Les variations d’eau dans les argiles génèrent des mouvements de sol néfastes pour les bâtiments construits sur fondations superficielles. L’étude de sol, le respect de règles de construction et de plantation à proximité des bâtiments sont obligatoires dans les zones affectées par ces phénomènes.
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Le changement climatique impacte les bâtiments jusque dans leurs fondations : « Depuis la vague de sécheresse des années 1989-1991, le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) a été intégré au régime des catastrophes naturelles mis en place par la loi du 13 juillet 1982. En l’espace de 20 ans, ce risque est devenu en France la deuxième cause d’indemnisation derrière les inondations », indique Géorisques, le site internet du BRGM1 (Bureau de recherche géologique et minière).

Ainsi, des périodes de sècheresses de plus en plus dures et répétitives modifient les conditions hydrogéologiques. La teneur en eau influe sur les caractéristiques des sols fins et se traduit par des variations de volume des matériaux. Les argiles, imperméables et non drainantes, sont particulièrement sensibles à ce phénomène2 : l’assèchement du sol conduit au retrait des argiles alors que son humidification les fait gonfler. L’eau les plastifie générant un défaut de portance du sol. Dessiccations et retours d’eau successifs engendrent des mouvements différentiels préjudiciables à la solidité des constructions. Ce phénomène est à l’origine d’une pathologie impactant fortement les fondations superficielles3 ancrées à faible profondeur dans le sol. Ainsi, les maisons individuelles peu rigides sont assez vulnérables. A cela s’ajoute que nombre d’entre elles sont encore réalisées sans études géotechniques et insuffisamment fondées.

 

Jusqu’à 5 m de profondeur en présence d’arbres

Les effets de la sècheresse géotechnique se situe généralement entre 0,50 et 1,50 m de profondeur. Ils peuvent toutefois atteindre jusqu’à 5 m en présence d’arbres de haute tige, ces derniers agissant comme de véritables pompes à eau aggravant le tassement du sol et son caractère différentiel. « L’amplitude du tassement est d’autant plus importante que la couche de sol argileux concernée est épaisse et qu’elle est riche en minéraux gonflants. » précise Géorisques.

En réaction, les documents d’urbanisme doivent désormais intégrer ces risques : des mesures de conception des bâtiments sont prescrites dans les Plans de prévention des risques naturels/retrait-gonflement des argiles (PPRn-RGA) en vigueur dans les communes les plus sinistrées. Ces mesures concernent en priorité la réalisation d’une étude de sol préalable à tout projet de construction suivant la norme NF P 94-500 : les profondeurs des fondations au moins égales à celle imposées par la mise hors gel devant atteindre au minimum 80 cm en zone d’aléa faible à moyen et 120 cm en zone d’aléa fort. On notera notamment qu’une construction sur vide-sanitaire ou avec sous-sol généralisé est préférable à un simple dallage sur terre-plein (un radier généralisé constituant également une bonne alternative à un approfondissement des fondations). Les corps de bâtiment indépendants pouvant être soumis à des tassements différentiels doivent être désolidarisés par un joint de rupture (notamment pour la réalisation d’extension). Un soin particulier est à apporter à l’exécution des chaînages horizontaux et verticaux, à l’exécution d’une bèche périphérique en cas de radier, à la couche de forme en cas de dallage et, d’une façon générale, au respect des DTU dans les épaisseurs et formulations des bétons. L’accent est également mis sur la présence d’une éventuelle chaudière en sous-sol susceptible d’aggraver la dessiccation du sol : elle ne sera pas placée le long des murs périphériques en cas d’absence d’isolation thermique.

 

Un dispositif contre l’évaporation…

Des prescriptions concernent l’environnement immédiat des constructions : la plantation d’arbres et d’arbustes est interdite à une distance inférieure à leur hauteur à maturité (1,5 fois en cas de rideau d'arbres ou d'arbustes) en l’absence d'écran anti-racines d'une profondeur minimale de 2 m interposés entre la plantation et les constructions. Leur taille régulière est requise pour diminuer l’effet de succion. L’exécution des réseaux d’assainissement, de drainage et d’eaux pluviales doit permettre des évacuations sans risque d’infiltration dans les sols aux abords des bâtiments. Un dispositif contre l’évaporation sur toute la périphérie de la construction est également requis (écran imperméable sous terre ou dallage périmétrique de 150 cm de large). Les gouttières, caniveaux, drains, citernes de stockage d’eau, trop pleins, gargouilles, regards étanches… doivent être correctement exécutés et entretenus pour éviter tout risque d’infiltrations dans le sol. Attention aux nouvelles plantations d’arbres ou de haies, à la création de puits pour usage domestique (à au moins 10 m du bâtiment) et d’une façon générale à toute modification du terrain aux abords des fondations : l’étude géotechnique est incontournable.

 

Maison individuelle : l’étude de sol obligatoire

A partir du 1er janvier 2020, le vendeur d’un terrain destiné à la construction d’une maison individuelle et situé dans une zone exposée au phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) aura l’obligation de fournir une étude de sol(article 68 de la loi ELAN4 ; décret d’application5 ; et arrêté ministériel définissant les zones, à paraître). L’acquéreur du terrain qui veut faire construire la maison doit transmettre cette étude aux constructeurs avant la conclusion de tout contrat de maîtrise d’œuvre ou de travaux.

Attention : les contrats de construction et de maîtrise d’œuvre doivent préciser que les constructeurs ont reçu un exemplaire de l’étude géotechnique fournie par le maître d’ouvrage et que les études et travaux qu’ils s’engagent à réaliser prennent en compte le RGA. Les constructeurs de l’ouvrage doivent suivre les recommandations de l’étude géotechnique prenant en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment, ou respecter les techniques particulières de construction définies dans le Plan de prévention des risques naturels (PPRn-RGA). En l’absence de risque RGA dans l’étude de sol, les constructeurs ne sont pas tenus par cette obligation.

 

Pour en savoir plus :

  • « Maisons individuelles, des fondations souvent trop superficielles », Qualité construction n°136 janvier-février 2013, p.36
  • « La pathologie des fondations superficielles », guide pathologie des bâtiments, CSTB éditions
  • « Aléa retrait-gonflement des argiles », Géorisques - Mieux connaître les risques sur le territoire, http://www.georisques.gouv.fr/nature-du-phenomene

 

1. Géorisques met à disposition du public les données pour « connaître les risques près de chez soi » : http://www.georisques.gouv.fr

2. Depuis 1989, ce sont près de 8 500 communes françaises, réparties dans 90 départements de France métropolitaine, qui ont été reconnues au moins une fois en état de catastrophe naturelle vis-à-vis du retrait-gonflement, ce qui traduit parfaitement l’ampleur du phénomène.

3. Toutes les variétés d’argiles ne réagissent pas uniformément à la présence d’eau dans le sol : les Kaolinites ne gonflent pas ; les Illites sont peu gonflantes tandis que les Smectites gonflent.

4. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/11/23/TERL1805474L/jo/article_68

5. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038496834&categorieLien=id