Cet article est tiré du webinaire réalisé par la MAF le 1 avril 2021, auquel participaient Sophie Camuset et Olivier Auger, respectivement responsable et juriste au service de la Protection juridique de la MAF.
Le droit d'auteur en matière architecturale

4 points à connaître

1. Le principe légal du droit d’auteur

2. Le droit patrimonial et le droit moral

3. La titularité du droit d’auteur

4. La cession des droits d’auteur

Questions d’architectes et réponses de la protection juridique de la MAF 

1. Altération de l’oeuvre 

2. Dépôt de l’œuvre

3. Originalité de l’oeuvre

4. Plagiat et déontologie

5. Pérennité du droit d’auteur

6. Reproduction et représentation 

7. Titularité du droit d’auteur

8. Autres thèmes

4 points à connaître

1. Le principe légal du droit d’auteur

Les architectes rencontrent des difficultés pour faire reconnaître leur droit d’auteur. Pourtant, le code de propriété intellectuelle fait une place aux œuvres architecturales pour la protection de ce droit : l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle indique que les œuvres architecturales, les plans, les croquis et les ouvrages plastiques relatifs à l’architecture1 sont des œuvres de l’esprit. Les auteurs jouissent d’un droit incorporel sur ces œuvres qui se décomposent en trois attributs d’ordre :

  • Patrimonial
  • Moral
  • Intellectuel 

Malgré la reconnaissance du code de la propriété intellectuelle, on remarque un contentieux important sur ce sujet. Notamment parce que les architectes ont parfois tendance à oublier que ce n’est pas la totalité de leur travail qui est protégée par ce code mais leurs seules œuvres architecturales créatives. Rappelons que le droit d’auteur implique l’originalité de l’œuvre ; sans ce critère précisément défini par la jurisprudence, il n’est pas possible de faire valoir de droit d’auteur. L’originalité de l’œuvre est une notion définie par les décisions de justice ; elle est une appréciation souveraine des juges du fond. « Au fil des affaires, les juges nous donnent des précisions sur cette notion qui est le fondement de la possibilité de couverture du droit d’auteur », explique Sophie Camuset, responsable de la Protection juridique de la MAF.

Ainsi, la jurisprudence précise que l’originalité est l’expression de la personnalité de l’auteur à travers des choix qui lui sont propres. « C’est une notion qui n’est pas facile à appréhender », constate la juriste. Comment la reconnaître au cas par cas dans chaque œuvre ? Sur ce sujet, de nombreuses questions sont adressées à la MAF par ses adhérents.


« Retenons que les juges s’en tiennent à deux termes en particulier pour définir l’originalité d’une oeuvre : les choix architecturaux relèvent de l’arbitraire – c’est-à-dire qui résultent d’un libre choix et ne répondent à aucune nécessité logique – et du personnel », précise Olivier Auger, juriste au service de la Protection juridique de la MAF.

Deux exemples d’affaires récentes illustrent les cas dans lesquels il est possible d’être couvert par le droit d’auteur :

 

  • Des aménagements de boutiques : Dans une affaire, un architecte se voit confié par une grande marque de prêt-à-porter une mission d’aménagement de huit boutiques sur le même mode d’agencement. Le maître d’ouvrage résilie le contrat de l’architecte prématurément après la réalisation de deux boutiques ; et poursuit avec un autre concepteur pour les six autres en reprenant le même projet. L’architecte fait valoir son droit d’auteur pour les six boutiques. En réponse, la marque estime qu’il n’y a pas de droit d’auteur puisqu’il ne s’agit, selon elle, que de travaux d’aménagement intérieur.

Dans ce cas précis, le juge a considéré que l’architecte n’a pas revendiqué un style et qu’il a su s’approprier lui-même l’agencement en s’écartant également du genre particulier de la marque (en l’occurrence celui de tartans anglais). L’architecte ayant su prendre suffisamment de distance par rapport au cahier des charges du maître d’ouvrage, à la visibilité et aux attributs de cette marque, et à l’aménagement conçu par lui, a été jugé original. 

