MAF & Vous revient sur le parcours d'un architecte, explique son quotidien et esquisse l’avenir. Découvrez notre nouveau numéro réalisé avec Patrick Miton, co-fondateur de l’agence lyonnaise SOHO Atlas In Fine.
MAF Assurances

MAF AssurancesEn 2007, quand démarre l’aventure, il n’y a que 4 lettres et 3 associés. Au fil des années, des rencontres et des opportunités, Patrick Miton fait croître les deux. De SOHO, l’agence devient SOHO Atlas à l’occasion d’une fusion, avant qu’In Fine ne rejoigne à son tour le navire. SOHO Atlas In Fine. 15 lettres et plus d'associés encore. 

Ils sont aujourd'hui 21 à la tête de l’agence qui emploie une centaine de collaborateurs. De Lyon à Paris, de son développement au coup d’arrêt du COVID, de ses premiers souvenirs d’architecture à une agence comptant parmi les plus importantes de l’Hexagone, rencontre avec Patrick Miton.

 

MAF : Bonjour Monsieur Miton, merci de répondre à nos questions !

Patrick Miton (P. M.) : Bonjour la MAF !

Pouvez-vous nous présenter brièvement le travail votre agence ?

Nous sommes historiquement très impliqués dans la vie de l’entreprise au sens large. Cela couvre un spectre large de la conception de sièges sociaux à la réflexion autour de l’implantation de bases logistiques à de petites unités de production. 

 

Étant entrepreneur vous-même, ce sont des histoires qui vous parlent ?

Forcément. Nous aimons ces échanges et ces univers que nous découvrons. Chaque fois, c’est l’occasion de débuter une magnifique aventure. Il y a d’abord notre travail de conception, la réponse que l’on apporte au besoin formulé par le maître d’ouvrage, puis la construction et la réception, ce moment de bascule où notre projet devient le sien.

 

MAF Assurances

 

Certaines caractéristiques se retrouvent d’un projet à l’autre mais l’aventure est chaque fois différente. Il y a très peu de routine dans le quotidien de l’architecte !

Un segment, l’immobilier de bureau, promis à de profondes mutations …

Je crois qu’il faut se méfier des discours qui prédisent la fin des bureaux, et rester humble quant à l’avenir du télétravail. S’il a été une très belle alternative face au COVID, nous croyons à la diversité entre des bureaux traditionnels qui doivent se réinventer et des espaces de coworkings qui vont prendre de plus en plus de place.

Nous allons vers une pluralité d’outils, avec le numérique comme tête de pont, et de supports diversifiés au travail.

 

Dans ce contexte, quel bilan 2020 pour votre agence ?

Comme tout le monde, nous avons dû nous adapter. Pour cela, il nous a fallu être parfois des gestionnaires avant d’être des architectes. Inutile de vous dire que ce ne fut ni naturel, ni agréable. 
Au moment de faire les comptes, nous clôturons un exercice à l’équilibre avec une baisse du chiffre d’affaires de 15% « seulement ». Cela aurait pu être pire…

 

Avez-vous expérimenté le recours massif au télétravail ?

Avant le COVID, le télétravail n’était pas dans nos habitudes à l’agence. C’est sûrement lié à notre manière de concevoir la pratique de l’architecture, avec sa pluralité de collaborateurs concernés et d’intervenants, toujours en mode projet. 

Nous sommes attachés à ces échanges, à leur fluidité et leur spontanéité. Alors forcément, lors du premier confinement, notre premier réflexe fût celui de la précaution, avec un recours au chômage partiel conjugué au télétravail. 

Je n’ai pas honte de le dire : nous n’étions pas prêts à cet épisode.

A cela s’ajoutait le manque de visibilité avec l’arrêt brutal notamment des chantiers. Une fois passé le choc de la première semaine, nous avons fait du télétravail ciblé et conduit un fin travail de gestion. 

 

Vous faites partie de ceux que le télétravail ne convainc pas ?

