Ou comment croiser la technique et le juridique pour énoncer quelques recommandations afin d’appliquer la nouvelle règlementation.
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I – LA REGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE 2020 (RE 2020), généralités et nouveautés

  • Les indicateurs déjà connus
    • Le « Bbio »
    • Le « Cep » 
  • Les nouveaux indicateurs
    • Le « Cep,nr » 
    • L’impact carbone IC énergie
    • L’impact carbone IC construction
    • Et le DH (degré-heure)
  • Deux indicateurs facultatifs

II – LE PÉRIMÈTRE ET L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RE 2020

  • 1ère étape : pour le résidentiel
  • 2e étape : pour les bureaux et les établissements d’enseignement primaires et secondaires
  • 3e étape : pour les bâtiments de faible superficie ou extensions/surélévations

III – LES INCIDENCES PRATIQUES POUR LES MAÎTRES D’ŒUVRE, les points-clés dans le processus de conception

  • En phase esquisse (ESQ)
  • En phase avant-projet sommaire-permis de construire (APS-PC)
  • En phase avant-projet définitif (APD)
  • En phase projet et consultation d’entreprise (PRO-DCE)
  • En phase d’assistance à la passation des contrats de travaux (ACT), de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), d'examen de la conformité au projet des études d'exécution (VISA) et d'assistance aux opérations de réception (AOR)
  • A la réception des travaux (AOR)
  • Deux points particuliers

IV – LES INCIDENCES SUR LES RESPONSABILITÉS DU MAÎTRE D’OEUVRE

  • Les incidences en matière de responsabilité
  • Les incidences en matière d’assurance

V – SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

VI – QUESTIONS-REPONSES

  • Application de la RE 2020
  • Architecture
  • Attestation
  • Chantier
  • Confort d’été
  • Contrôles de performance
  • Coût des études
  • Émissions de carbone
  • Matériau
  • Responsabilité 

VII – POUR ALLER PLUS LOIN…

  • Guides et articles


Cet article est tiré du webinaire intitulé « De la RT 2012 à la RE 2020, perspectives sur les responsabilités de la maîtrise d’œuvre » réalisé par la MAF le 29 mars 2022. Participaient à ce rendez-vous : Lara Laugar, chef de projet énergie et environnement chez Sénova (Bureau d’études de maîtrise d’œuvre thermique, fluide et environnement) ; et Camille Porretta, chef du service assistance et veille juridique à la Direction des services et de la stratégie juridique de la MAF.

 

I – LA REGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE 2020 (RE 2020), généralités et nouveautés 

La RE 2020 s’applique progressivement à l’ensemble des constructions neuves et remplace la RT 2012. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 pour les maisons individuelles et les immeubles de logements collectifs et le 1er juillet pour les bâtiments de bureaux et ceux d’enseignement primaire et secondaire. A partir de 2023, les autres types de bâtiments y seront également soumis. 
La RE 2020 est une règlementation à la fois énergétique et environnementale (la RT 2012 étant une règlementation thermique). Elle poursuit trois objectifs  :

  • Améliorer la performance énergétique dans la production de bâtiments neufs et la baisse de la consommation d’énergie ;
  • Diminuer l’impact sur le climat par la limitation des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment (en phase de construction comme en phase d’exploitation) ;
  • Réaliser des bâtiments adaptés aux épisodes de forte chaleur (pour assurer le confort d’été). 

Les trois objectifs se mesurent à travers 6 indicateurs :

  • Les indicateurs déjà connus des utilisateurs de la RT 2012 : 
    • Le « Bbio », représente les Besoins bioclimatiques. Il correspond à l’évaluation des besoins de chaud, de froid et d’éclairage. Nouveauté : le Bbio prend désormais systématiquement en compte les besoins en froid, même quand aucune climatisation n’est prévue dans le projet (avec la RT 2012, le besoin de froid n’était comptabilisé qu’en cas d’installation d’une climatisation). Il s’exprime en points comme dans la RT 2012. Et comme avec la RT 2012, la RE 2020 impose que le Bbio soit inférieur à un Bbiomax.
    • Le « Cep », correspond à l’évaluation des consommations d’énergie primaire totale, renouvelables et non renouvelables, des 5 usages de la RT 2012 : le chauffage, le refroidissement, l’eau chaude sanitaire, l’éclairage, la ventilation et les auxiliaires, ainsi que la prise en compte des consommations d’éclairage et/ou de ventilation des parkings – y compris le garage en maison individuelle – et des parties communes en immeuble collectif de logements et celles liées aux déplacements des personnes dans le bâtiment (ascenseur, escalator, etc.) ; Il s’exprime en kWhep/(m2.an), c’est-à-dire en kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré pour une année, comme dans la RT 2012 et doit être inférieur à une valeur seuil maximale. (Attention, il s’agit désormais de surface habitable – Shab – en logement et de surface utile – SU – en tertiaire et bâtiments autres que résidentiel).

 