  • Une station d’épuration : Dans cette affaire, l’architecte a mis tout son talent pour rendre original un équipement technique de traitement de déchets. Les couleurs, les formes et les agencements ont fait de cet ouvrage une œuvre singulière. Quelques années après l’achèvement, le maître d’ouvrage a confié à un autre concepteur la mission de modifier la station d’épuration sans tenir compte de la remarque de l’architecte selon laquelle il s’agissait d’une œuvre protégée par un droit d’auteur. Le maître d’ouvrage a répondu à l’architecte qu’il ne pouvait défendre ce point de vue puisqu’il s’agissait d’un ouvrage à vocation utilitaire. 

Dans ce cas précis, le juge a donné raison à l’architecte en reconnaissant l’originalité de l’empreinte de l’auteur sur l’ouvrage. 

Voici maintenant deux exemples qui illustrent les cas dans lesquels il n’est pas possible d’être couvert par le droit d’auteur :

 

  • Des résidences étudiantes : Dans cette affaire, un architecte a conçu un concept de studettes avec des caractéristiques propres pour la réalisation de plusieurs résidences. Le promoteur résilie le contrat de l’architecte en cours de réalisation et poursuit la construction des résidences en utilisant le concept mis au point par l’architecte. 

Dans ce cas, le juge a considéré que la notion de concept architecturale est une idée et non une œuvre originale ; et qu’une idée ne peut être protégée par le droit d’auteur. Autrement dit, un concept architectural n’est pas couvert par le droit d’auteur.

  • Réaménagement d’un site industriel : Dans cette affaire, un architecte s’oppose à la modification de son projet de modification d’un parking et d’implantation d’un bâtiment. Il met en avant la grande contrainte du programme et du site pour faire valoir son droit d’auteur.

Dans ce cas, le juge considère qu’il n’y a pas d’originalité car l’architecte ne justifie pas d’un choix arbitraire et personnel dans le projet ; la conception ayant été dictée par les besoins exprimés par le maître d’ouvrage et les fortes contraintes locales (PLU et zone submersible). En revanche, le juge retient un « acte de parasitisme » habilement soulevé par l’avocat de l’architecte en dehors du droit d’auteur : en effet, le nouvel architecte qui a repris l’affaire a tiré profit du travail de son prédécesseur en utilisant ses plans à l’identique « sans bourse déliée ». Cet acte a été jugé contraire à la vie des affaires et le nouvel architecte a été condamné à payer des dommages et intérêts à l’architecte auteur du projet.

« Le critère d’originalité n’est pas toujours facile à démontrer mais, dans cette dernière affaire, nous voyons qu’un plan B consiste à invoquer le critère du parasitisme », remarque Sophie Camuset. 

2. Le droit patrimonial et le droit moral

Une fois l’œuvre originale déterminée, qu’est-il possible de défendre au titre du droit d’auteur ? L’architecte peut défendre un droit patrimonial et un droit moral.

 

  • Le droit patrimonial c’est le droit d’exploiter son œuvre, c’est-à-dire d’en tirer un profit par la reproduction et la représentation. Ce droit perdure pour les ayants-droit jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur. 

Le droit de reproduction c’est le droit de fixer matériellement son œuvre sur un support (une photographie sur un support papier par exemple) ; 

Le droit de représentation c’est le droit de communiquer au public.

La nature patrimoniale de ce droit pose plusieurs questions : quelle peut être son étendue géographique, sa durée, sa rémunération ? Le droit patrimonial est le seul qui soit cessible, en tout ou partie (en reproduction ou en représentation ou les deux).

 

  • Le droit moral est quant à lui incessible et imprescriptible. Il correspond à deux notions particulières : le droit au nom, et le droit d’adaptation et d’altération.

Le droit au nom (article 121.1 du code de propriété intellectuelle) permet à l’architecte d’avoir son nom apposé sur le bâtiment ; ce droit est également repris dans la loi CAP2 qui précise que le nom de l’architecte doit être apposé sur la façade extérieure du bâtiment, et cela de manière à ce que le public puisse le lire. Ce droit permet également à l’architecte de faire apposer son nom sur toute reproduction de son œuvre (la MAF gère aujourd’hui de nombreuses demandes d’architectes pour des reproductions sans nom d’architecte dans la presse ou attribuées à un autre concepteur).