Il a été une réponse indispensable. J’entends mes confrères et tous ceux qui m’expliquent que tout s’est très bien passé. Je ne dresse simplement pas le même constat : pour nous cela a été plus compliqué. 

Je ne suis pas contre le télétravail. Je crois en revanche que lorsqu’il est massif, il engendre davantage de problèmes que de solutions. Mais ponctuellement, c’est un outil formidable.

 

Peut-être la nature de l’activité de votre agence est-elle en partie responsable de cette difficile mise en place du télétravail généralisé ?

Je le crois, oui. Nous avons les faiblesses de notre force. Le modèle de l’agence repose sur un volume important d’affaires vivantes : nous gérons 150 projets simultanément. C’est le prix de notre indépendance face aux clients.
 
Naturellement, cela demande un gros travail de management et de suivi au quotidien. En temps normal, un échange dans un couloir, un point informel de 5 minutes permet un partage d’informations rapide et nourrit l’avancée du projet, cela évite la dispersion et le travail fait à reprendre. 

En télétravail, inutile de préciser que ces échanges, le contact, l’émulation du partage n’existent pas. J’y vois une des raisons pour lesquelles l’expérience fut mitigée en ce qui nous concerne.

 

Quel regard portez-vous sur 2021 dans ce contexte ?

Je suis de nature optimiste et opiniâtre. 2021 va être compliquée ! Si l’arrêt de l’activité, évoqué plus haut, fut brutal, il fut quasi total sur les projets de développement. Les pourvoyeurs habituels de commande ont drastiquement réduit la voilure. Ajoutez à cela des élections municipales en 2020 avec beaucoup de changements de bords et le constat est sans appel : l’année s’annonce touchy et les voyants clignotent en orange. 

 

Laissons de côté le COVID avec une nouvelle question, sans transition : si vous n’aviez pas été architecte, qu’auriez-vous pu être ?

C’est une bonne question que je crois ne m’être jamais posé ! Je suis le fils d’un ingénieur qui a toujours rêvé d’être architecte, à qui on a dit à l’époque que ce n’était pas un métier.

 

Racontez-moi votre premier souvenir d’architecture …

L’arrivée au terminal TWA de l’aéroport John F. Kennedy de New-York conçu par Eero Saarinen. J’avais 6 ans, et j’ai eu l’impression de débarquer dans le futur. Une impression renforcée par la découverte de Manhattan par la suite !

 

La plus belle réalisation architecturale ?

Pas simple non plus cette question ! Je distingue plusieurs architectures. Il y a celles du quotidien, celles d’émotions, celles d’exception … Parmi toutes celle-là, je suis très admiratif du travail de Zaha Hadid. Cette grande architecte partie prématurément a eu un parcours et une production admirables qui ont dépoussiéré la profession. Chaque visite d’une de ses réalisations est un beau moment d’émotion…

Comment ne pas évoquer également la Maison sur la cascade de Franck Lloyd Wright ? J’ai eu la chance de la visiter il y a peu. On a beau la connaître, l’avoir étudiée sous toutes ses formes, le frisson qui m’a parcouru lorsque j’ai été face à elle est la preuve que l’architecture est capable de vous transporter, de vous émerveiller…. 

 

Quel regard portez-vous sur l’avenir de la profession ? 

Elle reste, malgré tous les sacrifices, malgré le travail qu’elle exige, malgré tout cela, l’un des plus beaux métiers du monde. Chaque jour, l’univers de la construction se complexifie et il me semble que les architectes y sont de plus en plus indispensables. 

Il nous faut, nous architectes, nous prendre en main, démontrer la pertinence de notre présence dans la cité et dans le projet, prendre notre place et l’occuper voire la revendiquer. Pour cela, nous devons nous rassembler, partager, jouer l’équipe, fédérer. Je crois sincèrement que lorsque nous nous regroupons nous sommes plus forts.

L’avenir de l’architecture réside dans une maîtrise d’œuvre resserrée, mieux organisée, qui sait communiquer sur son travail et le valoriser.