Cet article est tiré du webinaire réalisé par la MAF le 21 janvier 2021, auquel participaient Antoine Tirel, avocat au cabinet Larrieu et associés ; Émilie de Laubadère et Pierre Guion de Meritens, juristes à la direction de l’indemnisation de la MAF.
 Comment gérer un sinistre ?

Sommaire

3 points à connaître

  1. Qu’est-ce qu’un sinistre ?
  2. Gérer un sinistre avec la MAF
  3. La typologie des expertises

Les points de vigilance pour faire face à un sinistre

Comment est organisé le service des sinistres de la MAF

Questions d’architectes et réponses de la MAF

  1. Expertise amiable
  2. Expertise judiciaire
  3. Expertises judiciaires et amiables
  4. Constats
  5. Responsabilité de l’architecte
  6. Indemnisation de l’architecte
  7. Déclaration de sinistre
  8. Défaillance d’entreprise
  9. Assurance d’entreprise
  10. Études d’exécution

3 points à connaître

1. Qu’est-ce qu’un sinistre ?

Un sinistre est une mise en cause de responsabilité : tout acte professionnel de l’architecte peut donner lieu à une recherche de sa responsabilité, même en dehors d’un contrat ou d’un chantier. C’est le cas notamment lorsqu’un croquis dessiné sur un coin de table de restaurant est utilisé sur le chantier à l’insu de son auteur et lui vaut, plus tard, une mise en cause de sa responsabilité. 

La réclamation vient généralement du maître d’ouvrage, mais elle peut provenir de tout autre acteur de la construction, d’un voisin du chantier ou d’un passant… qui estime avoir subi un dommage. C’est le cas, par exemple, d’une piscine non lestée qui se soulève par la poussée de la nappe phréatique ; ou le cas d’efflorescences de salpêtre survenues dans une véranda non ventilée. 

Pour une définition plus complète du sinistre, reportons-nous à l’article L 124-1-1 du code des assurances : « Constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. (…) ». 

Il existe trois types de dommages qui peuvent donner lieu à un sinistre : 

  • Le dommage matériel qui touche un bien, et constitue une atteinte patrimoniale ; 
  • Le dommage immatériel qui crée un préjudice de jouissance, voire un préjudice pécuniaire pour défaut de revenus (une chambre d’hôtel qui ne peut être louée par exemple) ;
  • Le dommage corporel qui porte atteinte au corps de la victime.

La MAF recommande à ses adhérents de déclarer toutes les réclamations qui leur sont adressées. Elle les examine et apprécie si un dossier sinistre doit être ouvert ou non. 
Voici quelques recommandations pour dédramatiser la déclaration de sinistre :

  • Déclarez le sinistre le plus tôt possible. A partir du moment où l’adhérent voit sa responsabilité mise en cause, une déclaration doit être adressée le plus rapidement possible à la MAF (au moins par téléphone) : 5 jours dans un cadre amiable ou 48 heures à la réception d’un acte judiciaire. La procédure judiciaire commence par une assignation. L’architecte, ou le bureau d’études, est généralement amené à participer à une procédure d’urgence dans le cadre d’un « référé expertise ». Le délai est court pour faire ses observations et se présenter devant le juge, représenté par un avocat désigné par la MAF. Ce dernier aura examiné l’affaire pour discuter avec le juge du rôle de son client dans l’affaire citée. Précisons qu’il existe une procédure d’urgence dite « heure à heure » pour saisir un magistrat dans la journée dans le cas par exemple d’un bâtiment qui menace ruine. Dans tous les cas, l’adhérent de la MAF doit être réactif pour être défendu au mieux de ses intérêts. Les procédures amiables (dommages-ouvrage et hors dommages-ouvrage) imposent parfois que l’assureur réagisse également rapidement. C’est notamment le cas lorsqu’un affaissement ou un effondrement nécessite la mise en place de mesures conservatoires pour limiter les désordres consécutifs et les préjudices immatériels.
  • Déclarer le sinistre dans votre « espace adhérent1» et renseignez le plus complètement possible le formulaire (vous pouvez également déclarer un sinistre à la MAF par voie postale ou par e-mail). Joignez les copies des documents qui vous mettent en cause ainsi que les copies de votre contrat de maîtrise d’œuvre, de vos notes d’honoraires, de la Déclaration règlementaire d’ouverture de chantier (DROC), de la liste des intervenants de l’opération (entreprises, coordonnateur sécurité et protection de la santé (CSPS), bureau de contrôle, bureaux d’études, co-contractants, sous-traitants, entreprises, etc.) et, autant que possible, de leurs attestations d’assurances. Ces dernières permettront à la MAF de procéder éventuellement à des mises en cause complémentaires pour ne pas que vous ne vous retrouviez devant le juge. Soulignons deux points particuliers : 
    • Un sinistre lié à l’exécution des travaux, alors que vous n’avez qu’une mission de conception architecturale, donne immédiatement des éléments de défense à votre avocat pour plaider votre mise hors de cause ;
    • Une expertise peut être l’occasion pour votre avocat de demander que le paiement de vos honoraires non versés soit également examiné. 
  • Communiquez toutes les informations sur l’affaire à votre assureur : c’est votre intérêt. La MAF a besoin de connaître la situation exacte engendrée par vos actes professionnels pour mettre au point la meilleure stratégie dans la défense de vos intérêts.
2. Comment se gère un sinistre

La MAF demande à ses adhérents de participer de manière active à la résolution du litige, à ses côtés et aux côtés des avocats et experts désignés par elle. L’efficacité de la défense se joue grâce à cette collaboration. Il s’agit notamment pour l’adhérent de participer aux réunions d’expertise, qu’elles soient amiables ou judiciaires.