  • Les nouveaux indicateurs :
    • Le « Cep,nr » correspond à l’évaluation des consommations d’énergie d’origine non renouvelables, suivant les mêmes usages que le Cep et s’exprime avec la même unité que le Cep, en kWhep/(m2.an). Tout comme les autres indicateurs cités, il doit être inférieur à une valeur seuil maximale. Attention : le bois n’est pas comptabilisé dans le Cep,nr, qui comme certains réseaux de chaleur urbains ayant une part d’énergie renouvelable, est qualifié de renouvelable par la RE 2020. L’électricité, le gaz et le fioul ne sont pas des énergies renouvelables. 
    • L’impact carbone IC énergie. Cet indice mesure l’Impact sur le changement climatique des consommations d’énergie primaire. On obtient le IC énergie à partir du Cep, chaque kilowattheure d’énergie ayant un équivalent en CO2, pour la période d’étude de référence du bâtiment (50 ans d’exploitation).La RE 2020 introduit ici la méthode d’analyse du cycle de vie (ACV) dynamique pour l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre des énergies consommées pendant le fonctionnement du bâtiment, soit 50 ans. Cet indicateur, un peu « à cheval » sur la problématique énergie et environnement, s’exprime en kg eq. CO2/m2, c’est-à-dire en kilogramme équivalent de CO2 par mètre carré SHab ou SU selon l’usage du bâtiment. Cet indice doit être inférieur à une valeur seuil maximale.
    • L’impact carbone IC construction. Il correspond à l’Impact sur le changement climatique associé aux composants du bâtiment pour la période d’étude de référence du bâtiment (également 50 ans d’exploitation) et au chantier. La RE 2020 comporte une méthode d’analyse du cycle de vie pour l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre des produits de construction (enveloppe, partition, finitions et équipements, VRD), ainsi que pour leur mise en oeuvre.  Pour réaliser ce calcul, le maître d’œuvre récupère les informations environnementales sur la base de données nationale de référence Inies  et les comptabilise suivant les quantités retenues pour la construction et l’exploitation du bâtiment. Cet indicateur s’exprime également en kilogramme équivalent gaz carbonique par mètre carré ou « kg eq. CO2/m2 » et doit également être inférieur à une valeur seuil maximale.
    • Et le DH (degré-heure) qui correspond au niveau d’inconfort perçu par les occupants sur l’ensemble de la saison chaude. Il résulte d’une évaluation des écarts entre température du bâtiment et température de confort (température adaptée en fonction des températures des jours précédents). Le DH remplace la température conventionnelle (TIC) de la RT 2012 et mesure le degré d’inconfort perçu heure par heure par les occupants pendant une période dite de confort adaptatif  (printemps/été). Il exprime la durée et l’intensité des périodes d’inconfort dans le bâtiment sur une année.
      • La nuit, le bâtiment est inconfortable si la température intérieure « T°int » est supérieure à 26°C ;
      • Le jour, le bâtiment est inconfortable si la température intérieure « T°int » excède 26°C à 28°C max (en fonction des températures extérieures des jours précédents).
      • Il s’exprime en degré-heure. Tout comme pour le Bbio, le Cep, le Cep,nr, la RE 2020 impose un seuil maximum – le DHmax – et un seuil minimum de 350 DH. Trois cas de figure peuvent se présenter pour le calcul du DH :
    • Le DH est supérieur au DHmax : le non-respect de la règlementation impose de trouver des solutions architecturales ou techniques pour abaisser le DH en dessous du seuil maximum ;
    • Le DH est inférieur au seuil minimum imposé par la RE 2020 soit 350 DH : le bâtiment est non seulement conforme mais également très confortable en confort d’été ;
    • Le DH est compris entre 350 DH et le seuil maximum : le bâtiment est conforme mais au regard de la RE 2020, il ne répond pas nécessairement aux besoins exprimés par les occupants. On estime que potentiellement les occupants pourront ajouter ultérieurement une climatisation ou un système passif de refroidissement pour abaisser la température intérieure. Pour anticiper ce comportement, la règlementation prévoit des consommations forfaitaires supplémentaires sur le Cep et le Cep,nr qui représentent l’équivalent d’une climatisation.
Recommandation n°1 : 

Dans le cas où le DH est compris entre le seuil minimum et le seuil maximum, anticipez cet éventuel besoin de refroidissement en proposant au maître d’ouvrage des solutions alternatives à une climatisation et en l’alertant sur l’inconfort ressenti si ces solutions ne sont pas mises en œuvre. Il s’agit ici d’exercer votre devoir de conseil.
Il est recommandé de ne pas proposer d’entrée de jeu l’installation d’une climatisation. Pour limiter le DH, mieux vaut jouer en priorité sur la conception architecturale du bâtiment (bâtiment traversant, orientation, occultations extérieures, surventilation nocturne passive, puit canadien, etc.) qui sont valorisés par le calcul dans la RE 2020 et permettent de limiter le DH, donc le ressenti à l’usage, et qui sont plus vertueux que la mise en place d’une climatisation énergivore. 

  • Deux indicateurs facultatifs

La RE 2020 introduit deux autres indicateurs informatifs et sans exigences règlementaires (il n’est pas demandé que ces indicateurs soient inférieurs à des seuils règlementaires) :

  • « IC bâtiment » qui mesure l’impact sur le changement climatique du bâtiment associé aux composants, au chantier, à l’énergie et à l’eau ; 
  • Et « Stock C » qui évalue la quantité de carbone issue de l’atmosphère et stockée dans le bâtiment (issue des matériaux biosourcés en particulier).


II – LE PÉRIMÈTRE ET L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RE 2020

L’entrée en vigueur de la RE 2020 est progressive ce qui permet de laisser du temps à la filière construction pour s’adapter. Elle s’opère en 3 étapes (la RT 2012 demeure applicable dans l’attente des échéances) :

  • 1ère étape : pour le résidentiel. Elle concerne les demandes de permis de construire ou déclarations préalables de travaux à usage d’habitation  déposées depuis le 1er janvier 2022 concernant la construction de bâtiments de plus de 50 m2, ou les extensions de plus de 100 m2 en maison individuelle et 150 m2 en immeuble collectif et/ou si la surface créée représente plus de 30% de la surface du bâtiment existant. Pour cette 1ère étape, la RE 2020 prévoit une exclusion si un contrat de louage d’ouvrage (les contrats d’études et de travaux  passés suivant l’article 1787 du code civil) ou un contrat de construction de maisons individuelles (CCMI) a été conclu avant le 1er octobre 2021. Cette exclusion ne vaut qu’à propos des demandes de permis déposées avant le 1er septembre 2022. Rappelons que les projets de rénovation ne sont pas soumis à la RE 2020  et que, par ailleurs, cette dernière ne s’applique pas en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion et à Mayotte où la Règlementation thermique, acoustique et aération des logements neufs outre-mer (RTAA DOM ) propre à ces territoires reste applicable. En cas de changement de destination – un hangar transformé en habitation par exemple – la RE 2020 n’est pas applicable, sauf en cas d’extension (la RE 2020 s’applique au-dessus de 150 m2 créés en immeuble collectif et 100 m2 en maison individuelle). Textes d’application : articles R. 172-1 et R. 172-3 du code de la construction et de l’habitation.
Recommandation n°2 : 

Les demandes de permis de construire modificatif sont sans incidence sur l’application de la RE 2020. Ainsi, si la demande de permis initial a bien été formée avant le 1er janvier 2022, le dépôt d’une demande de permis modificatif après cette échéance ne fait pas basculer le projet dans le champ de la RE 2020. En cas de modifications d’ampleur du projet nécessitant en réalité un nouveau permis de construire, ne vous prêtez pas au jeu d’une demande de permis modificatif d’un permis initial dans le but d’échapper à la RE 2020.

