C’est la question que posait IDHEAL, le jeune think tank consacré à l’habitat et au logement, lancé par Catherine Sabbah à l’occasion de son tout premier webinaire organisé jeudi 10 Décembre dernier. Le groupe de réflexion proposait de confronter la vision d’un acteur du secteur, en la personne de Jean-Raphaël Nicolini, promoteur immobilier et celle d’un chercheur, Alexandre Neagu.
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Le premier travaille chez Care Promotion. Le second est architecte, doctorant au Centre de Recherche de l’Habitat et enseignant. Durant 1h30, il s’agissait de comprendre le rôle de l’économie dans le rétrécissement des logements et le ressenti d’une qualité déclinante. Entre l’épaississement du bâti, l’impératif de rendement du plan et l’évolution des normes, les deux protagonistes ont avancé leurs arguments. Si l’intégralité de la discussion est disponible en replay, voici regroupées les principales thématiques abordées.

Mono-orientation et pièces aveugles
C’est une tendance qui s’installe depuis une trentaine d’années : les pièces de vie sont réparties le long de la façade et les pièces annexes rendues aveugles. Une disposition qui s’explique pour une raison simple selon Alexandre Neagu : « la mono-orientation des logements est de plus en plus la norme, résultante d’un épaississement du bâti, jouissant dès lors d’un éclairement minimum, correspondant aux standards réglementaires ».

Pour le chercheur, cette organisation a plusieurs causes et conséquences. En tout premier lieu, l’optimisation économique du plan : « on cherche à faire coïncider la structure infra définie par le parking, et l’ensemble ». Résultat, de 12 à 14 mètres d’épaisseur, les réalisations récentes pointent désormais à 16 mètres en moyenne, pour une raison simple : « additionnez la longueur d’une voiture rangée en épi, une bande de circulation et une nouvelle place de stationnement en épi et vous arrivez à une structure de 16 mètres. »

Une évolution qui n’est pas sans incidence sur les logements qui avoisinent alors les 80 m2 pour être traversant. Une superficie inaccessible pour une majorité des ménages, dans un contexte de prix du mètre carré élevé. 

Le choix du budget
Pour Jean-Raphaël Nicolini, « dans un contexte de bataille féroce entre promoteurs et de poids du foncier toujours plus important, certains acteurs font le choix de l’hyper-commercialisation, et de la vente rapide. Cela passe par des budgets communication et publicité importants, inévitablement. Ce qui amène parfois à des aberrations où la part du poids total des dépenses allouées à la commercialisation est plus importante que celles destinées à la conception. »

Un rapport de force entre communication et conception qui tourne parfois à l’avantage de la maîtrise d’œuvre selon le promoteur : « je crois que la majorité des acteurs de la construction a compris une chose : les réalisations ont un rôle capital dans la fabrique du territoire et nécessitent une réflexion importante conduite avec les concepteurs. »

Un rééquilibrage à la faveur des architectes qui reste fragile au regard des chiffres : quand la maîtrise d’œuvre « pèse » environ 6% des dépenses totales du projet, les frais de publicités tournent aux alentours de 4%. Et la commercialisation, plutôt à 8%. 

Le poids du foncier
S’il est un élément qui déséquilibre l’équation financière d’une opération immobilière, c’est incontestablement le poids du foncier. « En reprenant les différents bilans des opérations menées au cours de ma carrière, je me rends compte qu’ il occupe entre 25 et 30% des dépenses de l’opération. » poursuit Jean-Raphaël Nicollini.

Sans grande surprise, sa part explose en région parisienne où elle peut atteindre 50% dans certains cas.

Le poids des normes, le choix des hommes
Enfin, il est un aspect qui joue également un rôle considérable dans la production de logement : les normes. « Aujourd’hui, on peut être frappé par la taille des salles de bain et des toilettes, parfois totalement disproportionnée au regard de la surface du bien, au détriment des pièces de vie comme le salon. Entendons-nous bien, les personnes en situation de handicap sont en droit d’avoir accès à un logement décent et adapté. Pour autant, est-il nécessaire que toute la production soit concernée ? » questionne Jean-Raphaël Nicollini.

Autre point soulevé par le promoteur : les toits terrasses. La 5ème façade représente souvent une surface construite inexploitée car inexploitable : entre obligation d’accès à tous les niveaux par un ascenseur, besoin de rehausser les édicules techniques rendu impossible par les PLU qui contingentent les hauteurs maximales. Ces normes privent les résidents du potentiel que représentent ces surfaces.

Un webinaire à revoir sur Youtube
La question posée en entame du webinaire, on s’en doutera, n’appelle pas une réponse simple, unique. Mais après 1h30 d’échange, les deux protagonistes se rejoignent sur un point : « la réglementation ne standardise pas nos logements et n’est pas tenue par des lobbys. La seule chose qui pose problème est l’interprétation de la réglementation. » 

Et Alexandre Neagu de poursuivre : « imposer une taille minimale pour une salle de bain ne pose pas de problème. Ces lois auraient pu engendrer une augmentation de la taille des logements. Le problème réside davantage dans le fait que cela se fait à surface constante. »

L’intégralité du webinaire est disponible sur Youtube en suivant ce lien. Les prochains rendez-vous et les dernières publications d’IDHEAL sont à retrouver sur son site internet : www.idheal.fr
 

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