Des solutions techniques de réparation doivent être généralement présentées dans le cadre des expertises judiciaires et des expertises amiables : l’adhérent peut proposer une solution technique avec un devis pour faire baisser le coût du sinistre (les juges sont sensibles à la notion assez récente de « proportionnalité de la réparation »). Cela nécessite d’y consacrer du temps, de l’argent, un effort humain (face à des personnes avec qui l’adhérent a éventuellement eu du mal à travailler ; face à un expert donneur de leçon…), et un effort de mémoire. Ainsi par exemple, dans une expertise engagée juste avant la fin de la période de garantie décennale, l’architecte apparaît comme étant la mémoire de l’opération alors que certains intervenants du chantier ont disparu. Il est généralement sollicité pour alimenter l’expert en documents. Mais attention, ce n’est pas parce que l’architecte est actif dans sa participation à l’expertise qu’il se reconnaît responsable dans le sinistre. La MAF, ses avocats et ses experts sont là pour montrer que l’adhérent n’est pas responsable ou que sa responsabilité est limitée. 

Rappelons que la MAF n’est pas la police des pratiques sur le chantier ; elle épaule ses adhérents et, en cas de sinistre, l’adhérent apporte un conseil, un soutien et éventuellement un règlement s’il faut payer un tiers lésé. La MAF ne peut pas se substituer à l’adhérent qui sait, mieux que tout le monde, comment le chantier s’est déroulé. Si l’adhérent ne participe pas à l’expertise, il est fort probable que la résolution du litige ne tournera pas à son avantage. Sa présence et son implication sont généralement appréciées comme un gage de transparence et d’honnêteté.

En mission complète, l’adhérent est la mémoire du chantier. La MAF a besoin qu’un maximum de documents soit conservé. Il s’agit : du contrat de maîtrise d’œuvre ; des notes d’honoraires ; des répartitions des tâches et des honoraires en cotraitance ; des comptes rendus de chantier ; des attestations d’assurance décennale pour appeler à la cause les assureurs ; du procès-verbal de réception ; du décompte général et définitif. Attention, lors d’une expertise judiciaire l’adhérent ne communique jamais de documents directement à des intervenants à l’expertise ; il les transmet uniquement à son avocat qui veille au respect du contradictoire (à leur diffusion).  

Compte tenu de la garantie décennale, ces documents doivent être conservés pendant 15 ans de manière à faciliter, dans les procédures judiciaires, l’appel en garantie des autres constructeurs et de leurs assureurs. Il arrive également que les adhérents aient à démontrer que la décennale a expiré s’ils sont mis en cause postérieurement à l’expiration du délai. 

3. La typologie des expertises 

L’expertise amiable dommages-ouvrage (DO)

L’assurance DO est obligatoire pour l’ensemble des maîtres d’ouvrage (hormis l’État, les collectivités et certaines grandes entreprises publiques). Malheureusement, elle est peu souscrite. Lorsque le maître d’ouvrage déclare le sinistre à l’assureur DO, un expert unique, agissant pour le compte de tous les assureurs concernés, est nommé. Sa mission consiste à entendre les intervenants concernés par le sinistre, à vérifier le caractère décennal des désordres, à préconiser et à chiffrer une solution technique de réparation, et à proposer une clé de répartition des responsabilités entre les différents participants dans le cadre de la Convention des règlements des assureurs construction (CRAC2) . L’intérêt de cette procédure est de préfinancer la réparation dans un délai court en évitant notamment l’aggravation du sinistre. A la suite de quoi l’assureur DO exerce les recours contre les assureurs des constructeurs responsables (voir la loi Spinetta3).  

L’expertise amiable hors dommages-ouvrage (hors DO)

En dehors du cadre de l’assurance DO, l’expertise amiable est toujours possible. En tant que « mémoire » du chantier, l’architecte est presque systématiquement convoqué aux réunions d’expertise à la demande du maître d’ouvrage (parfois pour un enjeu minime). En fonction de la nature du désordre, la MAF n’ouvre pas toujours un dossier à la première convocation et demande à son adhérent d’assister à la première réunion d’expertise pour sonder les parties présentes et lui rendre compte des échanges. A condition d’une réelle mise en cause de sa responsabilité, il s’en suit l’ouverture du dossier à la MAF avec désignation éventuelle d’un expert et/ou d’un avocat pour épauler son adhérent. Attention, les expertises hors DO ne sont pas encadrées par un délai strict et le nombre d’experts n’est pas limité. Chaque participant peut venir avec son expert. De ce fait, un accord est généralement plus difficile et plus long à obtenir qu’en présence d’une assurance dommages-ouvrage.
L’affaire est traitée entre le maître d’ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs qui se mettent d’accord sur une solution technique de réparation et, là aussi, sur une clé de répartition des responsabilités. Si l’enjeu financier le justifie, les avocats interviennent généralement en toute fin d’expertise. Mais le maître de la procédure est toujours le maître d’ouvrage : s’il n’est pas satisfait des échanges, il peut saisir le juge. Le dossier de l’adhérent est alors confié à l’avocat désigné par la MAF pour une éventuelle expertise judiciaire. 

