Moi, c’est Justin, et ma spécialité, c’est le pépin. Devenu le roi des pratiques à ne pas suivre, la MAF m’a demandé de vous raconter mes expériences. Vous l’avez redouté ? Moi, je l’ai fait. D’ailleurs, il faut que je vous raconte…
JP MI 108

… comment un projet de centre aquatique a bien failli tomber à l’eau.

Comme à chaque fois, l’histoire commence bien : un maître d’ouvrage enthousiaste qui vient d’acquérir une parcelle idéalement située le long d’un cours d’eau bordé de peupliers. Un contexte idyllique qui donnait pourtant tous les indices des problèmes à venir…

Plein d’entrain, je me jette à l’eau dans l’analyse des caractéristiques du projet : l’étude du sol s’avère rapidement incontournable. Pour mon maître d’ouvrage, une étude géotechnique G2 PRO fera amplement l’affaire.

Je me souviens que la jurisprudence est exigeante avec mon devoir de conseil : en tant que professionnel de la construction, ma responsabilité est susceptible d’être engagée en cas de désordres liés à l’absence ou à l’insuffisance de l’étude de sol.

Par acquit de conscience, j’alerte mon maître d’ouvrage par écrit sur la légèreté de la G2 PRO pour mieux m’atteler à la conception. L’étude de sol est un paramètre du projet, mes honoraires en sont un autre : il faut que le projet avance.

Très vite, l’eau est omniprésente au stade des fondations. Même si nous construisons un centre aquatique, cela semble prématuré. Nous constatons alors qu’une nappe phréatique affleure à l’endroit de la parcelle.

Cours d’eau, peupliers… ces éléments qui faisaient le charme du projet racontent soudain une autre réalité : l’eau est omniprésente dans les sols. Pour écoper, quoi de mieux que ma responsabilité ? Retards dus à l’arrêt de chantier, prise en compte des nouveaux paramètres hydrauliques... Rapidement, on m’oppose que m’on projet n’est pas réaliste, et que c’est sa rentabilité qui prend l’eau par ma faute.

Heureusement, j’ai mon gilet de sauvetage : mon devoir de conseil, matérialisé par l’écrit qui mentionne mes réserves sur la G2 PRO et qui recommande une G3. Des préconisations qui n’avaient pas été suivies.

L’expertise retient ma prudence et mes alertes : ma responsabilité n’est pas engagée. La noyade attendra. La baignade aussi. Il faut désormais procéder au cuvelage avant que le chantier ne puisse reprendre…

 

Limites des rôles de l'architecte et du géotechnicien sur l'étude de sol

 

  • L’architecte ne peut pas contrôler le contenu des livrables du géotechnicien, car il ne saurait être considéré comme sachant en la matière.
  • L’architecte ne peut pas avoir de mission VISA sur les rendus du géotechnicien.
  • L’architecte doit conserver un regard critique sur :
    • La cohérence générale des études par rapport au projet envisagé.
    • L’application de la norme AFNOR NFP 94-500 qui impose une étude complète, non limitée au seul aspect du sol.
    • Le besoin de compléter, ou non, les obligations légales en la matière (loi ELAN et assurance Dommages-ouvrage).
    • Le contenu des marchés des entreprises, qui doivent impérativement imposer une G2 PRO, tout en leur demandant de prendre position sur sa pertinence.

Les mésaventures de Justin Pépin sont tirées de faits réels rencontrés dans les dossiers "sinistres" à la MAF;