MAF Informations : Pouvez-vous rappeler le contexte dans lequel le guide de préconisations de sécurité sanitaire a été élaboré par l’OPPBTP ?
Michel Klein : Rappelons tout d’abord que la priorité dans l’activité du bâtiment est la possibilité donnée aux constructeurs de travailler dans un cadre sécurisé. Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, cette priorité implique le respect des mesures barrières de distanciation et de nettoyage fixées par le gouvernement. Bien que les pouvoirs publics aient considéré que la règle n’était pas de stopper l’activité du BTP, ces contraintes ont provoqué l’arrêt de la plupart des chantiers. Les discussions qui se sont engagées avec les entreprises et les organisations professionnelles du BTP ont abouti à la publication du « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction-Covid-19 », sous l’égide de l’OPPBTP.
Ce guide répond-il à toutes les questions posées par la pandémie ?
MK : Si ce guide ne fait pas nécessairement l’unanimité auprès des organisations professionnelles du bâtiment, la MAF estime qu’il est un bon outil pour apprécier l’opportunité de reprendre l’activité sur les chantiers. L’Ordre des architectes a également publié des « Préconisations pour une reprise sécurisée des chantiers » auxquelles la MAF a participé. Dans cet autre guide, il s’agit d’aider les architectes à reprendre leur activité sur des bases juridiques et financières optimales.
Les préconisations du guide de l’OPPBTP sontelles prioritaires ?
Cyrille Charbonneau : Contrairement aux nombreuses ordonnances, décrets et arrêtés récemment parus sur le Covid-19, le guide de l’OPPBTP est juridiquement vide puisqu’il ne fait pas partie de la hiérarchie des normes. Les règles à respecter sont en priorité celles de l’arrêté du 14 mars sur les gestes barrières et des décrets des 16 et 23 mars sur les restrictions de déplacement. Le guide de l’OPPBTP est une adaptation pratique et nécessaire de ces règles à la situation des marchés de travaux. Le guide de l’Ordre des architectes est tout autant indispensable à la reprise d’activité.
Dans la mesure où le maître d’ouvrage respecte les préconisations du guide de l’OPPBTP, quels sont les moyens coercitifs dont il dispose pour faire revenir une entreprise sur le chantier ?
CC : La pandémie ne fait pas disparaître les marchés. Chaque acteur, maître d’œuvre, coordonnateur SPS, coordinateur OPC, entreprise, a vocation à exécuter ses prestations. Seules les exceptions posées par les ordonnances n° 2020-306 pour les marchés privés et n° 2020-319 pour les marchés publics du 25 mars 2020 (voir encadré au dos du document) leur permettent de faire valoir certaines difficultés qui vont devoir être traitées. Partons du principe que les difficultés sont levées et posons la question suivante : le maître d’ouvrage peut-il prendre des mesures coercitives qui vont permettre de faire revenir l’entreprise sur le chantier ? En marché privé de travaux, les pénalités pour retard sont paralysées pendant la période de pandémie. Seule la substitution apparaît possible. Mais trouver une entreprise capable de réaliser, au pied levé et dans ce contexte de crise, des prestations dans le cadre d’un marché est particulièrement compliqué.
Qu’en est-il en marchés publics ?
CC : Contrairement aux marchés privés, l’ordonnance no 2020-319 du 25 mars 2020 ne paralyse pas les mécanismes coercitifs du Cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux (CCAG travaux). Ces derniers sont utilisables si l’entreprise refuse, à tort, de reprendre son travail. Dans le cas contraire, des procédures de prolongation de délai et suspension des pénalités se mettent en marche. Rappelons que les maîtres d’ouvrage publics ont généralement du mal à prendre des décisions. Ils abordent aujourd’hui la crise du Covid-19 de façon très différenciée : certains ne veulent absolument pas voir leurs chantiers redémarrer tandis que d’autres souhaitent les relancer même si c’est en mode dégradé.
COMMENT DÉCLARER VOTRE MISSION DE RÉFÉRENT COVID ?
En dehors de toute mission de maîtrise d’œuvre, la MAF assure la mission de référent Covid-19 comme une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Ainsi, l’adhérent déclare cette mission sous son code AMO, avec tarification sur honoraires (à défaut de code, l’adhérent contacte son correspondant MAF).
Si cette mission est complémentaire à votre mission de maîtrise d’œuvre, il suffit d’intégrer les honoraires de référent Covid aux honoraires de la mission initiale dans le calcul de votre part d’intérêt (le taux de mission ne change pas, car la MAF ne considère pas qu’il s’agisse d’une mission complémentaire). Pour les bureaux d’études, c’est l’assiette d’honoraires qui augmente, et le taux de cotisation reste inchangé.
