Qui l’aurait cru ? Alors que la plupart des pays européens sont éprouvés par deux années de Covid et la guerre en Ukraine, que le contexte économique et politique prête à la morosité, la profession d’architecte en Europe se porte plutôt bien.
Être architecte en Europe

Dynamique, en pointe sur les grands enjeux environnementaux actuels, elle a su se relever des deux années de pandémie et reprendre son activité : nombre en augmentation, taux de chômage historiquement bas, revenus en hausse, c’est en tout cas ce que démontre l’édition 2022 de l’étude de secteur publiée par le Conseil des architectes d’Europe (CAE).

Le CAE regroupe l’ensemble des organisations représentatives de la profession d’architecte des pays de l’Union européenne, des plusieurs pays candidats à l’Union (Serbie, Turquie, et aujourd’hui Ukraine), de la Suisse, du Royaume-Uni et de la Norvège.

Depuis 2010, il publie tous les deux ans une enquête1 qui dresse un portrait démographique, sociologique et économique de la profession et constitue un outil de référence très complet pour connaître le métier d’architecte en Europe.

Une profession en constante augmentation

La profession d’architecte séduit les jeunes étudiants car en dix ans, leur nombre a augmenté de plus de 20% pour passer de 500 000 à 620 000, dont 46% de femmes, contre 31% en 2010. Les femmes sont d’ailleurs majoritaires dans plusieurs pays : Croatie, Finlande, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Suède. La France se situe en deçà de la moyenne européenne. 

De manière globale, le nombre d’architectes rapporté à la population est de 1,1/1000 habitants. Mais il est de 2,6 en Italie et à Chypre, 2,2 au Portugal, 1,8 au Danemark, 1,5 en Grèce et à Malte. La France arrive bonne dernière avec un chiffre de 0,4 architectes /1000 habitants.

L’âge moyen des architectes se situe entre 45 et 49 ans. 30% des professionnels ont moins de 40 ans, sauf en Roumanie, où ils représentent la moitié du nombre total. C’est au Danemark, au Royaume-Uni et en Norvège que les architectes de plus de 60 ans sont les plus nombreux.

Un taux de chômage historiquement bas

En 2022, seulement 2% des architectes étaient au chômage, alors qu’à l’inverse, ils étaient plus nombreux que jamais à travailler à temps plein : 82% contre 75% en 2020. Ce taux a atteint 90% en Belgique, en Finlande, en Lituanie et au Luxembourg.

Un statut professionnel classique

Globalement, les architectes travaillent au sein de petites structures. Ainsi, 35% des architectes exercent leur métier à titre individuel sous forme libérale. En Belgique et en France ce mode d’exercice reste encore au cœur du métier. En France, même s’il a diminué fortement en 20 ans au profit des associés, ce statut professionnel attire encore 42% des architectes.

A l’inverse, le nombre de dirigeants et d’associés de sociétés est en augmentation en passant en 2 ans, de 9 % à 12%. Cette augmentation du nombre des associés provient des entrées dans la profession, des architectes de moins de 35 ans.

En toute logique, le nombre de salariés du privé diminue en passant de 23% en 2020 à 18% en 2022 (c’est en Norvège et en Suède qu’ils sont les plus nombreux). Le nombre de salariés du public est lui de l’ordre de 10%.

Une forte reprise du marché de la construction et de l’architecture en 2022

La valeur totale du marché de la construction est estimée à 2513 milliards d’euros en 2022. Outre le bâtiment, ce chiffre comprend les travaux d’infrastructure et de génie civil. Plus de la moitié de cette production provient de l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie.

Après la pandémie, c’est la reprise qui se traduit par une augmentation de 3,4% en 2022. Cette croissance a été particulièrement forte en Irlande, en Pologne, en Slovénie et en Turquie.

Néanmoins, d’après les derniers chiffres d’Eurostat2 cette embellie risque de s’essouffler en raison de la dégradation des conditions économiques.

Au sein du marché de la construction, la valeur du marché des services d’architecture est estimée à 21 milliards d’euros, soit une hausse de 23% par rapport à 2020. L’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni représentent plus de la moitié du marché européen total.

Le logement privé et la maison individuelle à la tête de ce que les architectes construisent en Europe.

