Interrogé par MAFCOM sur la place de l’architecte sur le chantier, Gilles Charbonnel, ingénieur (Altaïs Ingénierie), estime que la relation entre l’architecte et les bureaux d’études doit évoluer. Il appelle les architectes à communiquer sur le rôle de chacun, et les invite à proposer avec les bureaux d’études les missions EXE pour diriger efficacement les entreprises sur les chantiers.
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MAFCOM : Quelle est la place de l’architecte sur le chantier aujourd’hui ?

Gilles Charbonnel : L’architecte doit animer l’équipe de maîtrise d’œuvre, de la conception à la livraison de l’ouvrage. Cela implique qu’il dirige le chantier. Cependant, au sein de la maîtrise d’œuvre, la relation entre l’architecte et les bureaux d’études doit évoluer. Architectes et ingénieurs doivent communiquer les uns vers les autres sur leurs missions respectives et les tâches qui les composent. Sur le « qui fait quoi pour quel prix ? » Un peu de transparence leur permettrait de mieux se comprendre et mieux défendre ensemble l’intérêt de leurs maîtres d’ouvrage.

 

Le couple architecte-ingénieur (bureau d’études) fonctionne-t-il bien ?

Architectes et ingénieurs ont un gros déficit dans leur communication. Chacun doit connaître et reconnaître ses limites. Bien évidemment, l’architecte doit savoir construire, mais il ne peut néanmoins tout connaître de la construction. Or, lorsqu’on écoute les architectes aujourd’hui, on a trop souvent l’impression qu’ils sont les seuls à s’investir et que la bonne ingénierie n’existe pas ! Il est largement temps d’en parler ensemble.

Le BIM et son processus collaboratif sont peut-être l’occasion de reconstruire la relation entre acteurs de la maîtrise d’œuvre.

 

Vous prônez un rapprochement entre les composantes de la maîtrise d’œuvre ?

Je plaide pour une maîtrise d’œuvre solide et forte face à des entreprises qui en ont besoin. Une maîtrise d’œuvre unie est capable de prendre les missions EXE et de diriger réellement et efficacement les entreprises. C’est, indispensable pour que la maîtrise d’œuvre et les architectes en particulier comprennent bien ce qu’ils dessinent. Et pour améliorer la qualité des bâtiments.

Cette montée en puissance de la maîtrise d’œuvre est cohérente avec l’avènement du numérique qui ne permet plus de reporter à plus tard la résolution de la plupart des problèmes techniques qui se posent en phase de conception.

 

Ce sont pourtant les entreprises qui sont de plus en plus invitées en amont des projets...

Je ne vois pas ce que vient faire l’entreprise en phase de conception. Si ce n’est combler un vide laissé par la maîtrise d’œuvre. Cette tendance à demander à l’entreprise d’intervenir de plus en plus en amont dans la conception est contraire à la déontologie. L’entreprise n’a pas à intervenir dans la conception de la maîtrise d’œuvre. Peut-on imaginer une industrie aéronautique qui laisserait les constructeurs modifier à leur guise la conception des avions… Nous avons une dérive dans le bâtiment : les entrepreneurs peuvent trop facilement changer la conception et les prescriptions de la maîtrise d’œuvre.

Une maitrise d’œuvre indépendante est seule garante d’une conception technico-économique fiable et durable.

 

Quelles mesures concrètes préconisez-vous pour renforcer la maîtrise d’œuvre ?

Une rémunération juste est la condition indispensable d’une maîtrise d’œuvre performante. Pour cela, non seulement la maîtrise d’œuvre ne doit pas céder au dumping des honoraires, mais elle doit être correctement rémunérée. Pour lutter efficacement contre ce fléau, l’assureur a sans doute un rôle à jouer car le risque de défaillance et de malfaçons sur l’opération s’en trouve multiplié au-delà du raisonnable. A travers le maître d’œuvre c’est bien souvent la solvabilité de son assureur qui est recherchée.

 

Vous appelez l’assureur à la rescousse de la maîtrise d’œuvre ?

A titre d’exemple, souvenons-nous qu’il y a vingt ans, il y avait une étude géotechnique pour dix projets ; aujourd’hui rares sont les projets sans études de sol car les assureurs refusent leur couverture si un projet ne comporte pas d’étude géotechnique. C’est une manière de lutter efficacement contre une sinistralité qui coûte très cher. Mais c’est aussi une façon de consolider un métier, celui de géotechnicien, qui en avait besoin.

 

Les honoraires restent-t-ils un sujet de discorde entre architectes et ingénieurs ?

Ils le sont lorsque la maîtrise d’ouvrage rémunère mal sa maîtrise d’œuvre. Architectes et bureaux d’études doivent communiquer sur le contenu de leurs missions pour mieux les vendre et cesser, notamment, de parler en pourcentage sur montant de travaux. Dans ce combat, architectes et bureaux d’études doivent être solidaires.