L’expertise judiciaire

Lorsque les protagonistes du litige ne parviennent pas à s’entendre, il est toujours possible de faire appel au juge pour une procédure judiciaire. Le principe de cette procédure est le « contradictoire » : lorsqu’il y a des éléments d’information à faire valoir pour l’examen du sinistre, ces éléments doivent être diffusés à toutes les parties (les constructeurs ont parfois du mal à admettre l’application de ce principe). Tous les échanges doivent se faire en transparence. Une partie ne peut pas garder des éléments d’information sous le coude… ou ne les transmettre qu’au juge. Lorsque l’expert judiciaire rend son rapport, chaque partie doit avoir eu l’occasion de s’exprimer sur tous les arguments avancés et en toute transparence. 
Les expertises de justice peuvent être organisées soit par un tribunal administratif (avec lequel l’ordonnance est rendue sans audience), soit par un tribunal judiciaire. Dans le second cas, un huissier se présente au bureau de l’architecte pour lui remettre une assignation et lui demander de participer à une audience du tribunal. L’assignation fait état d’une audience de référé qui se tient généralement 3 à 4 semaines plus tard pour que soit examiné le bien-fondé de la mesure d’expertise. Voici quelques conseils de la MAF pour ses adhérents confrontés à cette situation :

  • Rappelez-vous que la participation à une expertise judiciaire ne signifie pas que vous allez être condamné.
  • Vérifiez que vous êtes bien le destinataire de l’assignation : si vous travaillez dans le cadre d’une société d’architecture et que l’assignation vous est délivrée à titre personnel, vous ne l’acceptez pas. Le contrat de maîtrise d’œuvre a peut-être été signé par la société d’architecture et c’est cette dernière – et non vous personnellement en qualité de personne physique – qui doit être assignée. 
  • Transmettez l’assignation à la MAF qui vous assure.
  • N’allez pas nécessairement à l’audience : vous n’aurez pas la parole (au-dessus de 10 000 euros de réclamation, l’avocat est obligatoire). Laissez la main à votre avocat pour qu’il vous représente. Mais n’espérez pas non plus être mis hors de cause au stade du référé car dans l’expertise judiciaire4 l’architecte est généralement considéré comme la « mémoire du chantier ». Cela constitue un motif légitime pour le bon déroulement au contradictoire de l’expertise. Sauf s’il est évident que sa responsabilité est recherchée à tort (pour un défaut d’exécution, par exemple, en l’absence de mission de direction de l’exécution des contrats de travaux). 
  • À cette audience, laissez votre avocat :
    • Vérifier le contour de la mission d’expertise : la liste des problèmes doit être précise et l’avocat veille à ce que le juge ne demande pas à l’expert de faire un audit du bâtiment pour identifier des problèmes ;
    • Discuter du choix de l’expert : le choix d’un architecte généraliste, d’un ingénieur spécialiste, d’un économiste… ou d’un collège d’experts, avec le recours éventuel à un sapiteur pour un point technique nécessitant une connaissance particulière, doit correspondre au sinistre ; 
    • Discuter de l’attribution du préfinancement : le juge demande au maître d’ouvrage la consignation d’une somme à payer adaptée à l’affaire ; 
    • Veiller à ce que l’expert n’ait pas de lien d’intérêt avec les parties ;
    • Recevoir l’ordonnance rendue par le juge à la suite de quoi, l’expert démarre les opérations d’expertise dans le respect du contradictoire. 
  • Assistez à tous les rendez-vous d’expertise judiciaire (c’est primordial) : la première démarche de l’expert est d’examiner la matérialité des désordres.
  • N’assistez pas à une réunion d’expertise judiciaire si vous n’avez pas été convoqué : ne prenez pas l’initiative de répondre à une sommation d’avocat adverse de participer à une expertise judiciaire avant votre mise en cause par le juge (voyez avec votre avocat si vous avez intérêt à assister à une réunion d’expertise à laquelle vous n’avez pas été convoqué dans les formes).
  • Communiquez les éléments d’information (compte-rendu de chantier, photos, lettres recommandées, etc.) et votre avis uniquement à votre avocat dans un « dire » en attirant l’attention de l’expert sur ce qui est important (en expertise, l’abondance de documents est parfois gérée par des plateformes dématérialisées de documents).
  • Ne communiquez qu’avec la MAF, votre avocat et votre expert technique désignés par la MAF pour défendre vos intérêts.
  • Signalez éventuellement que les parties convoquées à l’expertise ne sont pas au complet pour répondre du sinistre : votre avocat peut demander l’arrêt de l’expertise pour retourner devant le juge et obtenir la mise en cause d’un autre acteur de l’opération (un sous-traitant, par exemple). Il peut également demander l’extension de la mission de l’expert.
  • Participez de manière active aux opérations d’expertise avec la MAF, votre avocat et l’expert désigné.
  • Ne reconnaissez jamais votre responsabilité dans le cadre d’une expertise judiciaire.
  • Soyez patient : une expertise judiciaire peut durer longtemps compte tenu de la complexité des sinistres et du nombre d’intervenants (une affaire dure en moyenne 7 ans depuis l’assignation jusqu’au jugement pour les dossiers enregistrés à la MAF).
  • Examinez attentivement le pré-rapport de l’expert avec les imputabilités : dans ce document provisoire, l’expert indique qu’il a constaté le désordre, que les travaux de réparation sont estimés à telle somme d’argent et qu’il propose d’imputer telle part de responsabilité à tel professionnel. A l’étape du pré-rapport les parties et les assureurs peuvent se mettre d’accord pour éviter d’aller devant le juge du fond (attention : même en cours de transaction entre parties, ne reconnaissez jamais votre responsabilité). En l’absence d’accord, le rapport est déposé et l’expert demande à être payé (ordonnance de taxe) ; la procédure d’expertise est terminée.

