Une même opération peut être réceptionnée en plusieurs lots, chaque lot faisant courir son propre délai de garantie.
Les lots doivent se limiter à des ensembles cohérents et techniquement autonomes de travaux, définis contractuellement.
La réception de travaux par lots ne s’improvise pas

La loi Spinetta sur la responsabilité et l’assurance construction fêtera ses 40 ans en 2018. La notion de réception de travaux qui en est issue reste, quant à elle, en perpétuelle évolution. Dans un arrêt du 2 février 2017, la Cour de cassation indique « qu’en raison du principe d’unicité de la réception, il ne peut y avoir de réception partielle à l’intérieur d’un même lot », confirmant un arrêt d’appel qui avait écarté l’existence d’une réception de deux lots dès lors que le procès-verbal de réception de ces deux lots comportait des mentions « non réceptionné » en face de certaines prestations. « Dans cet arrêt, la Cour de cassation indique également que l’on peut réceptionner un même ouvrage en plusieurs parties que l’on appellera des “réceptions par lots“ », remarque l’avocat Cyrille Charbonneau. Pour ce spécialiste du droit de la construction, la Cour de cassation pose ici le principe de dérogation au caractère unique de la réception énoncé en droit privé dans le Code civil¹ : « Cet arrêt porte atteinte à l’unicité de la réception de travaux. Une réception par lots signifie des points de départ distincts de garanties légales pour des lots imbriqués les uns dans les autres. Encourager une telle démarche nie la responsabilité collective des constructeurs. »

 

Réception unique et responsabilité commune

Les malfaçons ayant souvent une origine collective, rien ne semble justifier que certains constructeurs soient tenus à des obligations dans un délai fixé par l’achèvement complet de l’ouvrage tandis que d’autres en auraient été libérés grâce à une réception anticipée. « La logique de réception unique est à rapprocher de la logique de responsabilité commune dans la réalisation d’un ouvrage. Cela s’applique aux concepteurs comme aux entreprises de travaux », insiste l’avocat, qui rappelle que le dommage est potentiellement le résultat d’une succession d’actions en chaîne impliquant plusieurs acteurs. Et cela dans le même ensemble de travaux constituant l’ouvrage.

Dans le commentaire de son arrêt, la Cour tente d’éclairer sa position en définissant le lot comme étant un ensemble cohérent de travaux en deçà duquel aucune réception partielle n’est possible. « Dans l’esprit, poursuit l’avocat, nous pouvons comprendre le lot comme une entité technique unique, mais également comme une entité simplement définie dans le contrat, telle qu’un lot attribué à une entreprise ou un “ macro lot “ regroupant plusieurs prestations liées à des métiers proches les uns des autres (clos couvert ou lots techniques, par exemple). » Cyrille Charbonneau ne se satisfait pas de ce flou juridique : « Le seul découpage raisonnable d’une opération de construction est celui qui conduit à réaliser des réceptions d’entités de travaux cohérentes et techniquement indépendantes », recommande l’avocat.

 

Le programme justifie une réception par lots

 

C’est le cas d’un maître d’ouvrage qui réalise un ensemble d’ouvrages autonomes livrés séparément, ou lorsque des corps de bâtiment constituant des parties indépendantes font l’objet de livraisons distinctes. « Dans le cas d’une opération regroupant un immeuble collectif et des maisons individuelles par exemple, le programme justifie une réception par lots constitués des différents ouvrages. Cela reste une succession de réceptions uniques d’ouvrages dans une opération immobilière qui en comporte plusieurs », relativise l’avocat. Dans de tels cas de figure, la réception par lots est la conséquence du programme. Elle est anticipée et prévue contractuellement. Le maître d’ouvrage l’organise alors avec le concours de l’architecte.

En l’absence d’indications sur un tel découpage dans les clauses administratives particulières du marché de travaux2, la loi Spinetta prévoit une réception unique de l’ouvrage construit. Malgré cela, Cyrille Charbonneau invite les architectes à insérer dans les marchés de travaux une clause écartant tout risque de réception partielle non justifiée par le programme : « Compte tenu du brouillard juridique dans lequel la Cour de cassation nous entraîne avec des lots mal définis, et en l’absence d’un programme justifiant des réceptions successives, il est prudent de préciser que la réception de travaux, au terme du contrat, est unique et ne saurait donner lieu à une réception par lot. » L’avocat redoute des demandes de réceptions partielles, non contractuelles, motivées par des intérêts qui ne sont pas ceux du maître d’ouvrage.

 

1. Article 1792-6 du Code civil, introduit par la loi Spinetta sur la responsabilité et l'assurance dans le domaine de la construction du 4 janvier 1978.

2. La norme NF P 03.001 (clauses administratives générales) d’application volontaire ne prévoit pas actuellement de réception par lots.