Plus de 50% du marché en Europe provient du logement privé et près de 90% des agences travaillent dans ce secteur. Les 2/3 reviennent à la construction de maisons individuelles et extensions. Les maisons individuelles et les extensions représentent au moins 50% du marché en

Belgique, en Grèce, au Portugal et au Royaume-Uni.

Viennent ensuite les commerces avec une part de marché de 9% et le logement public 8% (10% en Allemagne et en République tchèque). Globalement, le secteur public représente une part de marché de 21%.

La construction neuve reste forte

La moitié du marché européen est constitué de construction neuves, et atteint 70% en Roumanie et en Pologne. La rénovation représente 36% du marché : c’est en France et en Italie qu’elle est la plus importante (50%). 14% du marché revient au patrimoine.

Et la conception, le domaine privilégié des architectes.

La conception représente en effet 62% du marché des architectes. Les études de faisabilité sont très importantes en Norvège et c’est au Danemark que la coordination BIM est réalisée en très grande majorité par les architectes.

16% des agences en Europe ont participé à un concours d’architecture en 2022 et elles sont encore moins nombreuses à avoir répondu à un appel d’offre publié au JOUE, en raison, déclarent-elles, du coût des procédures des délais trop serrés ou du manque d’expérience de certaines agences.

Du marché à l’individu : la pratique

Des revenus qui se situent dans la moyenne de l’Union européenne

Globalement les revenus des architectes se situent autour de 38 K€/an avec des disparités importantes entre Europe de l’Ouest et du Nord et Europe de l’Est. Le salaire moyen s’élève à 37 500€. Les associés et dirigeants déclarent pour leur part une moyenne de 46 800€ de revenus. Enfin même si l’écart se réduit ces dernières années, les revenus des femmes, sont plus faibles.

La méthode de calcul des honoraires la plus courante est le pourcentage sur le montant des travaux. 36% des architectes y ont recours, notamment en Belgique, en France et au Luxembourg. Vient ensuite le forfait (27%) pratiqué en Grèce, Irlande, Portugal et Slovénie, puis la facturation au taux horaire utilisée par 15% des architectes en particulier en Norvège et en Suède, où cette méthode est majoritaire.

La retraite, le plus tard possible !

50% des architectes européens prévoient de prendre leur retraite entre 65 et 69 ans. 25% visent plutôt 70 ans et 4% 80. Une proportion importante, 12%, déclare qu’elle ne prendra jamais sa retraite !

Les entreprises individuelles restent reines

Le nombre d’agences, 150 000 aujourd’hui, a beaucoup augmenté ces dernières années. Les 2/3 des agences européennes sont des entreprises individuelles. Viennent ensuite les sociétés anonymes (18% des agences), puis les SARL (7%). Le nombre de coopératives ou de fiducies particulièrement prisées des jeunes architectes, est en peine expansion. C’est en Norvège, Finlande et Suède que la taille des agences est la plus notable.

L’architecte, obligations et engagements

La quasi-totalité des architectes est couverte par une assurance RCP. Le niveau de couverture varie selon la taille de l’agence mais la valeur moyenne se situe entre 500K€ et 999k€. La moitié des agences consacrent moins de 2,5% aux primes d’assurance.

La formation continue est le plus souvent une obligation déontologique. Les architectes y consacrent en moyenne 20h par an, sauf les tchèques et italiens qui y consacrent 40H. Le plus petit nombre d’heures est déclaré par les architectes belges danois et portugais.

Un engagement fort sur les nouveaux enjeux

Près de 50% des architectes européens déclarent réaliser des bâtiments basse consommation. Cette proportion est plus proche du tiers en Italie, Portugal et Suède. Beaucoup moins d’architectes en revanche déclarent réaliser des bâtiments à énergie positive (9%).

Enfin, la moitié des architectes déclarent utiliser fréquemment des outils de modélisation 3D, un quart des outils BIM (notamment dans les pays nordiques).

 

1. Cette enquête commandée par le CAE et co-financée par le programme Creative Europe de l’Union européenne, est réalisée par un institut d’études quantitatives et qualitatives autrichien.

2. Eurostat est une direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle communautaire. Son correspondant français est l’INSEE

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