Après le dépôt du rapport d’expertise, plusieurs issues sont possibles :

  • Il n’y a pas de suite : les désordres n’ont pas été constatés, ou l’expert estime qu’il n’y a pas d’imputabilité des intervenants du chantier. Le maître d’ouvrage a payé un rapport d’expertise judiciaire qui ne lui sert à rien. La procédure s’arrête avec le rapport d’expertise judiciaire. Précision : dans son rapport l’expert qualifie techniquement la matérialité du désordre et le juge ne la remet généralement pas en cause ; mais l’expert ne peut pas dire s’il s’agit d’un cas de responsabilité contractuelle ou décennale, ni apprécier le préjudice causé. Cette qualification juridique du désordre relève uniquement du juge. 
  • Une solution amiable est trouvée : le rapport propose une solution de réparation et les parties estiment qu’il n’est pas intéressant pour elles de se lancer dans une procédure sur le fond qui va durer des années ; elles préfèrent s’entendre plutôt que d’accentuer le préjudice en laissant le désordre s’aggraver. Précision : les parties – avec leurs avocats – se mettent autour de la table et trouvent un accord qu’elles valident sous la forme d’un protocole signé par elles.
  • La procédure se poursuit : après que le maître d’ouvrage est allé dans un premier temps devant le juge des référés en demandant le recours à un expert pour constater la matérialité d’un désordre et connaître la solution de réparation, il saisit dans un second temps le juge du fond pour se défendre sur un plan juridique. Les imputabilités proposées par l’expert vont se transformer en responsabilités à l’appréciation du juge. Précision : la procédure en matière civile reste « la loi des parties » ; si au bout d’un an de procédure les parties se mettent d’accord pour résoudre le litige, il est toujours possible de renoncer à poursuivre l’affaire devant le juge (Toutefois, le cas est moins fréquent, et les procédures engagées sur le fond vont généralement jusqu’à leur terme). 
  • Une autre procédure s’engage : à la lecture du rapport, l’une des parties demande l’ouverture d’une nouvelle procédure, parce qu’elle estime que le recours à l’expertise est abusif, par exemple, ou parce qu’un nouvel élément d’information apporté par l’expertise le justifie.

Certains maîtres d’ouvrage utilisent d’autres procédures d’urgence. Il s’agit :  

  • Du « référé provision » lorsqu’ils estiment que leur dossier est suffisamment solide pour se passer du recours à un expert judiciaire ou lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Ils veulent gagner du temps et tentent leur chance en s’adressant au juge des référés pour obtenir rapidement le paiement d’une facture, par exemple.
  • Du « référé préventif » lorsqu’ils veulent réaliser une construction dans un environnement urbain dense qui peut créer des désordres aux avoisinants. Ils demandent au juge la désignation d’un expert judiciaire pour réaliser une « photographie » précise de ce qui existe avant travaux de manière à ce qu’il soit possible ultérieurement de faire la part entre les éventuels désordres qui préexistaient et ceux qui sont apparus avec les travaux. Précision : la MAF n’ouvre pas de dossier pour un référé préventif car il n’y a pas de mise en cause de la responsabilité de l’adhérent. En revanche, elle suggère à ses adhérents de conseiller cette procédure à leurs clients qui lancent des opérations dans un environnement contraint (avec un risque de dommage sur les avoisinants). Voire, si l’intervention est modeste, de recourir au constat d’huissier (en cas de rénovation d’un appartement dans une copropriété). Ce constat se fait généralement sous la dictée de l’architecte.
Les points de vigilance pour faire face à un sinistre
  1. Déclarez le sinistre le plus rapidement possible à la MAF (dans les 5 jours à l’amiable et dans les 48 h en judiciaire) pour que la MAF missionne ses intervenants experts et/ou avocats (plus l’assureur intervient tôt, plus le quantum et l’impact du sinistre peuvent être limités).
  2. Déclarez le sinistre en indiquant les circonstances et les causes (pour la transparence du risque financier).
  3. Soyez actif dans la défense de vos intérêts : en participant aux réunions d’expertise ; et en transmettant tous les éléments d’information et documents contractuels nécessaires à l’affaire.
  4. Ne reconnaissez pas de responsabilité, ni lors de l’expertise amiable ou judiciaire, ni lors d’une transaction.
  5. Ne communiquez pas avec d’autres personnes que les intervenants désignés par la MAF.
Comment est organisé le service des sinistres de la MAF

Les équipes de la MAF dédiées à la gestion des sinistres comptent une centaine de personnes réparties en plusieurs espaces :

  • Dommages-ouvrage (DO) ;
  • Architectes (50 rédacteurs répartis par région) ;
  • Autres concepteurs (bureaux d’études, bureaux de contrôle, paysagistes, économistes de la construction…)

La MAF travaille en collaboration avec :

  • 115 avocats présents sur tout le territoire ; 
  • 113 experts pour la plupart généralistes (des architectes indépendants qui ne sont pas rattachés à des gros cabinets d’expertise) ou des spécialistes (ingénieurs, économistes de la construction, financiers, etc.). Leur mission consiste à :
    • Proposer des solutions de réparation et des montants de travaux (ces experts travaillent avec des entreprises qui connaissent ce type d’intervention) ;
    • Proposer des entreprises pour réaliser les travaux de réparation (ce que ne font jamais les experts judiciaires qui ne donnent qu’un avis sur une solution de réparation) ; 
    • Déterminer un préjudice d’exploitation immatériel (en cas, par exemple, d’immobilisation d’un hôtel, d’un restaurant, etc.). 

Les adhérents doivent considérer les avocats et experts désignés par la MAF pour défendre leurs intérêts comme les leurs, et non comme uniquement ceux de la MAF.

Questions d’architectes et réponses de la MAF 

1. Expertise amiable

Dans le cadre d’une expertise amiable dommages-ouvrage (DO), l’architecte doit-il fournir tous les documents réclamés par l’expert ? 
L’expert DO est un expert unique que l’architecte doit considérer comme l’expert désigné par la MAF. L’architecte doit donc lui fournir les documents demandés.

Une expertise amiable hors dommages-ouvrage (hors DO) peut-elle ne pas aboutir ? 
Oui, si les protagonistes ne parviennent pas à se mettre d’accord. Un maître d’ouvrage trop gourmand sur l’indemnisation du préjudice peut, par exemple, porter le litige devant le juge dans l’espoir d’obtenir satisfaction. Rappelons que hors DO, il y a autant d’experts que de parties ce qui rend plus complexe et plus long l’obtention d’un accord. 