Attention, si une réglementation venait à confirmer l’incompatibilité pour un coordonnateur SPS d’effectuer une mission de référent Covid sur la même opération, l’assurance souscrite auprès d’assureurs autres que la MAF pourrait être invalide. La MAF recommande le non-cumul des missions de coordonnateur SPS et de référent Covid notamment dans le cas de chantier relevant de l’incompatibilité prévue à l’article R 4532-19 du Code du Travail..
Ce n’est donc pas au maître d’œuvre de décider la reprise du chantier ?
CC : Le maître d’œuvre n’est pas là pour décider à la place du maître d’ouvrage : il l’accompagne, fait des propositions et le conseille. Attention, le « grand jeu » à l’occasion de la crise sanitaire du Covid-19 est d’essayer de faire prendre la décision par l’autre pour lui en faire porter la responsabilité.
Comment le maître d’œuvre peut-il accompagner le maître d’ouvrage ?
CC : Le maître d’œuvre indique au maître d’ouvrage les mesures prises au regard de la réglementation et du guide de l’OPPBTP. Après avoir demandé aux entreprises si elles avaient l’intention de reprendre le travail, il informe le maître d’ouvrage sur les conséquences du refus d’intervenir de l’une d’elles : soit le maître d’œuvre estime, en concertation avec le CSPS et l’OPC, que le chantier peut reprendre sans cette dernière, soit le maître d’ouvrage décide sa substitution pour que le chantier reprenne. Ce sont là les seules issues au blocage du chantier par une entreprise.
Le maître d’œuvre évalue la situation, analyse les lacunes et le positionnement de chaque intervenant, et conseille le maître d’ouvrage. Il n’est pas là pour prendre des mesures coercitives mais pour poser les bonnes questions… dont les réponses sont apportées par le maître d’ouvrage. Au-delà des aspects juridiques, ne perdons pas de vue l’aspect humain de cette crise, qui glace parfois les personnes ; la crise existentielle qui en résulte est parfois complexe à gérer.
Les référents Covid sont-ils obligatoires ?
CC : Les référents Covid sont une création, le 2 avril dernier, du guide de l’OPPBTP. Ils sont facultatifs. À vrai dire, pour les entreprises, la sécurité et la protection de la santé des ouvriers ne sont pas une nouveauté : au sein de son organisation, le référent Covid est simplement l’interlocuteur auquel la maîtrise d’œuvre va pouvoir s’adresser sur ce sujet. Concernant le référent Covid du maître d’ouvrage, il est le réceptacle de l’information liée à la crise sanitaire. Si le maître d’ouvrage n’en désigne pas, le rôle d’accompagnement du maître d’œuvre sera sans doute renforcé.
« Le référent Covid du maître d’ouvrage n’est pas un super coordonnateur SPS »
Quelle est précisément la mission du référent Covid du maître d’ouvrage ?
CC : Sa mission sera ce que l’on veut qu’elle soit; toutefois, retenons qu’elle ne doit pas être de prendre des décisions à la place du maître d’ouvrage. Le référent Covid du maître d’ouvrage n’est pas un mandataire comme le maître d’ouvrage délégué. C’est un prestataire de services, assistant de la maîtrise d’ouvrage (AMO). Sa tâche est probablement de collecter les informations relatives au Covid-19 auprès du coordonnateur SPS, du coordinateur OPC, des entreprises, etc. Cela se rapproche de l’obligation indiquée dans le « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction » publié par le ministère du Travail et dans lequel est indiqué que « le maître d’ouvrage formalise […] la liste des conditions sanitaires ». Attention, cette responsabilité nécessite une assurance professionnelle.
Sur une même opération, le coordonnateur SPS peut-il être le référent Covid du maître d’ouvrage ?
CC : Le coordonnateur SPS est indépendant et agréé. L’article R. 4532-19 du Code du travail indique que pour les chantiers de plus de 760 000 euros, ce professionnel ne peut avoir d’autre fonction dans la même opération. De son côté, le référent Covid du maître d’ouvrage est-il acteur de la solution sanitaire ? Est-il simplement collecteur d’information ou porte-t-il une analyse technique ? En tant qu’AMO, le référent Covid exerce une mission incompatible avec celle du coordonnateur SPS. Certains maîtres d’ouvrage préféreraient désigner un « préventeur » qui réalise une analyse critique de tout ce qui est fait en matière de gestion sanitaire par les autres acteurs. Ce rôle de contrôleur semble correspondre davantage à ce dont les maîtres d’ouvrage ont besoin aujourd’hui.
Michel Klein : Attention, si l’adhérent MAF souhaite accomplir une mission de référent Covid du maître d’ouvrage, il doit être clair et précis dans son contrat et ne surtout pas se laisser transférer les responsabilités intégrales d’un « super coordonnateur SPS ». Par exemple, il ne doit pas hésiter à transmettre à la MAF tout projet de convention ou d’avenant s’il a des doutes sur son contenu.