Les dépenses communes de chantier sont la cause de difficultés récurrentes dans la gestion financière des travaux. Pour éviter
qu’elles soient à l’origine de conflits entre les entreprises, ces dépenses doivent être régies par des règles claires et contractualisées.
Une répartition des dépenses communes est établie entre celles imputables à un corps de métier déterminé et celles imputables à tous. Les « dépenses d’équipement », telles que les clôtures et panneaux de chantier, les branchements provisoires d’électricité, d’égout et d’eau par exemple, du fait de leur caractère prévisible sont imputables à un lot déterminé. Les « dépenses de fonctionnement », telles que les consommations d’eau ou d’énergie, de gardiennage ou de nettoyage de la base-vie, sont quant à elles moins prévisibles et peuvent être portées au débit d’un compte commun aux entreprises, le compte
prorata1.
Ce compte résulte nécessairement d’un engagement contractuel entre les différentes entreprises. S’il mutualise les coûts liés à des fournitures et des services partagés sur le chantier qui ne peuvent être imputés à un lot particulier, il ne doit pas être utilisé pour les ouvrages destinés à être réceptionnés par le client et qui auraient été omis dans les documents du marché (voir ci-dessous "Les dépenses de fonctionnement au débit du compte prorata").
UNE NORME CLAIRE ET PRÉCISE
La gestion du compte prorata se fait suivant les règles prévues aux marchés de travaux. Les marchés, publics ou privés, peuvent imposer une « convention de compte prorata » signée par chaque entreprise intervenant sur le chantier.
En l’absence de convention, les marchés privés se réfèrent parfois à la norme NF P 03-001 qui fixe assez précisément des règles de fonctionnement du compte prorata dans son article 14. En marchés publics, le code de la commande publique et le CCAG Travaux ne contiennent pas de disposition relative au fonctionnement du compte prorata. Il peut toutefois arriver que les marchés publics fassent référence, dans les pièces contractuelles, à la norme NF P 03-001.
En l’absence de convention de compte prorata, et si le marché public ou privé ne fait aucune référence à la norme, les entreprises se réfèrent aux documents contractuels de chaque opération (le CCAG ou son équivalent). Les modalités de gestion du compte prorata désignent notamment la personne chargée de la tenue du compte prorata et ses attributions. En lots séparés, c’est généralement l’entrepreneur de gros oeuvre qui est chargé de la gestion du compte. En groupement d’entreprises, c’est le mandataire commun.
Le principe de la gestion du compte est simple : les dépenses d’intérêt commun gérées dans le compte prorata sont réparties entre les entreprises intervenantes de manière proportionnelle au montant de leur marché. Le compte est alimenté par les versements des titulaires des différents lots du marché effectués lors des appels de fonds, correspondant à un pourcentage du montant TTC de chacune de leur situation ou à tout autre mécanisme prévu aux marchés. Les dépenses sont justifiées par leurs factures ou attachements ; un coefficient de frais généraux est fixé et appliqué aux déboursés ; et un comité contrôle le compte si la dimension du chantier le justifie.
UN MAÎTRE D’OEUVRE À L’ÉCART DE LA GESTION DU COMPTE PRORATA
Par principe, et sauf disposition contraire dans son marché, la gestion du compte prorata ne relève pas de la mission du maître d’oeuvre et reste entre les mains des entreprises. Toutefois, c’est au maître d’oeuvre qui établit les documents de consultation des entreprises et qui accompagne le maître d’ouvrage dans la passation des marchés de travaux (mission ACT) de proposer à ce dernier le recours au compte prorata. C’est également au maître d’oeuvre de prendre en compte les sommes dont les entreprises sont redevables au titre du compte prorata lors de l’établissement des décomptes généraux et définitifs.
La norme NF P 03-001 prévoit en effet, sous certaines conditions, que le maître d’ouvrage peut déduire ces sommes des décomptes généraux et définitifs. Elles sont alors versées directement sur ce compte. Dans ce cas, le maître d’oeuvre se procure l’attestation du gestionnaire du compte avant de proposer le paiement du solde des entreprises. En fin de chantier, le maître d’oeuvre attend le quitus pour établir le décompte général.
Les dépenses de fonctionnement au débit du compte prorata
(d’après l’annexe A de la norme AFNOR NF P 03-001)
- Les dépenses de consommation (sauf dispositions contraires du marché, les communications téléphoniques sont mises à la charge respective des entreprises utilisatrices) :
- les consommations d’eau ;
- les dépenses d’énergie nécessaires aux installations de chantier ;
- les communications téléphoniques non facturées.
Cas particuliers : - Les dépenses des fluides et énergies nécessaires aux essais et épreuves sont facturées par la personne chargée de la gestion du compte prorata à l’entrepreneur du lot qui fait l’objet des essais et des épreuves.
- Lorsque le chauffage ou le préchauffage du chantier est nécessaire pour la bonne marche des travaux, les frais afférents font l’objet d’un accord préalable conclu sur proposition du maître d’oeuvre entre le maître d’ouvrage et les entrepreneurs. Ces frais ne figurent pas au compte prorata.
- Les dépenses d’exploitation (sauf dispositions expresses différentes) :
- le nettoyage du bureau de chantier et des installations communes d’hygiène ;
- les frais de gardiennage, lorsque sa mise en place a été décidée par le comité de contrôle ;
- toute autre dépense qui serait portée au débit du compte prorata, soit par les marchés, soit par la convention prévue par la norme, soit par décision du comité de contrôle.
À NOTER : il n’est pas décompté de prorata au titre du nettoyage de chantier. Chaque entrepreneur, après chaque intervention en un lieu donné, doit laisser l’emplacement propre et libre de tout déchet et procéder au nettoyage de ses ouvrages (sauf si les documents du marché attribuent le nettoyage de fin de chantier à un lot déterminé).
Pour en savoir plus…
- La Boîte à outils chantier de la MAF, dans votre espace adhérent sur www.maf.fr
- La norme AFNOR NF P 03-001 – éditions d’octobre 2017, chapitre 14 et ses annexes A et B sur les répartitions entre dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement, et C sur la gestion du compte.
1. Le compte prorata est à distinguer du « compte interentreprises », lequel désigne communément la gestion et la répartition des dépenses dans le cas de la réalisation de prestations par certaines entreprises pour le compte d’autres entreprises du chantier.
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