Moi, c’est Justin, et ma spécialité, c’est le pépin. Je suis devenu le roi des pratiques à ne pas suivre, et la MAF m’a demandé de vous raconter mes expériences. Vous l’avez redouté ? Moi, je l’ai fait. D’ailleurs, il faut que je vous dise…
Justin Pépin & l'absence de programme

Ah, qu’ils sont beaux les premiers jours de l’amour entre un maître d’ouvrage et son équipe de maîtrise d’oeuvre. Il y a peu, l’un d’entre eux me contacte : il a pour ambition de rénover une agence bancaire.

Le projet paraît simple et promet d’être exécuté rapidement. D’un commun accord, nous décidons de laisser le programme s’affiner au fil de l’eau sans prendre le temps de le formaliser.

On surfe sur l’APS, on dévale l’APD… Pour Justin, c’est la fin des pépins. Mais comme le dit l’adage : chassez le naturel, et il vous pourrit les travaux.

Alors que les choses avancent, que le plancher du premier est flambant neuf et que nous attaquons les finitions, un monstre de plusieurs tonnes est livré sur le chantier : le coffre-fort vient d’arriver.

Contrairement à ce qui était prévu, le maître d’ouvrage décide que le mastodonte sera bien mieux installé au premier étage. Je souris, mais un frisson d’effroi me transperce lorsque je plonge la tête dans mes calculs. Le verdict est sans appel : le plancher ne le supportera pas !

Il faut reprendre la structure, et donc faire un bond de plusieurs mois en arrière sur le chantier. J’ai beau plaider le fait que rien ne pouvait me permettre de prévoir ce changement, rien n’y fait. Cette fois-ci, c’est fini, me dis-je : j’ai échappé à l’amiante, aux aléas en cours de chantier et à mes engagements sur les délais (voir précédents numéros), mais l’absence de programme va m’être fatale.

Fort heureusement, au terme d’une relecture experte de mon contrat de maîtrise d’oeuvre, mon avocat brandit une clause rappelant au maître de l’ouvrage son obligation de bien déterminer son programme et ses contraintes. La clause ainsi appliquée, ma responsabilité s’en trouve dégagée.

Mais une chose est certaine : ma marge et l’espoir d’être recontacté par ce maître d’ouvrage ne sont plus qu’un lointain souvenir…

 

To do list :

 

  • En l’absence d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, se préoccuper de l’existence ou non d’un programme. Le cas échéant, aider le maître d’ouvrage à le déterminer.
  • Rappeler dans le contrat de maîtrise d’oeuvre la nécessité d’obtenir du maître de l’ouvrage son programme et ses contraintes.
  • Anticiper les contraintes à venir lors de l’exploitation du bâtiment.
  • Étudier les changements de programme en cours de chantier au regard de leurs impacts sur le projet en relation avec les autres intervenants de l’opération (BET, contrôleur technique et entreprise).
  • Échanger avec le maître d’ouvrage lorsque les choses semblent vous échapper et remplir votre obligation de conseil.

Les mésaventures de Justin Pépin sont tirées de faits réels rencontrés dans les dossiers sinistres de la MAF.