Quelles actions peuvent être entreprises à la suite d’un dégât des eaux survenu au-delà de la période de garantie de parfait achèvement (GPA) ?
Plusieurs actions sont possibles :

  • Le maître d’ouvrage fait une déclaration à l’assureur DO. Cet assureur réunit les acteurs concernés et préfinance éventuellement la réparation du sinistre ;
  • En l’absence d’assurance DO, le maître d’ouvrage – ou le propriétaire qui lui a succédé – déclare le dégât des eaux à son assureur multirisque habitation pour obtenir la réparation des conséquences du désordre (parquet, peinture, etc.) ;
  • En l’absence d’assurance DO et si l’assureur multirisque ne réagit pas (car il ne prend pas en charge les causes du désordre), le maître d’ouvrage fait une déclaration à l’assureur de responsabilité décennale de l’entreprise qui a réalisé les travaux (de couverture, de plomberie, etc.).
2. Expertise judiciaire

Suite au rapport d’un expert judiciaire, que faire si les parties ont trouvé un accord de principe amiable qui finalement n’est pas suivi d’effet ? 
Un rapport d’expertise judiciaire n’a aucune valeur contraignante. Le rapport est une « photo technique » qui peut servir à un tribunal s’il est saisi ultérieurement pour prononcer une condamnation ; la partie qui a intérêt à l’utiliser assigne l’autre en ouverture de rapport. 

Les parties peuvent également utiliser le rapport d’expertise pour transiger sur la base d’un protocole. Mais, si en dépit d’un accord de principe – sans signature d’un protocole – aucune solution technique n’est mise en oeuvre (faute de financement des travaux par exemple), le maître d’ouvrage n’a pas d’autre alternative que de saisir le juge pour transformer la photo technique en indemnisation contraignante. 

Lors d’une expertise judiciaire, les photos et les e-mails sont-ils des preuves ?
Oui, la preuve peut être apportée par tous les moyens. Certaines, telles que les constats d’huissier, sont irréfragables (on ne peut les refuser). La condition est que ces preuves n’aient pas été interceptées de façon illégitime. En ce qui concerne les e-mails, ils doivent avoir été rédigés en français. 
Par ailleurs, en expertise judiciaire toutes les preuves en possession de l’architecte doivent être communiquées à son avocat – désigné par la MAF – pour le respect du contradictoire. 

Quel recours l’architecte peut-il avoir contre l’expert judiciaire qui laisse l’avocat du maître d’ouvrage s’immiscer de manière excessive dans l’expertise ? 
Les réunions d’expertise sont parfois houleuses. Le juge du contrôle des expertises régit ce type de difficultés. C’est parfois l’expert qui le saisit pour dire qu’il a des difficultés à réaliser sa mission lorsqu’il ne parvient pas à récupérer certains documents par exemple ; mais c’est parfois l’une des parties qui peut saisir ce juge pour signaler que l’expert a outrepassé sa mission (pourtant précisément définie par une ordonnance). Le juge du contrôle des expertises peut d’ailleurs se rendre à une réunion d’expertise pour jouer son rôle. Rappelons qu’il est toujours possible de demander l’extension de la mission de l’expert. 

Comment réagir si l’expert judiciaire ne fait pas intervenir un sapiteur alors que c’est nécessaire ? 
L’expert judiciaire doit normalement remplir sa mission. S’il a accepté la mission c’est qu’il est capable de la remplir en totalité. 

Quelles mesures permettent de contrer les procédures abusives des maîtres d’ouvrage qui sont coûteuses pour les architectes ?
Les procédures judiciaires engagées en limite de décennale par des propriétaires opportunistes pour de très nombreux griefs injustifiés sont fréquentes. Dans ces cas, les architectes sont pris dans des formalités ubuesques. Heureusement, la procédure se limite généralement à l’expertise judiciaire et se dégonfle assez rapidement. En revanche, pour l’architecte, l’indemnisation du temps perdu lors de ces procédures abusives est difficile à obtenir.

La durée excessive de l’expertise judiciaire aggrave les sinistres et l’ampleur des frais de réparation : comment éviter cela ?
En effet, la durée moyenne des contentieux judiciaires depuis l’assignation jusqu’au jugement est en moyenne de 7 ans pour les dossiers enregistrés à la MAF. Ainsi, pour des désordres faciles à réparer, on se retrouve avec des préjudices de jouissance (immatériels) gonflés parfois par la durée excessive de l’expertise. 
La meilleure parade pour l’architecte est d’obtenir, avant le démarrage des travaux, que le maître d’ouvrage souscrive à une assurance dommages-ouvrage. Cette assurance préfinance les travaux de réparation dans un délai court. Aussi, la MAF recommande aux architectes d’insérer dans leurs contrats une clause précisant que le maître d’ouvrage a la connaissance que cette assurance DO est obligatoire. En l’absence, la solution est de trouver un accord dans le cadre d’une procédure hors DO, faute de quoi l’issue sera judiciaire. 

Le nouveau propriétaire d’une maison peut-il adresser une assignation à l’architecte avec qui il n’a pas de lien contractuel ?
Cela dépend du régime de responsabilité : s’il s’agit de responsabilité décennale, la garantie transite avec le bien. Lorsque le bien est vendu, le nouveau propriétaire peut engager la responsabilité décennale de l’architecte jusqu’au terme de la garantie. 
En l’absence de responsabilité décennale et de lien contractuel, le nouveau propriétaire peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l’architecte pour faute prouvée (hors contrat). 