Dans ce cas, l’architecte adresse une lettre recommandée avec AR au maître d’ouvrage, au propriétaire, au journal, etc. pour obtenir réparation. Les journaux publient généralement des errata dans les numéros suivants. Il arrive que la MAF recourt à la lettre d’un avocat pour obtenir gain de cause avec certains maîtres d’ouvrage. Mais, il est rare que la MAF ait besoin d’engager une procédure devant les tribunaux pour faire valoir le droit au nom d’un architecte.

En revanche, les reproductions d’architecture sur Internet créent davantage de difficultés. S’il est facile d’apporter une preuve du non-respect du droit au nom en produisant un exemplaire de journal papier, il faut en revanche être assez réactif pour produire une capture d’écran de site Internet lorsque c’est possible (les images en ligne sont parfois furtives) ; ou encore faire faire un constat d’huissier.

Rappelons qu’en matière de droit d’auteur, la charge de la preuve revient à l’architecte. C’est à lui de faire état de sa production intellectuelle en fournissant notamment les premiers croquis et les premières esquisses pour apporter la réalité du processus intellectuelle qui a abouti au projet réalisé. Pour cela, l’architecte doit donc garder ses archives (papier et numérique).

Pour être protégée, l’œuvre de l’architecte n’a pas besoin d’être déposée. A partir de sa création et de sa divulgation, l’œuvre est protégée et l’architecte bénéficie de ses droits d’auteur. En revanche, le design de mobilier se protège en déposant sa conception à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) sous enveloppe Soleau3.

Le droit au respect de l’œuvre, ou le droit d’adaptation, est quant à lui généralement repris dans les clauses de propriété intellectuelle des contrats ; ce droit consiste à dire qu’un architecte ayant conçu une œuvre originale couverte par le droit d’auteur a un droit de regard sur les adaptations ultérieures du bâtiment. Ici, le droit d’auteur de l’architecte se heurte au droit de propriété. La jurisprudence est très fournie sur ce qui est acceptable ou ne l’est pas en matière d’adaptation. A titre d’exemples, deux affaires mettant en avant la précarité du droit d’auteur de l’architecte ont été très médiatisées ces dernières années.

Il s’agit : 

  • Du musée d’Arles conçu par l’architecte Henri Ciriani. Pour le projet d’extension (2013), la cour d’appel a reconnu le droit de propriété du maître d’ouvrage sur un bâtiment à vocation utilitaire lui permettant d’y apporter des modifications pour l’adapter à des nouveaux besoins grâce à une extension modeste, sans caractère disproportionné, respectant les couleurs originelles des murs et des façades.

 

  • D’un ensemble immobilier HLM à Courcouronnes conçu par l’architecte Paul Chemetov. Pour la démolition, la cour d’appel a estimé que le projet répondait à un motif légitime d’intérêt général proportionné au droit moral de l’architecte et ne procédant pas d’un abus de droit du propriétaire ou d’un comportement fautif. 

Dans ces deux exemples, les critères d’utilité de l’oeuvre et urbanistique – qui s’apprécient au cas par cas – l’emportent sur le droit d’auteur de l’architecte. Le critère d’impératif technique est également souvent mis en avant, mais parfois sans succès comme dans cet autre exemple porté par la MAF jusqu’au conseil d’État.

Il s’agit :

  • Du stade de la Beaujoire à Nantes conçu par l’architecte Berdje Agopyan. Pour le projet d’agrandissement, le conseil d’État a jugé que les impératifs techniques invoqués par la ville ne permettaient pas de justifier du caractère indispensable de l'atteinte portée à l'œuvre dès lors qu'il existait d'autres solutions pour accroître la capacité du stade sans dénaturer son architecture.

Depuis cette importante décision, on apprécie désormais si l’altération est disproportionnée au regard des contraintes du maître d’ouvrage, et s’il n’existe pas d’autres solutions techniques qui permettent de satisfaire les besoins sans altérer – ou le moins possible – le bâtiment. 

3. La titularité du droit d’auteur

Pour faire valoir son droit d’auteur, il faut être l’auteur du projet architectural. Cela pose la question de la titularité de ce droit : qui est reconnu « auteur de l’ouvrage » ? En règle générale, cette qualité est attribuée à la personne qui divulgue l’œuvre. Cela ne pose pas de problème pour les architectes libéraux. Mais, alors qu’il est désormais fréquent que plusieurs architectes travaillent sur le même projet, différents cas se présentent.

