Il y a les concours que l’on tente sans trop y croire, et ceux qui bouleversent une vie. Lorsque Adrien Coste et Guillaume Vienne candidatent à Europan, ils n’imaginent pas que cette distinction marquera le départ d’une aventure bien plus grande : la création de leur agence d’architecture, alt174, qu’ils assurent alors à la MAF.
Alt174 architecture

Adrien Coste à gauche et Guillaume Vienne à droite

 

Installés à Tourcoing, les cofondateurs poursuivent aujourd’hui l’exploration du métier à travers des projets scolaires et culturels. Ils sont les récents lauréats du prix de la Première Œuvre de l’Équerre d’argent*. Rencontre avec Adrien Coste qui revient sur leur parcours.

Bonjour Adrien, merci de nous accueillir.

Bonjour à tous ! Je suis ravi de vous faire découvrir notre agence, alt174 architecture, située à Tourcoing, dans le Nord.

Ensemble, nous allons évoquer l’Équerre d’argent et ce prix de la Première Œuvre qui vous a récemment été attribué, mais avant, parlez-nous de votre parcours.

Avant alt174, il y a d’abord Adrien et Guillaume (Vienne, son associé, ndlr). Si nous sommes tous deux issus de la même formation, suivie à l’Institut Saint-Luc Tournai, en Belgique, Guillaume est de cinq ans mon aîné.

C’est plus tard que nous nous sommes rencontrés, lorsque j’ai rejoint l’agence Zig Zag Architecture dans laquelle Guillaume travaillait déjà. J’y suis resté sept ans.

Avant de créer votre propre structure ?

Oui. Notre parcours est intimement lié au concours Europan. Pour le présenter rapidement, je dirais que c’est une compétition biennale de jeunes architectes de moins de 40 ans, invités à présenter des projets urbains et architecturaux innovants sur différents sites européens. 

Zig Zag Architecture avait remporté la première édition. Lorsque nous avons appris que l’édition suivante se tiendrait à Lille, à deux pas de chez nous, nous y avons vu un signe et nous avons candidaté. 

Et remporté le concours ! Avec quel projet ?

Et… et… et…

Pardon ?

C’est le nom du projet ! (Rires)

Il s’agissait de travailler pour le compte de la Métropole européenne de Lille, soucieuse de faire dialoguer ses pôles d’excellence, ses universités, ses laboratoires de recherche, certains de ses lieux emblématiques et ses habitants.

« Le prix de la Première Œuvre légitime nos partis pris. »

Une distinction comme la validation de votre travail…

Cette victoire nous a convaincus de nous lancer et de monter notre propre agence : alt174 architecture.

Une question s’impose naturellement : d’où vient son nom ?

C’est une combinaison de touches d’un clavier. Si vous appuyez simultanément sur la touche alt et sur les touches 1,7 et 4 successivement, vous obtenez le symbole “ « “ . Notre nom traduit une philosophie, une manière de travailler, qui se retrouve dans chacun de nos projets.

Nous explorons systématiquement des références en lien avec la commande. Nous sommes convaincus que les idées n’appartiennent à personne, alors nous les utilisons comme source d’inspiration pour les réinventer et y apporter notre touche personnelle.

Opérez-vous sur une typologie particulière de commandes ?

Nous travaillons principalement pour des établissements recevant du public (ERP). Les établissements scolaires sont au cœur de notre activité : écoles, groupes scolaires, locaux périscolaires, relais petite enfance… et quelques médiathèques également.

Est-ce un choix ou un hasard ?

Un peu des deux. Chez Zig Zag, nous travaillions principalement pour des groupes scolaires. Lorsque nous avons créé l’agence, ces références nous ont permis de répondre à nos premiers appels d’offres et de développer notre réseau.

Nous en avons fait une spécialité et espérons bien poursuivre dans cette voie. Les bâtiments scolaires regroupent deux de nos intérêts : répondre aux besoins des utilisateurs et être dans l’air du temps. Bien que le cadre réglementaire soit strict, ce sont des projets riches et stimulants où il y a de nombreuses occasions de réinventer.

Les groupes scolaires sont aussi le reflet de notre société : ils sont des lieux de vie et de rencontres, porteurs d’un fort engagement des collectivités envers leurs citoyens. Ce sont des projets qui comptent pour les villes et nous sommes fiers d’y contribuer, notamment dans les petites communes.

« Les projets scolaires sont des projets riches et stimulants où il y a de nombreuses occasions de réinventer. »

Votre expertise en la matière vous a récemment valu d’être lauréats du prix de la Première Œuvre de l’Équerre d’argent pour la réhabilitation de l’école Simone-Veil à Lompret (59). Pouvez-vous nous raconter ce projet ?

Avec plaisir ! Il s’agit de la réhabilitation d’une école construite en 1980. Le bâtiment n’était pas exceptionnel, mais ne présentait pas de lacunes majeures. Il était même plutôt doté de qualités intéressantes, comme de grandes ouvertures permettant à la lumière naturelle d’inonder des salles à belle hauteur sous plafond.

Les difficultés étaient davantage liées à sa réalisation : il était très mal construit, avec des problèmes structurels, de l’amiante et des fuites d’eau. Fallait-il démolir ou rénover ? Pour le maître d’ouvrage, il était impératif de conserver ce marqueur fort de la place du village, très intégré au quotidien des Lompretois.

Nous avons procédé à une analyse fine des qualités du bâti afin de définir ce qui méritait d’être conservé, amélioré ou remplacé. Ce travail nous a permis d’apporter des réponses architecturales. La plus évidente portait sur la circulation, au cœur de la commande. Il s’agissait de penser de nouveaux flux qui reconnectent les différents volumes entre eux.

Nous avons donc proposé :

  • Une nouvelle entrée sur le parvis pour donner une identité forte à l’école.
  • Un préau linéaire permettant aux enfants de circuler à l’abri entre les différents pôles de l’école.
  • Un préau circulaire pour offrir un espace de jeu abrité et ombragé.

Nous avons coconstruit le projet avec les enfants, âgés de 6 à 11 ans, afin de récolter leurs envies et leurs besoins.

Comment fait-on cohabiter les contraintes d’un projet architectural et les envies des enfants ?

C’est un vrai défi ! Avec eux, nous avons choisi de nous concentrer uniquement sur l’extérieur, moins sujet aux normes et aux contraintes. Nous nous sommes ainsi entourés d’Atelier Extérieur, un bureau de paysage spécialisé dans la démarche participative.

Les enfants n’ont pas les codes du métier.

Il a fallu structurer les échanges avec une approche ludique.

Pour cela, nous avons organisé deux ateliers avec trois classes.

  1. L’expression de leurs idées, notamment concernant leur cour de récréation rêvée.
  2. Une approche plus concrète avec des maquettes afin qu’ils manipulent et testent leurs concepts.

Qu’en est-il ressorti ?

Ce qui nous a particulièrement marqués, c’est la radicalité des plus petits et le pragmatisme des plus grands. Ces derniers avaient tendance à repartir de leur cour actuelle en y apportant quelques améliorations ponctuelles.

Les plus jeunes, quant à eux, partaient plus naturellement d’une page blanche et proposaient des idées en rupture totale avec l’existant.

De quel type ?

La piscine est régulièrement revenue, suivie de tyroliennes et même une cour à étages… Très demandé aussi : la présence d’animaux. L’idée nous plaisait, mais était difficile à mettre en oeuvre.

Certains éléments plus réalistes, comme des cours de récréation différenciées selon les âges et les besoins (sports, jeux, temps calmes, etc.), se sont rapidement dégagés.

Les enfants ont aussi demandé de la végétation et des abris contre la pluie. Enfin, pour rendre la conception plus vivante, nous avons utilisé des formes géométriques qui leur sont familières – le rond, le carré et le rectangle – et nous les avons
combinées.

À l’arrivée, quels sont les partis pris de cette cour ?

Indéniablement, la végétalisation. La maîtrise d’ouvrage nous a fait confiance dans cette voie qui n’est pas sans conséquence pour l’avenir. Sur ce genre de projets, la facilité est de recourir à l’enrobé sur la totalité de la zone.

Notre proposition implique une gestion différenciée et l’adaptation en fonction de la météo.

« L’architecture tend globalement vers une économie des matières. »

Comment sait-on qu’un projet mérite d’être présenté à un prix ?

On ne le sait jamais vraiment. Nous essayons toujours de faire du mieux possible et quand un projet nous semble abouti et fidèle à nos engagements, on se dit : pourquoi ne pas tenter ?

Concernant le prix de la Première Œuvre, c’était notre dernière chance de candidater.

Qu’apporte un prix comme celui-ci à une agence ?

Une reconnaissance précieuse, notamment auprès des maîtres d’ouvrage et de nos confrères.

C’est assez rare dans nos professions pour que nous sachions en profiter lorsque c’est le cas ! Nos quotidiens sont faits de justification de nos choix, de nos partis pris et même de nos compétences.

Vis-à-vis de nos maîtres d’ouvrage, une distinction vient légitimer notre travail, à la manière d’un label qualité. D’ailleurs, cette récompense a suscité une vague de sympathie et de propositions de collaboration de la part d’autres agences.

Vous semblez soucieux de la qualité de votre production, tant au regard de vos pairs que de vos clients. Que diront vos confrères en 2075, lorsque vos réalisations arriveront au terme de leur cycle de vie ?

Je pense qu’il restera de notre époque l’impression d’une grande transition. Les mutations sont nombreuses et toutes les pratiques sont challengées. Lorsque nous avons débuté, en 2010, la question des matériaux ne se posait pas vraiment. Aujourd’hui, elle est centrale.

L’architecture tend globalement vers une économie des matières dans un contexte où l’on cherche à composer avec les contraintes, budgétaires et environnementales. C’est ainsi qu’après avoir été longtemps privilégié, le béton est challengé par d’autres matériaux. Actuellement il est souvent question du bois, mais, demain, sans doute un autre émergera.

De notre côté, nous privilégions une approche hybride en misant sur les qualités propres de différents matériaux.

Si vous n’aviez pas été architecte ?

Peut-être explorateur, navigateur.

Quel est votre premier souvenir d’architecture ?

Le Kunsthal de OMA à Rotterdam. La première fois que je l’ai vu, je l’ai trouvé affreux. Avec ses matériaux comme la tôle et l’aluminium, ce bâtiment donnait l’impression d’être fait de bric et de broc. C’est en le visitant que je l’ai découvert.

C’est un espace totalement surréaliste, en spirale, sans niveaux définis. C’était une expérience architecturale intense qui a changé ma vision de l’architecture.

Qu’est-ce qui fait un bon architecte ?

Avant tout, le travail. Le cœur qu’a mis l’architecte à l’ouvrage se ressent toujours dans la réalisation. L’écoute, aussi : comprendre et bien cerner les idées afin de les transformer en volumes et ensuite en construction. Tout cela n’est rien s’il n’est pas doté, enfin, d’une sacrée dose de patience.

Enfin, quelle est votre plus grande fierté ?

La structuration de notre agence avec Guillaume. C’est un bel accomplissement d’avoir créé une véritable entité qui donne vie à nos idées. À chaque projet, nous nous fixons une ambition et nous efforçons de la mener à bien, d’aller toujours plus loin pour offrir le meilleur résultat possible. Cela ressemble parfois plus à un chemin de croix ou à un sacerdoce, mais je crois pouvoir dire que nous y arrivons toujours, tant bien que mal !

La finalité, c'est la fierté de ce nous produisons.

*Parrainé par la MAF, le prix de la Première Œuvre de l’Équerre d’argent est ouvert aux architectes âgés de moins de 35 ans au moment du dépôt de la demande de permis de construire du projet candidat.

Projet Europan 14
Crédit photo : Alt174 architecture
Maquette de l'école Simone Veil à Lompret
Crédit photo : Alt174 architecture
Ecole Simone Veil à Lompret
Crédit photo : Alt174 architecture

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