Dans le même but, n’acceptez pas de signer un contrat antidaté (il s’agit d’un « faux » qui relève du droit pénal) ou un prétendu avenant d’un contrat qui aurait été conclu avant le 1er octobre 2021 mais qui serait sans rapport avec le projet finalement mis en œuvre. 

Dans les deux cas, le maître d’œuvre aurait à subir les conséquences de ce contournement frauduleux de la règlementation. 

 

  • 2e étape : pour les bureaux et les établissements d’enseignement primaires et secondaires. Il s’agit des demandes de permis de construire ou déclarations préalables de travaux déposées à partir du 1er juillet 2022 concernant la construction de bâtiments de plus de 50 m2, ou extensions de plus de 150 m2, à usage de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire, ainsi que les parcs de stationnement associés ; Texte d’application : articles R. 172-1 I du code de la construction et de l’habitation.
  • 3e étape : pour tous les bâtiments de faible superficie. Il s’agit de toutes les demandes de permis de construire ou déclarations préalables de travaux pour la construction de bâtiments à usage d’habitation, de bureaux et d’enseignement peu importe leur surface ; et les bâtiments exonérés d’autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable) au titre des Habitations légères de loisir – HLL – ou des constructions provisoires (ex. cabanes de chantier). Textes d’application : articles R. 172-1 II et R. 172-3 du code de la construction et de l’habitation.

La RE 2020 ne donne actuellement pas d’information sur les bâtiments tertiaires spécifiques (hôtels, restaurants, commerces, gymnases, établissements de santé, bâtiments industriels, etc.), mais il est probable que les textes d’application paraîtront prochainement pour une entrée en vigueur en 2023.

Tableau
(source : MAF)

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III – LES INCIDENCES PRATIQUES POUR LES MAÎTRES D’ŒUVRE, les points-clés dans le processus de conception

En phase esquisse

  • La conception bioclimatique. Comme avec la RT 2012, l’architecte conçoit le bâtiment en harmonie avec son environnement en jouant sur sa forme, son orientation, ses surfaces vitrées… pour limiter le plus possible les besoins – et donc les consommations futures – de chauffage, d’éclairage et de refroidissement. Cette démarche est plus importante qu’avec la RT 2012 puisqu’avec le confort d’été pris en compte dans la RE 2020, la conception bioclimatique joue un rôle prépondérant non seulement sur le Bbio mais également sur le DH (les degrés-heures). Ces facteurs sont directement impactés par les choix architecturaux. 

 

  • Les architectes qui n’ont pas la compétence d’ingénierie en interne peuvent faire appel à un bureau d’études pour affiner leur approche bioclimatique dès la phase d’esquisse.

 

  • L’architecte et le bureau d’études collaborent le plus tôt possible, dès l’esquisse. 
    • Le bureau d’études :
      • Délivre ses conseils sur la conception bioclimatique du projet, indique les tendances en matière de performances sur les orientations prises par l’architecte pour le projet ;
      • Se base sur la SHab (en logement) calculée par l’architecte pour avancer assez tôt dans l’analyse des émissions de carbone ;
      • Permet à l’architecte d’afficher le Bbio et le confort d’été dès le dépôt de la demande de permis de construire comme l’exige la règlementation grâce à cette collaboration dès l’esquisse du projet.
    • L’architecte communique au bureau d’études les caractéristiques du projet, les choix pressentis de matériaux, de système constructifs, d’équipements…  dès que possible. 

En phase avant-projet sommaire-permis de construire (APS-PC)

  • L’étude de faisabilité sur les approvisionnements énergétiques. Cette étude qui favorise le recours aux énergies renouvelables et aux systèmes énergétiques les plus performants est obligatoire. Elle existait déjà avec la RT 2012, n’est pas obligatoire pour les maisons individuelles  et ne le sera plus à partir du 1er janvier 2025 pour les immeubles de logements collectifs (et à partir du 1er juillet 2025 pour les autres bâtiments tertiaires ou d’enseignement). Pour rappel, c’est une étude qui compare cinq systèmes selon des critères à la fois énergétiques, environnementaux et économiques et qui permet au maître d’ouvrage de choisir la ou les sources d’énergie les plus pertinentes pour son projet. 

 

  • L’attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale. Cette attestation qui doit être fournie lors du dépôt de la demande de permis de construire est obligatoire (comme avec la RT 2012). Elle est établie par le maître d’ouvrage, lequel certifie avoir pris en compte ou fait prendre en compte par le maître d’œuvre les exigences de performance énergétique et environnementale. Cette attestation exige un certain niveau de calcul pour un niveau d’exigence validé (voir en annexe de cet article l’extrait d’un exemple d’attestation pour une maison joint à cet article). Elle fait ressortir les exigences suivantes : 
    • Le respect des résultats minimaux en matière de besoin énergétique et du nombre de degrés d’inconfort estival (le Bbio et le DH) ;
    • Le respect de l’exigence de moyen sur l’accès à l’éclairage naturel (en logement, on doit avoir en surface de menuiserie extérieure (bâti et vitrage) au moins 1/6 de la surface habitable (règle des 1/6 de la SHab) comme pour la RT 2012 ;
    • L’engagement qu’un calcul carbone sera effectué et qu’il respectera le seuil règlementaire maximum (le calcul carbone dès la phase PC n’étant pas obligatoire mais recommandé avant de consulter les entreprises) ;
    • L’engagement que le bon fonctionnement du système de ventilation sera contrôlé en fin de chantier (la ventilation a toujours été le parent pauvre de la construction alors que les désordres dus à cet équipement après livraison sont assez fréquents).
  • Le pré-calcul ACV (analyse du cycle de vie) sur l’impact carbone du projet (IC construction) grâce à la connaissance du système constructif du projet, du choix des matériaux envisagés, et du type de prestations souhaitées… même si en phase PC le maître d’oeuvre est encore loin d’avoir arrêté ces choix. Ce pré-calcul permet de réaliser une approche sur les choix que l’on s’apprête à faire. Le maître d’œuvre le met à jour tout au long de l’évolution du projet pour vérifier qu’il avance sur la bonne voie, c’est-à-dire en deçà des seuils maximums fixés par la règlementation. 