Il s’agit de :

  • L’œuvre de collaboration lorsque plusieurs personnes physiques travaillent à la même œuvre. Il y a donc propriété artistique commune et la répartition des droits se fait d’un commun accord entre les auteurs. En cas de désaccord, le litige est porté devant le juge. 

 

  • L’œuvre composite lorsqu’un architecte succède à un autre pour modifier un bâtiment réalisé. Ce cas de plus en plus fréquent est celui d’une nouvelle œuvre qui s’ajoute à une œuvre préexistante. L’architecte a un droit d’auteur sur la nouvelle partie d’ouvrage mais l’architecte d’origine conserve ses droits sur la partie préexistante. Un dialogue entre les deux concepteurs est nécessaire pour ne pas altérer l’œuvre préexistante. 

 

  • L’œuvre collective lorsque les contributions de tous les auteurs se fondent en une seule œuvre si bien qu’il n’est pas possible de leur reconnaître des droits distincts.

Deux situations illustrent bien ce cas :

  • Une société d’architecture fait travailler des architectes salariés à une œuvre collective qui est divulguée par elle. Le titulaire des droits d’auteur est la société d’architecture. Il est toutefois prudent de préciser dans les contrats de travail que tous les projets sur lesquels travaillent les salariés demeurent la propriété de la société.

 

  • Une société d’architecture engage une action en justice pour faire valoir ses droits d’auteur au nom de la société alors que l’œuvre a été diffusée dans la presse au nom propre du dirigeant en qualité de personne physique. L’adversaire peut souligner la contradiction de la titularité et s’opposer avec succès à l’action de la société d’architecture.

Retenons que pour faire valoir le droit d’auteur, l’œuvre créée au nom de la société d’architecture doit être divulguée au nom de la société ; quant à l’œuvre créée en profession libérale, elle doit être divulguée au nom de la personne physique. Il est important d’être cohérent dans les écrits et diffusions d’information.


4. La cession du droit d’auteur

Rappelons que l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle précise que la cession des droits d’auteur ne peut être qu’écrite, et qu’elle prévoit précisément les droits cédés, la durée et l’étendue géographique. Cependant, les contrats avec promoteurs – et en marchés publics – prévoient généralement une cession complète des droits d’auteur dans des conditions assez critiquables. « La clause de cession des droits d’auteur est un caillou dans la chaussure de l’architecte », remarque Olivier Auger qui constate que la difficulté pour l’architecte est de négocier cette clause alors qu’il ne veut pas risquer de dégrader sa relation avec son client.

L’architecte fait souvent l’impasse sur le droit d’auteur. Les difficultés économiques des agences justifient généralement cet état d’esprit. Pourtant, ce droit est une valorisation économique du travail de l’architecte qu’il ne faut pas négliger. Le contrat de louage d’ouvrage qui donne lieu à des honoraires, d’une part, et le droit d’auteur pour l’exploitation de l’œuvre architecturale, d’autre part, sont deux choses distinctes. L’architecte a des droits incorporels, intellectuels et patrimoniaux pour exploiter son œuvre ; tandis que le maître d‘ouvrage a des droits matériels sur l’ouvrage. Trop souvent les droits d’auteur de l’architecte se négocient en sa défaveur. La MAF propose à ses adhérents de les accompagner dans la relecture des clauses contractuelles qui peuvent être négociées (voir les droits d'auteurs se négocient*).

Rappelons également que les droits d’auteur sont inscrits dans la loi et qu’il existe des sanctions financières pour ceux qui ne la respectent pas. Ces sanctions sont calculées suivant l’ampleur des faits, la notoriété de l’architecte et de celle de l’ouvrage. Les prescriptions sont de 5 ans au civil à compter de la connaissance du dommage (l’architecte peut découvrir plusieurs années après publication de son œuvre) et de 6 ans au pénal.

