puits de 50 mètres de profondeur dont le diamètre a été optimisé de 73 à 63 mètres grâce au réalignement perpendiculaire des tunnels. Cette modification a généré des économies substantielles : réduction du volume excavé, diminution des mouvements de camions et baisse de la consommation de béton.

L’ouvrage présente plusieurs innovations techniques : parois moulées de 62 cm doublées d’un contre-voile coffré, méthode autrichienne NATM employée pour la première fois dans un contexte argileux, et pont-cadre rehaussé par vérinage. La conception en « gare à l’air libre » réduit de 70 % les besoins énergétiques selon les études préliminaires. Des escalators suspendus à des structures métalliques en « M » et une toiture en ETFE plissé complètent cette réalisation du Grand Paris Express.

Premier BET géotechnique à mission | L’ambition de Saga Ingénierie

Saga Ingénierie, bureau d’études géotechnique installé à Grigny (Essonne), devient le premier acteur de son secteur à adopter le statut de société à mission. Cette PME de 35 salariés, dirigée par Laurent Glandut, affiche désormais quatre engagements environnementaux, sociaux et territoriaux.

L’entreprise, qui table sur 5,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, intègre systématiquement des variantes écologiques dans ses études. Ces propositions permettent aux clients d’envisager des solutions techniques à moindre impact environnemental, comme l’utilisation de bétons décarbonés. Cette approche répond aux exigences de grands donneurs d’ordres publics tout en sensibilisant les petites collectivités aux alternatives durables.

Ce nouveau statut vise également à redorer l’image d’un secteur en déficit d’attractivité. Les jeunes diplômés privilégient la rénovation ou la géothermie, associant la géotechnique au béton traditionnel. Saga Ingénierie mise sur cette transformation pour faciliter ses recrutements et développer l’insertion professionnelle locale. L’entreprise forme des profils éloignés du secteur, les formant en tant que sondeurs confirmés en quelques années.