En phase avant-projet définitif (APD)

  • Le maître d’œuvre affine les calculs au fur et à mesure de l’évolution des choix techniques (matériaux et systèmes constructifs). 

En phase projet et consultation d’entreprise (PRO-DCE)

  • Dans les pièces « marché de travaux », le maître d’œuvre doit prévoir :
    • Une vérification des réseaux de ventilation par l’entreprise, lesquels doivent être mis en œuvre correctement pour une entrée en exploitation sans problème à la réception ;
    • Un contrôle de l’étanchéité à l’air par l’entreprise (comme précédemment avec la RT 2012) ;
    • Une clause suivant laquelle les propositions de variantes devront générer un impact thermique et carbone équivalent. Attention, autant il est relativement simple de démontrer l’équivalence d’un isolant en termes d’impact thermique en utilisant son coefficient de résistance thermique R et l’épaisseur du matériau, autant l’équivalence en matière d’impact carbone est à ce jour plus difficile à déterminer dans la mesure où les données environnementales des matériaux ne sont pas toujours connues (notamment avec les matériaux innovants). A résistance thermique équivalente, l’effet sur le bilan carbone peut être très différent (exemple : un isolant de laine de roche qui serait remplacé par un isolant de laine de verre).

 

Recommandation n°3 : 

Pour sécuriser les propositions de variantes…

  • Veillez à ce que les propositions de variantes s’appuient sur les données environnementales contenues dans les Fiches de déclaration environnementale et sanitaires (FDES)  ;
  • Indiquez éventuellement dans le CCTP des seuils globaux – ou lot par lot – d’impact carbone destinés à donner une marge de manœuvre à l’entreprise qui voudrait proposer une variante en indiquant que cette dernière, à l’initiative de la proposition de variante, prend l’étude environnementale à sa charge ;
  • Ou imposez un produit sans variante possible lorsque le marché le permet (marchés privés).

A défaut, d’une part, l’ouvrage achevé pourrait ne pas être conforme à la règlementation, et d’autre part, l’entreprise pourrait être tentée de qualifier les exigences de la maîtrise d’oeuvre de travaux supplémentaires.

 

En phase d’assistance à la passation des contrats de travaux (ACT), de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), d'examen de la conformité au projet des études d'exécution (VISA), et d'assistance aux opérations de réception (AOR)

  • Les phases ACT VISA DET ne présentent pas d’obligations pour la maîtrise d’œuvre au regard de la RE 2020, si ce n’est de mettre à jour les études énergie et carbone à chaque fin de phase pour sécuriser les valeurs IC construction obtenues.
  • A la réception des travaux (AOR), la maîtrise d’œuvre doit :
    • Fournir une attestation de fin de chantier qui prouve que la réalisation respecte les seuils imposés sur les six indicateurs énergie et carbone ;
    • Veiller à ce qu’un test de mesure d’étanchéité à l’air de l’enveloppe soit réalisé comme pour la RT 2012 (0,6 m3/h en maison individuelle et 1 m3/h en immeuble de logement collectif), le signataire de l’attestation jointe à la demande de PC s’étant engagé à faire réaliser ce test ;
    • Veiller à ce qu’une vérification de l’installation de ventilation soit également effectuée (contrôles des débits et du bon fonctionnement : la preuve de cette vérification et de la conformité de l’installation doit être apportée), le signataire de l’attestation jointe à la demande de PC s’étant également engagé à faire réaliser ce test.

Deux points particuliers

  • La comptabilité carbone de l’opération est suivie par le maître d’œuvre accompagné du bureau d’études thermiques tout au long de l’opération. Pour cela, ce dernier doit être missionné pour collaborer avec les entreprises et suivre les livraisons des matériaux (quantité et traçabilité). La maîtrise d’œuvre récupère les bons de commande pour pouvoir justifier que les matériaux mis en œuvre correspondent bien aux études et calculs de bilan carbone attestant de la conformité de l’ouvrage. Les collaborations au sein de la maîtrise d’œuvre et avec l’entreprise doivent être optimales pour assurer le bon suivi des produits de construction mis en oeuvre.
  • Le maître d’ouvrage atteste qu’il a bien pris en compte la RE 2020 après réception des travaux. Cette attestation est établie, après visite de l’opération, soit par un architecte, soit par un contrôleur technique, soit – pour les maisons individuelles – par une personne compétente pour réaliser des Diagnostics de performance énergétique (DPE), soit par un organisme certificateur conventionné. L’attestation est jointe à la Déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) comme pour la RT 2012.

 

Recommandation n°4 :
  • N’établissez l’attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale qu’à condition d’être titulaire d’une mission complète (conception et direction de l’exécution des contrats de travaux ) ;
  • Le maître d’œuvre missionné pour la direction de l’exécution des contrats de travaux signe l’attestation. S’il n’est pas accrédité pour signer l’attestation, il communique au maître d’ouvrage les informations pour que ce dernier obtienne cette signature, à charge pour lui de faire appel à un organisme certificateur.
  • Maître d’œuvre d’exécution, veillez à ce que l’entreprise effectue des contrôles réguliers de l’ouvrage pendant le chantier (notamment avant la réalisation du second œuvre) pour vous assurer d’un résultat favorable lors des tests finaux. Imposez ces contrôles dans les marchés de travaux.