Les droits d’auteur se négocient*

La protection juridique de la MAF adresse quelques recommandations à ses adhérents pour la rédaction des clauses des droits d’auteurs dans leurs contrats d’architecte :

Ne renoncez pas à la demande de cession totale des droits d’auteur sans chercher à négocier. Certains « petits combats » méritent d’être menés : 

Conservez le droit d’information et de regard sur les modifications ultérieures de l’ouvrage ; 

  • Acceptez éventuellement la cession du droit d’auteur au maître d’ouvrage pendant une période limitée dans le temps (10 ans par exemple) ;

 

  • Prévoyez la rétrocession de vos droits d’auteur, dans le cas où vous les avez cédés au maître d’ouvrage en échange d’une mission complète, si votre contrat d’architecte est résilié prématurément. Cela permet de déjouer la tentative de tromperie de certains maîtres d’ouvrage qui prévoient ailleurs dans le contrat qu’il est possible de résilier votre marché sans indemnité au terme de la phase de conception ;

 

 

  • Exigez une répartition entre honoraires au titre des prestations de conception et du droit d’auteur (souvent, la rémunération forfaitaire confond les deux) ;

 

  • Veillez à ce que la cession des droits d’auteur soit proportionnée au but recherché par le maître d’ouvrage pour ne pas tout céder en une seule fois. En effet, l’architecte n’a pas à s’interdire de réutiliser ultérieurement ses plans dans le cadre d’une autre opération avec adaptation au nouveau contexte local. Pour cela il doit faire du « cas par cas » et négocier tous les aspects du droit d’auteur tels que la durée, l’étendue géographique, la reproduction, la réutilisation, etc. En somme, ne cédez pas tous vos droits de propriété intellectuelle au maître d’ouvrage ;

 

  • Évitez de vous battre sur une clause d’adaptation de l’œuvre motivée par des raisons technique et urbanistique car vous avez peu de chance d’obtenir gain de cause devant le juge. 

Choisissez vos combats : pour un programme qui présente peu d’intérêt architectural, il n’est pas nécessaire de se battre coûte que coûte sur tous les aspects du droit d’auteur. En revanche, pour une commande susceptible de générer une qualité architecturale manifeste et de nombreuses publications commerciales, il est souhaitable de négocier le droit d’auteur dans tous ces aspects ;

Menez ce combat avec le concours de vos organisations professionnelles car c’est un enjeu économique important à défendre pour la profession ;

Enfin, n’hésitez pas à vous faire conseiller par les spécialistes de la MAF (la rédaction de clauses de cession de droits d’auteur est difficile à appréhender et assez complexe à formaliser).


Foire aux questions

30 questions d’architectes et réponses de la protection juridique de la MAF 

1. Altération de l’oeuvre

Puis-je m’opposer à la modification ou à la démolition de l’ouvrage que j’ai conçu ? 
Oui, vous pouvez tenter de le faire, mais si le propriétaire montre que la démolition est utile et qu’il n’y a pas d’autre solution pour répondre à son besoin, il pourra obtenir satisfaction auprès du juge.

J’ai établi une demande de permis de construire et le PRO d’un immeuble de logements pour un promoteur : ce dernier aurait-il dû me consulter pour les nombreuses modifications qu’il a ordonnées lors de l’exécution des travaux ? 
Oui, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre d’exécution auraient dû vous consulter. Si l’œuvre originale est altérée, vous pouvez recourir au juge, ou demander un dédommagement, ou encore récupérer des honoraires par le biais d’une mission de permis de construire modificatif.

Puis-je faire jouer mon droit d’auteur si le maître d’ouvrage modifie l’ouvrage contre mon avis ?
Oui, si l’œuvre est originale. Mais cela peut être difficile si la modification est justifiée par une nouvelle règlementation ou un nouveau besoin. 

Le maître d’ouvrage peut-il modifier tout ou partie de mon projet et le réaliser sans mon consentement ?
Non. Si vous n’avez pas cédé votre droit d’auteur, vous pouvez vous opposer à des modifications importantes qui altèrent votre œuvre. Sachant qu’il y a des exceptions à ce principe : les modifications à caractère utilitaire, commercial, règlementaire, et urbanistique notamment. Tout dépend du motif avancé par le maître d’ouvrage. Il n’y a pas d’intangibilité de l’œuvre architecturale.

2. Dépôt de l’œuvre

Existe-t-il l’équivalent de la SACEM (société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) pour « déposer » les œuvres architecturales ?
Non, le principe du code de propriété intellectuelle est de dire que le droit d’auteur existe dès les premières productions de dessins de l’architecte. Il n’y a donc pas de nécessité de « déposer l’œuvre » pour la protéger.  En revanche, l’architecte peut recourir à une société qui gère les droits d’auteur (moraux et patrimoniaux : photos, Internet, etc.).