3. Expertises judiciaires et amiables

Est-il légal d’outrepasser l’expertise amiable et d’aller directement à l’expertise judiciaire ?
Oui, c’est légal. Le maître d’ouvrage est le maître de la procédure, et l’expertise judiciaire est une mesure conservatoire qui n’impose pas de tenter préalablement une médiation ou une conciliation. En revanche, il n’est pas possible aujourd’hui de saisir un tribunal au fond sans montrer qu’il y a eu une tentative de conciliation (pour désengorger les tribunaux). Le courrier du maître d’ouvrage de « mise en demeure du constructeur d’agir dans un délai fixé faute de quoi il considèrera que toute conciliation est impossible et il saisira les tribunaux compétents », n’est donc pas suffisant. 

Rappelons qu’une clause de conciliation est prévue dans les contrats types de l’ordre des architectes. La saisine de l’ordre avant une procédure contentieuse est un préalable obligatoire qui peut invalider une procédure si elle n’est pas réalisée. Elle est d’ailleurs un moyen d’irrecevabilité parfois utilisé par les avocats. Mais, rappelons-le également, cette saisine n’est pas obligatoire pour engager une procédure d’expertise judiciaire. 

Retenons qu’en matière de responsabilité contractuelle, le juge exige qu’une tentative préalable de conciliation soit démontrée.

L’expert doit-il demander à l’architecte ses disponibilités avant de fixer le rendez-vous d’expertise ?
Oui, les experts judiciaires fixent rarement unilatéralement leurs rendez-vous pour s’assurer du respect du contradictoire. Mais, lorsque l’expertise concerne plusieurs dizaines de personnes sa tâche est particulièrement laborieuse. 

Concernant l’expertise amiable, la MAF demande à ses experts de trouver des dates qui conviennent à tous les participants

L’architecte doit-il impérativement assister à un rendez-vous d’expertise pour un sinistre apparu après réception ? 
Dans le cadre d’une réunion d’expertise – judiciaire ou amiable – la présence de l’architecte normalement convoqué est indispensable à côté de l’avocat désigné par la MAF (en particulier au premier rendez-vous). Rappelons que l’architecte est la mémoire de l’opération et du chantier en particulier. Il doit communiquer toutes les informations dont il dispose pour informer utilement son avocat sur le sinistre.

Une entreprise qui est mise en cause pour malfaçon se voit confier les travaux de réparation : est-ce acceptable pour l’architecte ?
Une malfaçon localisée ne doit pas nécessairement entraîner le bannissement de l’entreprise. Si le maître d’ouvrage est d’accord et que l’entreprise n’est pas défaillante, les travaux de réparation peuvent être confiés à cette dernière même si elle n’a pas su les réaliser du premier coup. De plus, dans ce cas, la MAF peut proposer une indemnité hors taxe. 

4. Constats

Quelles actions peuvent être entreprises à la suite d’un sinistre survenu chez un voisin à l’occasion de la rénovation d’un appartement dans une copropriété ?
Préalablement aux travaux, l’architecte conseille le maître d’ouvrage de faire réaliser un constat des avoisinants avec un huissier de justice (il s’agit notamment d’éviter que les voisins ne profitent de la situation pour obtenir la prise en charge de travaux de réparation de désordres préexistants). Le référé préventif est une procédure généralement trop coûteuse dans le cadre de la rénovation d’un appartement en copropriété. 

En cas de sinistre, il faut obtenir que l’entreprise responsable des travaux fasse une déclaration à son assureur (les entreprises doivent être assurée pour les dommages causés aux tiers). Exemple : le couvreur qui fait tomber son marteau sur une voiture garée au pied de l’échafaudage.

L’architecte doit-il impérativement assister aux réunions d’expertise dans le cadre d’un référé préventif ?
Oui, l’architecte assiste à ces réunions aux côtés du maître d’ouvrage pour attirer l’attention de l’expert judiciaire sur tous les désordres qui existent avant les travaux. 

Quelle est la différence entre le constat des désordres établi par un huissier et celui établi par l’expert judiciaire dans le cadre du référé préventif ?
Le constat d’huissier convient à un projet de travaux d’appartement, par exemple, pour éviter une procédure coûteuse de référé préventif ; tandis que l’expertise judiciaire dans le cadre du référé préventif convient à un projet nécessitant le recours aux connaissances techniques et au regard éclairé de l’expert judiciaire sur la pathologie du bâtiment. 

L’huissier constate ce qu’on lui dit de constater (il est guidé par l’architecte), et son action n’a pas de caractère « coercitif ». S’il ne peut pas pénétrer chez un particulier, il ne pourra que constater qu’il n’a pas pu pénétrer. Quant à l’expert judiciaire, il convoque les parties et son rapport peut tourner au désavantage de la partie absente. 

5. Responsabilité de l’architecte

Pour un sinistre lié à l’exécution des travaux, comment éviter toute mise en cause de l’architecte dont la mission est limitée au dépôt du permis de construire ?
L’architecte dont la mission se limite au permis de construire ne doit pas produire d’écrit sur le projet pendant la phase chantier. Et cela, quel que soit le média. En cas contraire, le maître d’ouvrage pourra chercher à démontrer la responsabilité contractuelle de l’architecte au motif qu’il est intervenu dans l’opération en phase chantier. Si l’architecte veut intervenir (pour un visa de conformité architecturale par exemple), il propose à son client un avenant qui lui permettra notamment d’être couvert par son assureur.

La faute professionnelle de l’architecte est-elle couverte par son assurance ? 
Le contrat de base de la MAF couvre l’architecte pour l’ensemble de ses responsabilités. La MAF assure un risque mais pas un défaut d’aléa (c’est-à-dire un évènement certain, ou une faute intentionnelle telle que la direction de la construction d’un immeuble de 4 étages alors que le permis de construire n’accorde que 3 étages, ou une faute dolosive dans laquelle bien que ne cherchant pas la réalisation du dommage, l’architecte rend la survenance de ce dernier inéluctable). 