 

IV – LES INCIDENCES SUR LES RESPONSABILITÉS DU MAÎTRE D’OEUVRE

A priori, il ne devrait pas y avoir d’évolution majeure du risque pour les maîtres d’œuvre dans la mesure où la RE 2020 demeure une règlementation conventionnelle qui engage les constructeurs sur des températures et des consommations théoriques. 
Par ailleurs, la RE 2020 ne comporte pas d’« obligation » de résultat ; elle ne porte que sur des « objectifs » de résultat. Ces deux notions ne doivent pas être confondues, sous peine de faire peser sur le maître d’œuvre un engagement lourd en termes de responsabilité . Les maîtres d’œuvre demeurent tenus à une obligation de moyen et ne doivent pas contractualiser des obligations de résultat qui excèderaient les exigences réglementaires. 
En revanche, rappelons que la RE 2020 complexifie la conception et l’exécution des travaux ; les maîtres d’œuvre doivent donc faire preuve de vigilance et bien anticiper dans leur pratique professionnelle l’incidence des nouvelles contraintes réglementaires. 

Les incidences en matière de responsabilité

La responsabilité des maîtres d’œuvre peut être engagée sur deux fondements :

  • La garantie décennale. Elle concerne les désordres graves qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination ou porte atteinte à sa solidité ou à la sécurité des occupants ; elle ne s’applique qu’après réception. La particularité de cette garantie est qu’elle emporte une présomption de responsabilité du constructeur : dès lors que le désordre de nature décennale se trouve dans le champ d’intervention du constructeur, ce dernier est présumé responsable.

On pouvait craindre au moment de l’entrée en vigueur de la RT 2012 que les maîtres d’ouvrage se saisissent de la garantie décennale pour rechercher davantage les maîtres d’œuvre en responsabilité sur le fondement de l’impropriété à destination, si les objectifs de performance thermique n’étaient pas atteints. Pour cadrer ce risque, les assureurs ont obtenu du législateur qu’il intègre dans le code de la construction et de l’habitation un article définissant l’impropriété à destination en matière de performance énergétique : il s’agit de l’article L. 123-2 .

Cet article a toujours vocation à s’appliquer sous l’égide la RE 2020 : il faut que le maître d’ouvrage justifie que, malgré l’usage normal de son bien et son bon entretien, la surconsommation énergétique amène à des factures à un « coût exorbitant », ce qui s’avère complexe en pratique. 
Cet article porte ses fruits puisque la sinistralité des maîtres d’œuvre en matière de performance énergétique n’a pas sensiblement augmenté ces dernières années.

Pour ce qui est de la performance environnementale de la RE 2020 (les émissions de carbone), nous avons à ce stade peu de visibilité sur les responsabilités. Toutefois, l’on peut espérer que les réclamations ne seront pas nombreuses. En effet, contrairement à la performance thermique du bâtiment, il est probable que les occupants ne perçoivent pas systématiquement la non-conformité de l’ouvrage en matière d’émission de carbone. Là encore, la vigilance s’impose toutefois et la MAF demeure en alerte.

  • La responsabilité civile contractuelle. Il y a toujours un risque que les maîtres d’œuvre soient mis en cause sous l’angle de la responsabilité contractuelle, laquelle suppose que le maître d’ouvrage démontre que le maître d’œuvre a commis une faute (ici, il n’existe pas de présomption de responsabilité). En matière thermique, la faute sera, par exemple, caractérisée à propos d’un architecte qui n’aurait pas bien intégré dans le projet les éléments communiqués par le bureau d’études, ou d’un bureau d’études thermiques qui aurait commis des erreurs dans ses calculs. 

 

  • Le devoir de conseil. La nouveauté avec la RE 2020 pourrait venir de l’obligation d’information et de conseil du client. Cela pourrait être le cas, par exemple :
    • Si l’architecte a validé une variante impactant la performance de l’ouvrage sans analyser l’impact des émissions de carbone ;
    • Sous l’angle du DH, si le bâtiment s’inscrit dans la zone grise comprise entre 350 DH et le seuil maximum, nécessitant éventuellement l’installation d’un système de refroidissement pour abaisser la température intérieure et assurer le confort souhaité par les occupants, et que la maître d’œuvre ne propose pas de mesures alternatives.

 

Recommandation n°5 : 
  • Veillez à la bonne collaboration entre architecte et bureau d’études pour délivrer le meilleur conseil à votre client. La RE 2020 complexifie la conception et l’exécution des travaux et aggrave le risque de mise en cause de la maîtrise d’œuvre sous l’angle de son devoir de conseil. 

 

Les incidences en matière d’assurance

  • L’assurance des intervenants 

Rappelons que les polices d’assurance du groupe MAF ne comportent pas d’exclusion sur les procédés constructifs mis en œuvre. Les polices couvrent les architectes et les autres concepteurs pour l'ensemble de leur activité professionnelle, sans exclusion au titre des techniques non courantes notamment. La MAF assure la liberté de créer en permettant la mise en œuvre de procédés et techniques alternatives, tel que le réemploi de matériaux qui est encouragé par la RE 2020. 
Mais attention, si l’assurance de l’innovation n’est pas un problème pour les adhérents de la MAF, elle peut l’être pour les autres intervenants dont les polices d’assurance comportent quasi systématiquement des exclusions de garantie au titre des techniques non courantes. 

 

Recommandation n°6 :
  • Exigez des autres intervenants (entreprises et bureaux d’études) une attestation nominative d'assurance indiquant l'extension de garantie du contrat d'assurance pour le chantier concerné et la technique non courante utilisée. Les adhérents de la MAF doivent s’intéresser aux assurances des autres intervenants des opérations sur lesquels ils sont missionnés pour vérifier ce qu’elles couvrent. Dans les opérations qui recourent aux matériaux issus du réemploi notamment, il est indispensable de demander que l’entreprise justifie d’une ligne de garantie spécifique. L’attestation nominative se distingue de l’attestation annuelle, elle est établie pour une opération spécifique. La vigilance est de mise puisque les adhérents MAF et EUROMAF étant mieux assurés que les autres intervenants, leur responsabilité en cas de sinistre sera plus souvent recherchée.

 

  • La non garantie des engagements exorbitants contractuels. Comme indiqué précédemment dans cet article, les maîtres d’œuvre ne sont soumis qu’à une obligation de moyen. Imprudemment, ils contractualisent parfois des obligations de résultat. C’est le cas des bureaux d’études qui s’engagent sur des résultats : soit à la demande du maître d’ouvrage qui en fait une condition incontournable d’obtention du marché d’études ; soit de leur propre initiative à des fins commerciales. Et cela, alors que la loi ne l’impose pas aux maîtres d’œuvre. 