Le mobilier urbain que j’ai conçu est-il couvert par le droit d’auteur ? 
Non, car il s’agit de design. En revanche, le mobilier urbain peut faire l’objet d’une protection au titre des dessins et modèles déposés sous enveloppe Soleau à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). 
Conseil de la MAF : scindez vos prestations d’architecture et de design de mobilier urbain dans vos contrats, avec des rémunérations distinctes.

3. Originalité de l’oeuvre

Mes plans et dessins de relevés d’état existants sont-ils protégés par le droit d’auteur ?
Non, car il s’agit de plans techniques ; ces derniers ne sont pas protégés par le droit d’auteur car la condition d’originalité » n’est pas remplie.

Le calepinage spécifique d’un bardage qui occupe une partie importante de la façade du bâtiment que j’ai conçu peut-il être original ?
Oui, si ce bardage donne une originalité au bâtiment (le bardage peut refléter votre personnalité au travers de vos choix architecturaux, comme cela pourrait être le cas pour des couleurs de façade). Dans ce cas, le retrait du bardage serait considéré comme une altération de l’architecture de votre œuvre.

Conseil de la MAF : la charge de la preuve appartient à l’architecte ; c’est à lui de montrer que ses choix architecturaux font l’originalité de son œuvre ; c’est-à-dire qu’ils sont arbitraires et qu’ils résultent de son libre choix, de sa volonté seule sans répondre à une nécessité imposée.

Ai-je un droit de regard sur la modification de mon œuvre ?
Oui, mais ce droit de regard est limité par la vocation utilitaire de l’architecture. Lorsque les besoins du propriétaire évoluent, ce dernier a la possibilité d’adapter l’œuvre à ses nouvelles contraintes. C’est le cas des performances énergétiques qui peuvent entraîner le recours à l’isolation par l’extérieur (ITE). Dans ce cas, si l’architecte s’oppose à l’application de ce procédé, il devra justifier en quoi les atteintes portées à son œuvre originale sont disproportionnées par rapport au but recherché. 

4. Plagiat et déontologie

Est-ce que le fait d’être concepteur dans une commande publique me protège automatiquement du plagiat ?
Non, un plagiat est toujours possible même en marchés publics, et même si vous avez totalement cédé contractuellement vos droits d’auteur.

J’interviens sur une œuvre architecturale existante : dois-je contacter mon confrère pour s’assurer qu’il ne s’oppose pas à mon intervention ou cela relève-t-il du maître d’ouvrage ?
Oui, c’est bien à vous de contacter votre confrère par écrit pour l’informer que vous allez intervenir sur son œuvre (il s’agit là d’une disposition du code de déontologie de la profession). Vous devez également demander à votre client de régler la totalité des honoraires de votre confrère si ce n’est pas fait (vous n’avez pas d’obligation de résultat sur ce point).

Enfin, informez votre conseil régional de l’ordre que vous intervenez à la suite d’un confrère.

Le conseil de la MAF :  sollicitez les observations de votre confrère lorsque vous l’informez de votre intervention sur son œuvre et recherchez son accord sur votre projet.

Après avoir utilisé mes plans, un particulier est allé voir un autre architecte pour faire réaliser sa maison sans modifier mes plans : ce dernier ne m’ayant pas contacté, ai-je une voie de recours ?
Oui, si vous avez une mission complète les plans ne peuvent être confiés à un tiers pour les faire réaliser sans accord de l’architecte concepteur. Deux motifs de recours sont possibles : d’une part, contre le maître d’ouvrage pour plagiat, ; et d’autre part, contre votre confrère devant le conseil régional de l’ordre pour violation du code de déontologie.

5. Pérennité du droit d’auteur

Après dissolution de ma société d’architecture, le droit d’auteur disparaît-il ?
Non, le droit moral – imprescriptible et perpétuel – vous est toujours associé (en tant que personne physique) et ne disparaît jamais. Si la société d’architecture disparaît, il y a toujours un titulaire du droit moral. En revanche, vous pouvez transmettre votre droit patrimonial. 

