« Aujourd’hui, le chantier est une aventure dans laquelle nous ne savons pas quand et comment elle va se terminer. Il est quasiment impossible de rendre un chantier à l’heure. » Cette confidence récente d’un président de fédération de l’ingénierie devant un aréopage de maîtres d’œuvre illustre parfaitement le malaise qui règne dans le bâtiment : dans l’environnement technique de bâtiments de plus en plus complexes, les délais de réalisation sont rarement tenus et lorsqu’ils le sont, bien souvent les ouvrages ne sont pas totalement opérationnels avant plusieurs mois...
Rappelons ici quelques règles et bonnes pratiques en la matière : la durée globale des travaux est fixée par le contrat de travaux. Elle est généralement complétée par un calendrier détaillé élaboré pendant la période de préparation du chantier1. Ce calendrier précis fixe les dates d’intervention de chaque entreprise. L’architecte veille à ce qu’il soit notifié à toutes les entreprises. C’est un point important : la notification est faite par ordre de service établi par l’architecte, portant également la signature du maître d’ouvrage2. A défaut, l’application ultérieure de pénalités serait irrégulière, les retards devant correspondre au calendrier d’exécution notifié. Toute référence à un autre document n’ayant pas été rendu opposable, notamment en raison d’une défaillance de notification, n’est pas valable. Rappelons que le calendrier - la planification des travaux - sert au pointage hebdomadaire de l’avancement des travaux, réalisé en réunion de chantier et consigné dans le compte-rendu.
DES RÉUNIONS SPÉCIFIQUES POUR LES DÉLAIS D’EXÉCUTION
Les délais d’exécution des travaux ne sont pas un accessoire du bon déroulement du chantier. Affiché en grand format dans la salle de réunion, le calendrier peut notamment faire l’objet de réunions de coordination spécifiques organisées avec les entreprises par l’architecte qui assure la mission OPC. Il s’agit d’anticiper les interventions des entreprises, leurs approvisionnements, leurs effectifs, et gérer l’enchaînement des tâches et les interfaces telles que les réceptions de supports. Il s’agit également de souligner les dérives potentielles et de déterminer l’origine des éventuels retards constatés.
En cas de retard ayant une incidence sur le calendrier des travaux, l’architecte propose de réorganiser l’enchaînement des tâches pour remédier aux conséquences néfastes pour l’opération : le suivi doit être régulier, les mises à jour et leur diffusion systématiques pour limiter les conséquences en chaîne des retards.
OS DE « RECALAGE DE CALENDRIER »
Si nécessaire, le calendrier détaillé des travaux peut être modifié par un nouvel ordre de service. Là aussi, il est impérativement signé par le maître d’ouvrage et l’architecte. Cette notification d’un nouveau calendrier ne vaut pas nécessairement acceptation d’une prolongation de délai par le maître d’ouvrage, ni abandon des pénalités de retard à l’encontre de l’entreprise responsable. La rédaction de l’ordre de service de « recalage de calendrier » doit être très explicite sur ce point (voir la « Boîte à outil chantier » de la MAF, chapitre 19, outil 19A). Ce nouveau calendrier ne se substitue pas forcément à celui, notifié initialement, sur la base duquel sont déterminées les éventuelles pénalités de retard.
Pour être appliquées et applicables, ces dernières sont, elles aussi, prévues par le contrat. Si le marché privé se réfère à la norme NF P 03-001, la version 2017 prévoit que la pénalité journalière de retard est de 1/3 000 du montant du marché (art. 9.5), soit trois fois moins que dans la version antérieure. Si le marché public fait référence au CCAG Travaux, la pénalité journalière de retard est la même (art. 20), sauf disposition contraire du marché. Il est intéressant de noter que même si ces pénalités ne sont pas plafonnées aux termes du CCAG Travaux3 (art. 20.4), le bon sens veut qu’elles soient suffisamment dissuasives sans être manifestement excessives4. En effet, la récente réforme du droit des contrats - en 2016 - permet désormais au juge de modifier le montant d’une pénalité déraisonnable.
Enfin, notons que le maître d’ouvrage demeure libre d’appliquer ou non, de moduler à la baisse en tout ou partie, les pénalités dues par l’entreprise.
Lorsque la météo s’en mêle…
Le retard du chantier résulte parfois d’intempéries plus ou moins prévisibles. C’est la raison pour laquelle le marché de travaux prévoit généralement un nombre de journées d’intempéries fixé en fonction du climat local, des saisons pendant lesquelles sont exécutées certaines tâches et de la durée prévisionnelle du chantier.
Lorsque l’entreprise juge que les intempéries dépassent les limites fixées au marché, c’est à elle de produire le bulletin de la station météo la plus proche et le relevé diffusé par la Fédération française du bâtiment. Ces documents sont remis à l’architecte qui les analyse et vérifie que les intempéries ont eu une réelle incidence sur les travaux.
Le CCAG Travaux prévoit que les délais d’exécution des travaux sont prolongés d’un nombre de jours égal à celui pendant lequel un au moins des phénomènes naturels (pluie, neige, gel, vent) dépasse les limites fixées dans le marché (art. 19.2.3).
En marché privé, sont considérées comme intempéries, « les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir » (art. L. 5424-8 du code du travail) et « dans le cas où les conditions d’accès ou le respect des règles élémentaires de sécurité ne peuvent être normalement assurés » (art. 10.3 de la norme NF P 03-001).
1. Le délai de réalisation comprend la période de préparation et la période d’exécution (norme NF P 03-001). Voir également « le déroulement du chantier - La préparation de chantier », dans le guide de l’OGBTP « Architectes, entrepreneurs : mode d’emploi 2019 », téléchargeable sur le site de l’ordre des architectes.
2. C’est le maître d’ouvrage qui notifie le calendrier détaillé. En marché public, comme en marché privé lorsque ce dernier se réfère contractuellement à la norme NF P 03-001.
3. A charge pour les parties de fixer un plafond contractuellement si elles le souhaitent.
4. Dans sa Boîte à outils chantier, la MAF propose une liste des pénalités pour non-respect des obligations, voir l’outils 2B (chapitre 2).