Ces obligations de résultat constituent des « engagements exorbitants » qui dépassent, par exemple, les seuils règlementaires de la RE 2020 alors que le maître d’œuvre n’est pas toujours en mesure d’assumer les engagements qu’il prend. 
Les contrats d'assurance ne couvrent pas les engagements exorbitants (notamment, au-delà des seuils réglementaires) et les éventuelles clauses pénales qui en résultent (par exemple, l’application de pénalités en cas de non-respect d'objectifs de performance énergétique garantis par le contrat).

 

Recommandation n°7 :
  • Ne vous engagez pas sur des garanties contractuelles plus contraignantes que les « objectifs de résultats » issus de la RE 2020 (par exemple : sur des consommations ou des économies d'énergie effectives). Ayez les moyens de vos ambitions. A défaut, vous serez tenus d’assumer le risque inhérent à un engagement exorbitant.

 

V – LA SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

  • Pour limiter les degrés-heures d’inconfort d’été compris entre le seuil minimum et le seuil maximum de la RE 2020, l’architecte cherche en priorité à améliorer la conception architecturale du projet avant de proposer des systèmes de refroidissement alternatifs (brasseur d’air, puit canadien, etc…) ou à défaut une climatisation ;
  • Pour sécuriser une proposition de variante, le maître d’œuvre vérifie qu’elle s’appuie sur les données environnementales contenues dans les Fiches de déclaration environnementale et sanitaires ; il indique éventuellement dans le CCTP les seuils globaux d’impact carbone à respecter par l’entreprise, et impose un matériau sans variante possible lorsque le marché le permet ;
  • En fin de travaux, l’architecte ne signe l’attestation de conformité à la RE 2020 qu’à condition d’être titulaire d’une mission complète ;
  • Dans les marchés de travaux, le maître d’œuvre impose que les entreprises effectuent pendant le chantier des contrôles réguliers de performance de l’ouvrage pour s’assurer d’un résultat favorable lors des tests finaux ;
  • L’architecte et le bureau d’études collaborent le plus en amont possible pour délivrer le meilleur conseil au client sur l’application de la RE 2020 ;
  • Le maître d’œuvre exige de l’entreprise une attestation nominative d'assurance indiquant l'extension de garantie du contrat pour la technique non courante utilisée ;
  • L’architecte et le bureau d’études ne s’engagent pas sur des garanties contractuelles plus contraignantes que les « objectifs de résultats » de la RE 2020.

 

VI - QUESTIONS-REPONSES

Application de la RE 2020
A quels bâtiments s’appliquent les limites de surface ?
Les limites de surface 50 m2 (bâtiments neufs), 100 m2 (extensions en maison individuelle) et 150 m2 (autres extensions) déterminant l’application progressive de la RE 2020 s’appliquent aux bâtiments à usage d’habitation depuis le 1er janvier 2022. Elles s’appliquent également aux bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire et secondaire depuis le 1er juillet 2022. Ces limites de surface disparaîtront le 1er janvier 2023.
Précisons que pour les extensions, seules les surfaces nouvellement créées sont soumises à la RE 2020. 


La RE 2020 est-elle applicable en cas de reconstruction totale du bâtiment à la suite d’un incendie ?
Oui, puisqu’il s’agit de construire un bâtiment neuf. 

Architecture
L’objectif de surfaces vitrées de 1/6 de la surface ne s’oppose-t-il pas à la demande de refroidissement qui est le nouveau critère à prendre en compte dans la RE 2020 ?
Le Bbio regarde à la fois les besoins de chauffage, de refroidissement et d’éclairage. Ces critères sont en effet un peu en contradiction entre eux. C’est donc un juste milieu auquel doit parvenir le concepteur dans chaque opération. Tout l’enjeu des études de conception est désormais là : parvenir à cet équilibre entre ces trois facteurs qui s’opposent en permanence. Les études collaboratives entre l’architecte et le bureau d’études prennent tout leur sens dans cette recherche permanente pour des projets sur-mesure situés dans des environnements toujours différents. Le copier-coller n’est plus de mise. 
Retenons que ce n’est pas le ratio de 1/6 qui va mettre à mal les besoins de refroidissement d’un projet. C’est plutôt au-delà de 1/4 de surfaces de menuiserie extérieure – porte d’entrée pleine comprise – que l’on risque de mettre à mal les besoins de refroidissement. A noter, une porte entre un garage et un cellier n’est pas comprise dans le calcul.

Quels sont les éléments essentiels à prendre en compte dans la RE 2020 ?
Les éléments essentiels se regroupent sous la bannière de l’architecture bioclimatique qui comprend la compacité du bâtiment, son orientation, les surfaces vitrées de son enveloppe et leur exposition, son mode constructif, ses matériaux plus ou moins inertes… Autant de critères auxquels il faut ajouter l’empreinte carbone du bâtiment dans sa construction et pendant 50 ans d’exploitation. Les seuils d’exigence bioclimatique déjà pris en compte avec la RT 2012 sont désormais plus exigeants. 

Quels sont les facteurs architecturaux qui favorisent l’obtention d’un DH conforme aux objectifs de la RE 2020 ?
L’obtention d’un DH conforme est favorisée par : 
Un projet qui a plus d’inertie qu’un autre ; 
La mise en place d’occultation extérieures avec à minima une gestion motorisée et au mieux une gestion automatique ;
Un projet dont l’architecture favorise la ventilation tels que les logements traversants par exemple. On constate depuis l’entrée en vigueur de la RE 2020 que la conformité du DH est particulièrement difficile à atteindre pour les logements situés dans la moitié sud de la France, surtout au niveau du pourtour méditerranéen. 
Dans la réalité, il serait assez juste d’ajouter le recours à des matériaux à haut déphasage pour garantir un meilleur confort d'été ; le déphasage étant le temps que la chaleur met pour traverser un matériau, c’est-à-dire la capacité du matériau à retenir la pénétration de la chaleur. Malheureusement, dans la méthode de calcul de la RE 2020, le déphasage des matériaux n'est pas considéré.