Mes droits d’auteur sont-ils conservés lorsque je passe d’un exercice libéral à un exercice en société ?
Oui, les droits d’auteur d’une œuvre divulguée en tant qu’architecte libéral reste attribués à la personne physique architecte libéral. En revanche, il est possible de prévoir une transmission des droits patrimoniaux à la société. Cependant, les droits moraux restent définitivement attachés à la personne physique. 

6. Reproduction et représentation 

J’écris un livre et j’utilise les images d’une architecture produite par un confrère décédé : suis-je à l’abri du paiement de dommages et intérêts aux ayants-droit si je n’ai pas pu les identifier ?
Non, les ayants-droit reprennent les droits moraux de l’auteur, mais également patrimoniaux jusqu’à l’expiration de l’année civile qui suit le décès de l’auteur plus 70 ans. 

Conseil de la MAF : pour minimiser le risque de payer des dommages et intérêts élevés au cas où les ayants-droits se manifesteraient, vous devrez montrer votre bonne foi et produire les documents qui prouvent que vous avez mené des recherches sans succès pour les identifier… sans toutefois être à l’abri de ce risque.

Mon client peut-il m’interdire de diffuser mes photos de l’ouvrage réalisé ?
Non, en l’absence de cession de vos droits d’auteur. Oui, en cas de cession totale du droit de représentation dans votre contrat d’architecte. Toutefois, les clauses de cession de droit de représentation et de publication peuvent être assorties d’exceptions pour diffusion sur le site Internet de votre agence, dans votre catalogue de présentation de vos œuvres, et sur d’autres documents de promotion du travail de votre agence. 

Est-ce que je détiens les droits d’auteur pour l’exploitation commerciale de photographies représentant des céramiques décoratives posées en façade du bâtiment que j’ai conçu ?
Dans ce cas trois droits d’auteur peuvent se superposer ici : le vôtre en tant qu’architecte, celui du céramiste en tant qu’artiste et celui du photographe si ce n’est pas vous. Avant de se prononcer, il est nécessaire de savoir qui détient les droits de reproduction (ont-ils été cédés, à quelles conditions et à qui ?). 

Conseil de la MAF : Pour éviter les contentieux ultérieurs, conseillez au maître d’ouvrage de contractualiser les droits patrimoniaux des uns et des autres lorsqu’il y a plusieurs auteurs, préalablement au lancement de l’opération. 

Puis-je photographier mon œuvre et diffuser les photos librement ?
Oui, toutefois deux limites doivent être respectées : le droit de propriété du maître d’ouvrage et le respect de sa vie privée pour ce qui concerne les photos d’intérieur en particulier. 
Conseil de la MAF : Prévoyez une clause contractuelle sur la diffusion de photos de votre œuvre pour ne pas porter préjudice à votre client.

Un tiers qui prend des photos du bâtiment que j’ai conçu pour les diffuser doit-il me demander une autorisation ?
Oui, le tiers doit vous demander une autorisation sauf dans trois cas : lorsque la photo est prise sans but lucratif (autre qu’à des fins de communication, de publicité, etc.) ; lorsque l’œuvre architecturale n’est pas l’objet principal de la photo (elle n’apparaît qu’en arrière-plan) ; et enfin, lorsque la photo n’est prise qu’à titre d’information pour être publiée dans un journal (le journaliste étant toutefois tenu de citer l’auteur de l’œuvre architecturale). 

Puis-je empêcher l’entrepreneur de diffuser sur Internet les photos qu’il a prises de son travail montrant l’œuvre que j’ai conçue ?
Oui, en l’absence de cession des droits de reproduction. Non, si les droits ont été cédés à la maîtrise d’ouvrage. Toutefois, la diffusion de photos de l’œuvre inachevée est sujette à l’appréciation du juge. 

Un éditeur de presse peut-il publier une œuvre conçue et modifiée par plusieurs architectes à différentes périodes ? 
Oui, s’agissant d’une œuvre composite originale l’éditeur doit citer les différents architectes en associant à chaque partie de l’immeuble l’auteur correspondant. 