Un architecte peut-il accepter une mission de maîtrise d’œuvre portant sur la poursuite d’un chantier qui a fait l’objet d’un sinistre ?
Oui, la MAF considère qu’il s’agit d’une affaire pour laquelle l’architecte déclare normalement une mission, une part d’intérêt, un montant de travaux, etc. au titre de son activité professionnelle.

L’immixtion du maître d’ouvrage en cours de chantier peut-elle exonérer l’architecte de sa responsabilité ?
Oui, les lettres, e-mails, texto et autres correspondances écrites entre le maître d’ouvrage et l’entreprise qui ne passent pas par l’architecte montrent que le maître d’ouvrage a rompu la chaîne de transmission des directives sur le chantier. Tout comme le paiement des travaux sans visa de l’architecte, ou l’approvisionnement de matériaux directement par le maître d’ouvrage. Ces faits démontrent que l’architecte n’est plus en mesure de remplir sa mission et montrent que sa responsabilité ne peut être retenue.   

Quel est le partage de responsabilité entre architecte concepteur et maître d’œuvre d’exécution ?
Ce partage n’est pas toujours facile à faire : il dépend du jeu d’acteurs. Lorsque l’architecte concepteur et le maître d’œuvre d’exécution sont co-contractants (en groupement conjoint et solidaire), la convention de groupement est souvent absente ou peu précise sur la répartition des tâches de l’un et de l’autre. Lorsque maître d’œuvre d’exécution est sous-traitant de l’architecte, il est fréquent que le contrat soit également peu explicite sur les tâches à accomplir et leur répartition. 

D’une manière générale, en l’absence de répartition des tâches, c’est la répartition des honoraires qui sert au juge pour attribuer d’éventuelles responsabilités. Et cela, quelle que soit l’origine du sinistre. 

Retenons que plus les rôles et éléments de mission sont définis entre les acteurs de la maîtrise d’oeuvre, plus l’affaire est claire et l’issue du litige simple à déterminer.

6. Indemnisation de l’architecte

Comment l’architecte peut-il se protéger des mises en cause farfelues ?
Les procédures judiciaires pour des réclamations injustifiées à l’encontre de l’architecte sont nombreuses. Ces mises en causes sont motivées par l’importance du rôle de l’architecte sur le chantier. Bien sûr, cela ne signifie pas que sa responsabilité sera retenue. Mais, dans ces procédures coûteuses pour lui, il est rare qu’il puisse obtenir des dommages et intérêts du maître d’ouvrage qui l’a mis en cause abusivement.

Le rapport de l’expert déjoue généralement ces tentatives de responsabilisation injustifiée. Toutefois, lorsque l’abus de droit est manifeste, des dommages et intérêts peuvent être prononcés par le juge ; mais c’est assez rare.  

Pour éviter d’exposer inutilement sa responsabilité, l’architecte doit notamment maîtriser sa communication et la limiter à l’exercice de sa mission. En particulier avec des comptes rendus de chantier qui exigent parfois de la précision ou avec des courriers ciblés sur des points importants. Mais, attention de ne pas donner d’informations inutiles, en particulier sur des supports de communication difficiles à contrôler tels que les réseaux sociaux. 

Que se passe-t-il si un bureau d’études, ou une entreprise générale, mis en cause dans un sinistre n’existe plus ?
Si le bureau d’études ou l’entreprise générale n’existe plus, ce n’est probablement pas le cas de son assureur. Il est donc important que l’architecte conserve leurs attestations d’assurance. Dans de nombreuses expertises judiciaires, l’architecte se retrouve seul – en tant que « mémoire du chantier » – devant l’expert judiciaire et l’assureur de l’entreprise disparue. Dans ce cas, l’architecte alimente l’expert en documents. 

7. Déclaration de sinistre

Quelles sont les dispositions d’urgence à prendre face à un sinistre ?
En cas de risque d’effondrement ou d’affaissement important :

  • Déclarer immédiatement le risque à la MAF pour que des mesures conservatoires soient mises en place (étais, soutènement provisoire, etc.) et éviter un sur-sinistre avec des dommages corporels et/ou le dérapage financier de la réparation ;
  • Informer la MAF sur la gravité du sinistre et les conséquences potentielles.

L’architecte peut-il déclarer un sinistre sur le chantier lorsque ni le maître d’ouvrage ni l’entreprise ne veulent prendre l’initiative de la déclaration ?
Oui, bien que ce soit plutôt au maître d’ouvrage de prendre l’initiative de déclarer un sinistre à son assureur dommages-ouvrage (ou à son assureur multirisque en l’absence de DO). Le maître d’ouvrage peut également demander à l’entreprise de déclarer le sinistre à son propre assureur. Si personne ne réagit, l’architecte déclare le sinistre à la MAF (rien n’empêche que plusieurs déclarations soient faites à différents assureurs). 

Lorsque l’architecte reçoit un courrier recommandé avec AR qui signale un désordre dans l’année de garantie de parfait achèvement (GPA), doit-il résoudre le problème avec l’entreprise ou faire une déclaration de sinistre auprès de la MAF ?
Seule l’entreprise est tenue à la GPA. La réparation du désordre qui survient dans l’année de GPA incombe à l’entreprise. Le maître d’ouvrage peut demander à l’architecte de l’assister dans la résolution de ce problème. Mais, l’architecte n’a pas à faire de déclaration de sinistre lorsqu’un désordre apparaît dans l’année qui suit la réception de travaux. 