Attestation
Comment peut-on se procurer les modèles de documents permettant de calculer les attestations au dépôt du permis de construire ?
Ces attestations de conformité à la RE 2020 ne peuvent être effectuées qu’en utilisant les logiciels règlementaires qui permettent de les éditer. La liste des logiciels agréés par l’État pour réaliser ces calculs est disponible sur le site www.rt-batiment.fr. Concrètement, au stade du permis de construire, il s’agit d’attester que les calculs pour obtenir les indicateurs Bbio et DH sont faits et conformes (c’est-à-dire inférieurs aux seuils maximums autorisés).

Chantier
Que doit faire l’architecte qui constate qu’un ouvrier ne respecte pas les règles de mise en œuvre conformément à la RE 2020 ? 
Dans le cadre de sa mission de direction de l’exécution des contrats de travaux (DET), l’architecte peut être mis en cause pour un défaut d’exécution. Mais rappelons que l’architecte ne doit pas une présence permanente sur le chantier. Il n’engage pas systématiquement sa responsabilité au titre du défaut de mise en œuvre réalisé par l’entreprise et qui mettrait l’ouvrage en péril. 
Dans la mesure où l’architecte constate un défaut, il a le devoir d’alerter le maître d’ouvrage qui dispose généralement de moyens contractuels, assortis d’éventuelles pénalités, pour contraindre l’entreprise à réaliser l’ouvrage conformément à la règlementation. 

Confort d’été
En matière de confort d’été, au bout de combien de jours consécutifs d’inconfort le projet n’est pas réalisable ?
La notion de jours consécutifs d’inconfort qui existait avec la RT 2012 est abandonnée avec la RE 2020 : la « température intérieure conventionnelle (TIC) » n’existe plus. En fonction de la zone d’implantation du projet et pendant toute la période de confort adaptatif  (du début du printemps à la fin de l’été), la RE 2020 impose désormais de calculer le niveau d’inconfort perçu par les occupants (le nombre de degrés-heures - DH) pendant le temps d’occupation du bâtiment. La température intérieure ne doit pas dépasser deux seuils pour éviter tout inconfort : la nuit, le seuil de 26 °C ; et le jour, un seuil de température adaptatif entre 26° et 28 °C. Au-delà de ces seuils chaque degré du bâtiment est considéré comme inconfortable pour l’occupant. 

Contrôles de performance
Les autocontrôles d’étanchéité à l’air et de bon fonctionnement de la ventilation réalisés en cours de chantier peuvent-ils être considérés comme fiables puisque réalisés par l’entreprise à la fois juge et partie ? 
La MAF préconise les autocontrôles de performance des installations par l’entreprise. D’une part, pour que l’entreprise puisse intervenir le plus tôt possible sur l’ouvrage en cours de réalisation, et d’autre part, pour qu’elle n’invoque pas l’absence d’alerte de la part de la maîtrise d’œuvre en cas de non-conformité à la réception de travaux. 
Ainsi, il est par exemple vivement conseillé de prévoir un test d’étanchéité à l’air du bâtiment dès sa mise hors d’eau-hors d’air. Ce coût supplémentaire évite de se retrouver en fin de chantier avec un bâtiment non conforme. Ces autocontrôles peuvent être réalisés sous la surveillance du maître d’œuvre. 

Coût des études
Comment obtenir des maîtres d’ouvrage une rémunération pour le surcroît d’études ? 
Le calcul des émissions de carbone implique des études techniques supplémentaires par rapport à la RT 2012. La maîtrise d’œuvre doit prendre en compte ce travail dans sa demande de rémunération. Cela passe par l’information des maîtres d’ouvrage qui, pour accepter ce supplément, doivent en comprendre l’utilité. La pédagogie est de mise pour adapter la communication du maître d’œuvre aux différents maîtres d’ouvrage selon qu’ils sont publics ou privés, professionnels ou non, particuliers ou non. Le succès dans la lutte contre le réchauffement climatique est également à ce prix : celui d’une maîtrise d’œuvre correctement rémunérée. 

Émissions de carbone
Les travaux de voirie-réseaux divers sont-ils pris en compte dans le calcul des émissions de carbone ?
Oui. Dès lors qu’ils sont associés à la construction d’un bâtiment qui relève de la RE 2020, les travaux de VRD sont pris en compte dans le calcul des émissions de carbone.

Qui récupère les bons de commande de produits de construction des entreprises ?
Pour effectuer ses contrôles d’indicateur IC construction en fin de chantier, la maîtrise d’œuvre collecte les bons de commande de produits de construction. Cela pose la question de savoir comment on vérifie que l’ouvrage réalisé est conforme à celui modélisé au moment des études. Comme avec la RT 2012, cela se fait en comparant le modèle à la réalité. La vérification de l’entièreté d’un calcul carbone étant trop lourde à opérer, le vérificateur sélectionne une dizaine de données environnementales et les contrôle à partir des justificatifs obtenus auprès du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre. C’est une démarche de certification : il devient désormais courant de demander les bons de commande, les fiches techniques et autres documents prouvant les valeurs environnementales des produits de construction mis en oeuvre. Le secteur du bâtiment doit prendre cette habitude de gestion de documents pour vérifier la concordance du calcul carbone avec la réalité. 
La MAF recommande à la maîtrise d’œuvre d’obtenir de la maîtrise d’ouvrage que des pénalités soient insérées dans les marchés de travaux pour sanctionner les retards ou l’absence de transmission des bons de commande en fin d’opération. 

Que se passe-t-il si le résultat du calcul des émissions de carbone est supérieur au seuil règlementaire à la fin du chantier, puisque l’étude carbone n’est pas obligatoire au stade du permis de construire ? 
A l’étape de la demande de permis de construire, l’étude carbone – IC construction – est souhaitable mais pas obligatoire. Le maître d’ouvrage s’engage simplement à ce que l’étude soit réalisée. L’étude carbone est en revanche très conseillée avant la consultation des entreprises (PRO-DCE) pour éviter tout risque de dépassement du « IC construction max » ultérieur. Les complications qui en résulteraient avec des modifications de marchés de travaux (prestations, coûts et délais), voire de travaux en cours, peuvent être assez complexes à résoudre. A ce jour, il n’y a pas encore de retour d’expérience sur de telles situations.

