L’architecte est débiteur des garanties légales des constructeurs dont la garantie décennale, pour lesquelles sa responsabilité est présumée.
« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ». Victor Hugo ne pensait peut-être pas à la liberté de créer de l’architecte en énonçant cette vérité1. La création architecturale expose le concepteur à l’admiration autant qu’au reproche. Il lui est indispensable de bien cerner cette responsabilité pour mieux la contrôler. Rappelons donc ici quelques fondamentaux : l’architecte peut voir sa responsabilité recherchée en cas de dommages, que ceux-ci soient matériels, immatériels ou corporels. Selon la mission qui lui est confiée, les mises en cause par son client - le maître d’ouvrage - peuvent concerner un défaut de devoir de conseil tel qu’une erreur sur l’estimation du montant des travaux, une conception non-conforme aux règlementations, ou encore des retards imputables aux études par exemple. Dans le cadre de sa mission de direction de l’exécution des contrats de travaux (DET), le défaut d’implantation du bâtiment et d’éventuelles malfaçons peuvent également lui être imputés. L’architecte pourra aussi être appelé en garantie dans le cas d’une mise en cause du maître d’ouvrage par les propriétaires des fonds voisins de l’opération .
MAUVAISE EXÉCUTION DU CONTRAT
Rappelons que la responsabilité civile de l’architecte est soit contractuelle de droit commun, soit délictuelle ou quasi-délictuelle. Dans le premier cas, un contrat doit avoir été conclu entre la victime et l’architecte ;sa responsabilité est engagée en cas de mauvaise exécution ou d’inexécution de ses obligations contractuelles.
C’est le cas du litige relatif aux permis de construire ; aux malfaçons diverses apparues avant la réception ; aux dommages ayant fait l’objet d’une réserve à la réception, aux non-conformités contractuelles n’entraînant pas une impropriété à la destination de l’immeuble) ; aux réclamations financières du maître de l’ouvrage (dépassement de budget) ; aux dommages affectant l’existant dissociable des travaux neufs ; aux dommages cachés à la réception ne répondant pas au caractère de gravité de l’article 1792 du code civil2 et n’affectant pas un élément d’équipement dissociable (sinon la garantie de bon fonctionnement s’applique) ; enfin, aux dommages immatériels consécutifs (pertes d’exploitation économiques liées au sinistre, privation de jouissance d’un bien…).
FAUTE SANS CONTRAT OU EXTÉRIEURE AU CONTRAT
Dans le second cas (responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle), il n’y a pas de contrat entre la victime et l’auteur de la faute ; ou bien, s’il y a un contrat, la faute est extérieure au contrat. La responsabilité délictuelle suppose que cette faute soit volontaire, alors que la responsabilité quasi-délictuelle considère qu’elle est involontaire. Dans les deux cas, il incombe à la victime qui demande réparation de prouver le dommage et son lien de causalité avec le fait dommageable.
C’est le cas du voisin qui demande réparation à un maître d’ouvrage pour un trouble anormal de voisinage causé par les travaux ; du passant qui a été blessé par la chute d’une tuile provenant du chantier ; du maître d’ouvrage qui agit à l’encontre d’un sous-traitant de l’entreprise principale ; des constructeurs ayant un différend entre eux (non liés par contrat) mettant en cause l’architecte ; ou encore de l’entreprise adressant une réclamation financière au maître d’ouvrage.
LES CONSTRUCTEURS PRÉSUMÉS RESPONSABLES
Outre les fondements de responsabilité de droit commun ci-avant rappelés, rappelons qu’existe en parallèle un autre fondement de responsabilité : les garanties légales des constructeurs visées aux articles 1792 et suivants du code civil, avec leurs conditions propres d’application : garantie de parfait achèvement, garantie de bon fonctionnement, garantie décennale.
La responsabilité décennale concerne les dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ; ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses équipements, le rendent impropre à sa destination. Mais également les dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un bâtiment lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec le bâtiment. C’est le cas lors d’infiltrations par l’enveloppe du bâtiment (façades, couverture…) ; d’un mauvais fonctionnement des menuiseries extérieures ; d’un effondrement ou risque d’effondrement (mauvais dimensionnement de charpente, par exemple) ; de fondations insuffisantes entraînant des désordres de stabilité du bâtiment ; d’un dysfonctionnement d’une installation de climatisation entraînant une surchauffe du bâtiment ; du dysfonctionnement d’un ascenseur ; du non-respect de la réglementation sismique ou incendie ; ou encore de l’utilisation de matériaux entraînant des émanations de substances chimiques nocives pour les occupants.
Au titre de la garantie décennale, les constructeurs sont présumés responsables : c’est donc à l’architecte de démontrer qu’il n’a pas commis de faute.
RESPONSABILITÉ PÉNALE DE L’ARCHITECTE
A noter enfin la responsabilité pénale de l’architecte, qui résulte, quant à elle, d’une infraction aux règles d’urbanisme, à certaines règles de construction, aux prescriptions d’un Plan de prévention des risques (PPR), ou encore d’un accident corporel (chute due à l’absence de garde-corps ou à la présence d’un garde-corps non conforme).
Quelle assurance ?
L’architecte est tenu de s’assurer au titre de sa responsabilité civile générale (loi du 3 janvier 1977 - article 16). Contrairement à lui, l’entreprise n’a pas l’obligation de s’assurer pour les dommages à ses propres ouvrages avant réception. En revanche, tous les intervenants à la construction - architectes, bureaux d’études, entreprises, etc. à l’exception des sous-traitants - liés par un contrat avec le maître de l’ouvrage ont l’obligation d’assurer leur responsabilité décennale.
Attention, les contrats d’assurance ne couvrent pas la responsabilité pénale (amendes, prison…). Notons toutefois que la garantie de la MAF couvre les conséquences civiles d’une procédure pénale, sauf en cas de faute intentionnelle.
La temporalité des responsabilités et des garanties : contrairement à l’entreprise, l’architecte a l’obligation d’assurer sa responsabilité civile générale pour toute la durée de l’opération.
5 RECOMMANDATIONS SI VOUS ÊTRE MIS EN CAUSE…
1. Prévenez la MAF (dans les cinq jours pour une réclamation amiable et dans les 48 heures pour une réclamation judiciaire) à la réception d’une réclamation ou d’une mise en cause ;
2. Déclarez votre sinistre en ligne sur votre espace adhérent sur www.maf.fr. Le lieu du sinistre détermine la désignation de votre correspondant MAF ; ce dernier, spécialisé dans le droit de la construction, donne les instructions à l’avocat et à l’expert désignés par lui (c’est la MAF qui décide de la stratégie de défense de l’adhérent) ; ne communiquez pas de document sans l’accord préalable de la MAF, de l’expert ou de l’avocat désignés par la MAF ;
3. Participez activement à votre défense en informant sur l’historique de l’affaire et en assistant aux réunions d’expertise ;
4. Ne vous rendez pas à une réunion d’expertise tant que vous n’êtes pas cité dans un acte de procédure, même à la demande du maître d’ouvrage ou de l’expert judiciaire ;
5. Ne reconnaissez jamais votre responsabilité, même partiellement.
1. Victor Hugo - Actes et Paroles, publié en 1876 : « Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Être libre, rien n’est plus grave ; la liberté est pesante, et toutes les chaînes qu’elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience. »
2. Article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »