Représentant près des trois-quarts de la production en France*, les déchets du BTP sont de plus en plus sujet à réflexion, entre valorisation, réutilisation et recyclage. Pourquoi est-il primordial de les valoriser ? Que dit la réglementation ? Quelle est la responsabilité des architectes sur le sujet ?
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Enjeu environnemental, responsabilité des entreprises, la gestion des déchets est au centre d’une réflexion qui n’en est qu’à ses balbutiements. Et pourtant il y a urgence à se mettre en ordre de bataille : le Code de l’Environnement impose, depuis la loi de Transition Energétique pour la croissance verte de 2015, la réduction de 70% sous forme de matière des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics d’ici 2020 (article L541-1, al 6).

Si tout n’est pas encore parfait, une belle mobilisation de l’ensemble de la filière a d’ores et déjà permis de faire avancer la réutilisation et la valorisation des 227 millions de tonnes produites chaque année par le BTP. Ainsi, c’est 61% des déchets inertes et du gros œuvre qui sont déjà valorisés, et 35% de ceux du second œuvre.

C’est d’ailleurs ce filon qu’espèrent bien exploiter de plus en plus de plateformes qui voient dans cette manne inexploitée une opportunité de joindre l’utile à l’agréable : réduire l’impact environnemental du BTP, tout en trouvant le moyen de toucher une part des 500 milliards d’euros potentiels que peut représenter la revente de ces déchets. Alors que l’ensemble de la filière du recyclage cumulait un chiffre d’affaire de seulement 8,2 milliards en 2017, on réalise qu’il reste encore de nombreux tickets gagnants à distribuer dans ce secteur.

 

IL Y A DÉCHET ET … DÉCHET

C’est à s’y méprendre, toutefois, un déchet n’est pas équivalent à un déchet. Pour que le recyclage et la valorisation soit efficace, il faut être capable de trier les différents matériaux collectés sur le site. C’est comme votre bouteille en verre et votre pot de yaourt : tous deux recyclables mais promis à des horizons et des bacs de collectes différents.

Quelles sont les différentes catégories de déchets identifiées ?

  •        Les déchets inertes

A eux seuls, ils représentent plus de 70% des déchets de chantier. Minéraux, ils ont l’énorme avantage de conserver leurs caractéristiques physico-chimiques intactes après stockage et utilisation. Des candidats idéaux à la réutilisation. Dans cette catégorie on retrouve tous les incontournables de la construction : terre, matériaux de terrassement, céramique, béton, parpaings, tuiles, briques, pierres naturelles, gravats, verre …

Elimination / valorisation de ces déchets : concassés, ces déchets représentent une excellente source de granulats, se substituant aux granulats naturels dans le renforcement d’infrastructures ou le remblayage.

  •        Les déchets non dangereux non inertes :

Ils représentent 26 % des déchets du BTP. Ni inertes, ni dangereux, ni corrosifs, ni explosifs, ils n’en restent pas moins déchets industriels banals (DIB) :
bois, plastiques, emballages, plâtre, métaux, isolants …

Elimination / valorisation de ces déchets : Tous ces déchets ne sont pas destinés au même avenir mais tous valorisables via des filières spécifiques. Le plâtre est recyclable à l’infini, le bois est valorisé grâce à des chaufferies pour ses vertus énergétiques ou en pâte à papier quand il s’agit de valorisation de matière, les métaux peuvent être refondus et le plastique recyclé.

  •        Les déchets dangereux :

S’ils ne représentent qu’une part marginale des déchets de chantier, ils sont, comme leur nom l’indique, les plus dangereux : huiles, goudron, hydrocarbures, piles, amiante, plomb, PCB, bouteilles de gaz, peintures, vernis …

Elimination / valorisation de ces déchets : Outre leur dangerosité, ces produits sont très peu valorisables ou, lorsqu’ils le sont, nécessitent des procédés complexes et onéreux. La plupart du temps, ils seront stockés dans des ISDD (installations de stockage des déchets dangereux) au sein desquels ils sont traités par dépôt pour enfouissement.

 

RESPONSABILITÉ DE LA MAITRISE D’ŒUVRE

Le Code de l’Environnement ne distribue pas précisément les responsabilités de la gestion des déchets. Il se contente de définir le rôle du producteur de déchets : « Tout producteur de déchets est tenu d’assurer ou de faire assurer la gestion de ses déchets par un tiers. Il est responsable de ses déchets jusqu’à leur valorisation finale. Les producteurs de déchets sont donc tenus de choisir des filières conformes à la règlementation et détentrices des autorisations préfectorales leur permettant d’exercer dans le secteur du recyclage et de la valorisation des déchets. »

Mais qui est-il, ce producteur de déchets ? L’architecte qui initie le projet et se trouve donc à l’origine de la production des déchets ? Le maître d’ouvrage, donneur d’ordres et propriétaire de ces déchets ? L’entreprise qui les génère ? Le Code se contente de préciser qu’est qualifiée de « Producteur de déchets, toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) » (Article L541-1-1).

Dans la pratique, il incombe au maitre d’ouvrage de poser un diagnostic complet des déchets, afin d’en définir les objectifs de valorisation, en fonction de la classification vue précédemment. C’est une fois ce diagnostic posé que le maître d’œuvre doit entrer dans la boucle afin d’intégrer cette problématique « déchets » dans le projet, de l’étude préalable à la gestion.

Il en résulte alors pour l’architecte l’obligation de rédiger le DCE, de planifier le chantier en intégrant les délais de curage des déchets nécessaires, en intégrant dans le plan d’installation du chantier les besoins de gestion et de collecte (bennes, bacs de tri…) et si besoin, de lancer l’appel d’offres aux entreprises compétentes en y intégrant le « diagnostic déchet ».

Durant la phase projet, il lui incombe de suivre l’avancé du traitement des déchets, d’en gérer les aléas (déchets non identifiés) et d’en réaliser un bilan complet à la fin du chantier.

 

Les bonnes pratiques à adopter

La première des bonnes idées est d’anticiper la gestion de ces déchets sur le chantier permettant une évacuation efficace, isolant les différentes catégories de déchets qui, comme nous l’avons vu, ne sont pas destinés au même traitement. Si le tri n’est pas une obligation, il est indispensable pour réduire les coûts d’élimination, les gestionnaires d’installations de stockage refusant souvent les déchets mélangés, et dans les cas où ils l’acceptent, pratiquent le prix du déchet le plus cher sur l’ensemble du volume. Une nouvelle bonne raison de trier.

Il faut également veiller au bon suivi du suivi de certains types de déchets :

  •        Les déchets dangereux : bordereau de suivi des déchets dangereux
  •        Les déchets d’amiante : bordereau de suivi des déchets d’amiante
  •        Les déchets d’emballages : conserver une trace écrite de leur élimination, fournie par l’éliminateur agréé

Pour le reste, si aucune obligation légale ne vient contraindre la justification de leur élimination, la FFB propose un bordereau de suivi des déchets de chantier inertes et non dangereux, qu’il est dans l’intérêt de tous de conserver.

Enfin, si les bennes de collecte et sacs à gravas restent les solutions privilégiées, de plus en plus, les plateformes de recyclage et réutilisation se multiplient à mesure que les freins au réemploi disparaissent. Cycle Up, ReadyMader, BatiPhoenix … toutes ces nouvelles offres, souvent à l’initiative d’architectes, proposent la mise en relation entre, d’une part, des matériaux disponibles sur un chantier et, d’autre part, des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre susceptibles de les réutiliser sur le leur.

Qui deviendra l’Uber de ce secteur ? Trop tôt pour le dire. Pour autant une chose est sûre, ces coûts inhérents à l’élimination doivent se répercuter sur le prix du marché. Charge au maître d’ouvrage d’anticiper un chiffrage dès le devis …

*Source tracktor.fr