Matériau
En matière d’émission de carbone, la pierre est-elle considérée comme meilleure que le béton ?
La réponse à cette question se trouve dans les données environnementales disponibles sur la base Inies des produits de construction : les données sur les émissions de carbone des matériaux sont indiquées « par défaut » lorsque les fabricants n’ont pas fourni de données environnementales. Elles sont qualifiées de « spécifiques » lorsque le fabricant a fait des tests et qu’il peut démontrer leurs valeurs par le calcul. Les données spécifiques donnent lieu à l’établissement des Fiches de déclaration environnementales et sanitaires (FDES).
Aujourd’hui, la comparaison est possible entre la pierre et le béton à partir de ces données qui prennent en compte l’analyse du cycle de vie des produits de construction comprenant notamment leur extraction, leur transformation, leur provenance (et donc leur transport)... Il est donc possible de comparer l’impact carbone d’un mur en béton et d’un mur en pierre. Une pierre extraite en Chine et acheminée jusque sur un chantier en France n’a pas nécessairement un meilleur bilan carbone qu’un béton dont les composants sont produits localement.

Responsabilité 
Quelle est la responsabilité de l’architecte en matière de conception lorsque le bureau d’études modifie les choix constructifs ?
La modification des choix constructifs ne doit pas échapper à l’architecte. Le bureau d’études qui a pris la liberté des modifications doit reprendre ses études. En cas de désaccord, l’architecte alerte le maître d’ouvrage de l’évolution des choix constructifs et vérifie – ou fait vérifier – leur compatibilité en termes de performance énergétique, d’émission carbone et de confort d’été. En agissant ainsi, l’architecte remplit pleinement sa mission. 
Pour toutes les modifications projetées, il est également indispensable de contrôler que les entreprises sont assurées pour réaliser les travaux, que leur marché le prévoit, et que les nouveaux coûts et délais sont compatibles avec les objectifs du maître d’ouvrage… On voit bien que la RE 2020, encore plus que la RT 2012, rend complexe toute modification en cours du projet. 

Quelle est la responsabilité de l’architecte dans le cas d’une mission qui se limite au permis de construire ?
Comme avec la RT 2012, l’application de la RE 2020 s’impose à l’architecte dès la phase du permis de construire. L’attestation au dépôt du permis de construire impose un calcul du Bbio et du DH, et le respect des autres critères : l’accès à l’éclairage naturel, la vérification du calcul des émissions de carbone avant construction et le contrôle de la VMC. L’architecte dont la mission se limite au permis de construire applique la RE 2020 dans la limite de sa mission (voir le « III – LES INCIDENCES PRATIQUES POUR LES MAÎTRES D’ŒUVRE, les points-clés dans le processus de conception »).


VII – POUR ALLER PLUS LOIN…


1. Prioritairement applicable aux bâtiments neufs, la RE 2020 peut l’être également aux projets de rénovation importants – de plus de 1 000 m2 – soumis à la RT globale dont la construction est postérieure à 1948. 
2. Décret n°2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043877196 
3. Pour accéder à la base Inies : https://www.inies.fr
4. Le confort adaptatif reflète notre capacité à nous adapter à la chaleur. Au-delà de 28°C intérieur le jour, la RE 2020 considère que le corps humain ne parvient plus à s’adapter à la chaleur. Au-delà de 26°C intérieur la nuit, on considère également que le bâtiment n’est pas confortable. L’évaluation consiste à prendre la différence des températures ressenties le jour et la nuit dans le bâtiment pour la soustraire au seuil maximum réglementaire et à les additionner heure par heure pendant la période. Attention, le « ressenti » entre dans le champ de la règlementation.
5. Ce qui inclut les résidences de tourisme disposant d’un local de sommeil, d’une cuisine et de sanitaires.
6. Tout contrat signé par un architecte, un bureau d’études ou une entreprise avant le 1er octobre 2021 permet de justifier d’une exonération d’application de la RE 2020. 
7. Prioritairement applicable aux bâtiments neufs, la RE 2020 peut l’être également aux projets de rénovation importants – de plus de 1 000 m2 – soumis à la RT globale dont la construction est postérieure à 1948. 
8. https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-thermique-acoustique-et-aeration-des-logements-neufs-outre-mer
9. Ce n’est pas obligatoire pour les maisons individuelles parce qu’à travers les seuils maximums du Cep et du Cep,nr le recours à une énergie renouvelable sur ce type de projet est devenu indispensable.
10. La base Inies ne contient à ce jour qu’environ 2 000 fiches, c’est-à-dire assez peu au regard des produits de construction qui existent aujourd’hui : https://www.inies.fr 
11. Articles R. 122-24-3 et R. 122-25 du code de la construction et de l’habitation
12. Pour mémoire, les maîtres d’œuvre ne sont tenus qu’à une « obligation de moyen » c’est-à-dire qu’ils sont tenus de mettre tous les moyens en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par le maître d’ouvrage et pour lesquels ils se sont engagés (en faisant diligence, en concevant un projet réalisable, en alertant sur des dérapages d’entreprises… sauf s’ils contractualisent une obligation de résultat (un coût de travaux, une date de livraison, par exemple). La RE 2020 ne fait pas peser sur les maîtres d’œuvre une obligation de résultat. 
13. L'impropriété à destination en matière de performance énergétique est très encadrée par l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation « En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article 1792 du code civil, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant.
14. La température de confort est basée sur la notion de température de confort adaptatif. Ce n’est pas une valeur constante. Le confort adaptatif implique en effet que, la température de confort évolue en fonction de la température extérieure (en moyenne glissante sur les derniers jours). Par exemple, s’il fait chaud depuis plusieurs jours, cette notion considère que l’occupant sera en situation d’inconfort avec une température intérieure plus élevée, la température de confort est alors augmentée. À noter que le confort adaptatif n’est pas utilisé la nuit. La période de jour en été est par convention 7h-22h, sur cette période le seuil d’inconfort peut varier entre 26 et 28°C (la nuit il est fixé à 26°C).