7. Titularité du droit d’auteur

Dois-je m’adresser immédiatement au juge lorsque le maître d’ouvrage s’attribue la paternité du projet dans une publication ?
Non, la MAF vous conseille d’écrire à votre client pour lui dire que votre œuvre est protégée par le droit d’auteur et que vous êtes en droit de lui réclamer des dommages et intérêts ; et d’écrire au directeur de la publication du journal pour demander que soit publié un erratum dans le numéro à venir en indiquant que vous êtes l’auteur du projet (voir la lettre type proposée par l’ordre des architectes à l’adresse des directeurs de publication : ici).

Un architecte salarié ou un architecte associé dispose-t-il d’un droit d’auteur distinct de celui de l’agence d’architecture ?
Oui et non, il est d’usage que les juridictions françaises considèrent que les droits moraux vont aux personnes physiques tandis que les droits patrimoniaux vont à la société. En revanche, lorsque l’œuvre architecturale est conçue par plusieurs architectes au sein de la société, et qu’il n’est pas possible d’en distinguer l’auteur, il s’agit d’une œuvre collective dont les droits patrimoniaux appartiennent à la société.

Conseil de la MAF : concernant le salarié, il est souhaitable d’introduire une clause dans le contrat de travail indiquant que ses prestations relèvent des œuvres collectives divulguées au nom de la société.

Deux architectes libéraux travaillent ensemble sur le même projet : un accord sur le droit d’auteur attaché à ce projet est-il nécessaire ?
Oui, le meilleur moyen de se prémunir d’un litige entre architectes c’est de passer un contrat sur ce qu’est l’exercice du droit d’auteur sur le projet et/ou l’ouvrage réalisé.

Puis-je faire valoir mon droit d’auteur sur un projet de restauration ?
Non, sauf si vous apportez des modifications, qui seront considérées comme originales, à l’ouvrage initial.

8. Autres thèmes

Le droit d’auteur sur une œuvre architecturale existe-t-il dès la conception, avant la construction de l’ouvrage ?
Oui, dès lors qu’il s’agit d’une œuvre originale, le droit d’auteur démarre dès les premières esquisses. En contentieux, les premières esquisses doivent être jointes au dossier pour démontrer devant le juge que la prestation intellectuelle est le résultat d’un processus créatif. Rappelons que dans le droit d’auteur, il faut distinguer la propriété intellectuelle de l’objet auquel il se rapporte.

Suis-je obligé de remettre à mon client mes plans en format numérique DWG ?
Oui, si c’est prévu au contrat. Non, dans le cas contraire. L’architecte qui vous succède peut utiliser vos plans – quel que soit le format – si vous avez cédé les droits d’auteur au client, ou si vous l’y avez autorisé. 

Conseil de la MAF : remettez à votre client, ou au confrère qui vous succède, des plans datés en indiquant par contrat que toutes les modifications ultérieures faites sur ces plans par un tiers n’engagent pas votre responsabilité (ce qui n’exonère pas totalement votre responsabilité). 

Je succède à un confrère signataire d’une demande de permis de construire : puis-je déposer et signer une demande de permis de construire modificatif ?
Oui, mais vous devez préalablement informer votre prédécesseur avec qui il est souhaitable que vous vous entendiez sur les modifications apportées à l’oeuvre. 

Conseil de la MAF : il est généralement préférable que le signataire du PC modificatif soit le même que le signataire du PC. 

Puis-je faire jouer mon droit d’auteur si le maître d’ouvrage décide de dupliquer mon oeuvre ?
Oui, le maître d’ouvrage n’a pas le droit de faire construire un bâtiment identique sans votre accord si vous n’avez pas cédé votre droit d’auteur. C’est le cas, par exemple, pour une chaîne de magasin en franchise.

Conseil de la MAF : dans le cas où votre contrat prévoirait une cession de droit permettant la duplication du bâtiment, cela doit faire l’objet d’une rémunération ou d’une mission spécifique à chaque opération. 

Le maître d’ouvrage peut-il s’opposer à ce que j’appose mon nom sur le bâtiment que j’ai conçu ?
Non, ce droit est incessible et imprescriptible.

1.« Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : (…) 7° Les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; (…) 12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ;

2. Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

3. L’enveloppe Soleau vous identifie comme auteur. L’enveloppe Soleau, du nom de son créateur, est un moyen de preuve simple et peu coûteux. Elle vous permet de vous constituer une preuve de création et de donner une date certaine à votre idée ou votre projet. Cliquez ici pour plus d'informations.

 

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