8. Défaillance d’entreprise

Après avoir constaté la défaillance d’une entreprise sur sa capacité à accomplir sa mission dans des conditions sérieuses, l’architecte peut-il rompre le contrat de travaux et choisir une autre entreprise ?
L’entreprise est défaillante lorsqu’elle ne répond plus aux sollicitations de l’architecte, et lorsqu’elle n’est plus présente sur le chantier. L’architecte qui constate cette défaillance en cours de chantier met en demeure l’entreprise de remplir ses obligations contractuelles et de reprendre le travail sur le chantier. En l’absence de réponse, c’est le maître d’ouvrage qui, seul, peut résilier le marché de travaux sur la base d’un relevé précis des travaux réalisés. 

Rappelons que les conséquences d’une résiliation de marché de travaux sont importantes pour le maître d’ouvrage (retard du chantier et augmentation des coûts des travaux) ; l’architecte doit donc le conseiller en suivant les recommandations de la MAF5

En cas de désordre en cours de chantier dû à une malfaçon, comment l’architecte doit-il réagir ?
En cours de chantier, l’entreprise est gardienne de son ouvrage. L’architecte doit constater le sinistre et la malfaçon qu’il consigne dans le compte-rendu de chantier. De plus, il demande à l’entreprise d’y remédier en reprenant son ouvrage.  

Si l’entreprise n’agit pas – ou pas suffisamment – et que le désordre perdure, l’architecte conseille, en dernier recours, au maître d’ouvrage de résilier le marché de travaux de l’entreprise défaillante5 pour éviter d’arriver à la réception avec des réserves impossibles à lever. 

9. Assurance d’entreprise

Quels sont les points à vérifier par l’architecte sur l’attestation d’assurance de l’entreprise ?
Dans les attestations d’assurances, l’architecte vérifie que :

  • Le document provient d’un assureur ou d’un agent général (une attestation provenant d’un courtier n’a pas de valeur) ;
  • Les activités de l’entreprise sont couvertes par l’assurance ;
  • La qualification de l’entreprise correspond aux travaux à réaliser ;
  • L’entreprise est assurée pour certains travaux innovants si le projet le nécessite (techniques non courantes) ;
  • La durée de validité de l’assurance couvre la date de déclaration règlementaire d’ouverture de chantier (DROC) ;
  • La mention de la couverture décennale est précisée ou, à défaut, que le document se réfère aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil (et donc aux garanties qui s’y rattachent) ;
  • Les garanties effondrement et dommages immatériels consécutifs sont comprises si nécessaire.

L’architecte doit-il conseiller le maître d’ouvrage de ne pas choisir une entreprise assurée hors de France ?
Oui, actuellement l’entreprise assurée auprès d’une compagnie étrangère est dans une situation risquée. Les assureurs étrangers en Libre prestation de service (LPS) ne maîtrisent généralement pas le risque long spécifique à la construction en France (garantie décennale en particulier). Depuis plusieurs années, ils ont émis des contrats à bas coûts et sont, de ce fait, fragiles. Nombre d’entre eux ont cessé leurs activités ces dernières années laissant leurs adhérents sans protection. 

Ces assureurs étrangers sont repérables par leur nom à consonance britannique avec un siège au Luxembourg, aux Seychelles, à Gibraltar, aux Caraïbes… ou dans d’autres pays dits « exotiques ». L’architecte doit conseiller au maître d’ouvrage d’éviter de choisir des entreprises ayant souscrit des contrats auprès de ces assureurs et de ne retenir que des entreprises assurées chez les compagnies ou mutuelles historiques françaises. 

De plus, ces défaillances d’assureurs peuvent, en cas de sinistre, se reporter sur les architectes et leurs assureurs solvables dans les opérations concernées.

10. Études d’exécution

Que faire si le client refuse de faire réaliser une étude de structure ?
L’architecte doit conseiller le maître d’ouvrage sur la réalisation des études techniques (études de structures, études de sol, diagnostics des existants, études thermiques, etc.) suivant la spécificité du programme et du site. Il doit lui expliquer les conséquences d’un éventuel refus. Et résilier son marché s’il estime que les risques que lui fait courir son client en refusant de faire réaliser de telles études sont trop importants. 

Rappelons que l’architecte peut toujours prendre un bureau d’études en sous-traitance s’il n’a pas les connaissances techniques pour réaliser une étude spécifique… en répercutant les honoraires versés pour cette mission dans un avenant à son contrat d’architecte. 
Attention, dans le flou du contrat, l’architecte est réputé avoir une mission complète et toutes les connaissances nécessaires à l’accomplissement de cette mission. 

Quelle est la responsabilité de l’architecte si ses plans d’avant-projet définitif sont directement utilisés pour l’exécution des travaux ?
Si l’architecte n’a qu’une mission de dépôt de permis de construire et que l’entreprise utilise ces plans à son insu pour réaliser les travaux, cette dernière engage sa responsabilité. 
Il est souhaitable que l’architecte indique sur les plans du dossier de permis de construire : « Ces plans ne peuvent être utilisés pour la réalisation des travaux ».

 

1. Connectez-vous à votre compte en suivant ce lien.

2. Il s’agit d’un accord passé entre les assureurs construction, destiné à améliorer le fonctionnement du système à double détente (assurance dommages-ouvrage et de responsabilité décennale). Cette convention entraîne une réduction des frais de gestion et d’expertise, et met en place des règles pour faciliter les recours de l’assureur dommages-ouvrages contre les assureurs de responsabilité.

3. Loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction.

4. Article 145 du code de procédure civile

5. Voir les étapes de la procédure recommandée par la MAF dans le paragraphe « Résilier le marché de l’entreprise en suivant le bon processus », publié sur maf.fr dans l’article intitulé « La gestion des difficultés rencontrées avec les entreprises ».