Les travaux de techniques courantes sont les seuls pris en compte dans les contrats de base des assureurs d’entreprises et dans de nombreux contrats d’assurance de responsabilité de la maîtrise d’oeuvre ;
L’architecte qui innove doit vérifier que l’ensemble des intervenants à l’opération de construction (BET, entrepreneurs…) dispose d’une extension de garantie pour mettre en oeuvre une technique non courante (TNC).
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La création est au cœur du métier d’architecte. L’innovation technique l’accompagne généralement lorsqu’il s’agit de faire progresser la construction. Et le moins que l’on puisse dire est que ce début de XXIe siècle n’est pas avare dans ce domaine. Les bâtiments de nouvelle génération notamment (construits en matériaux biosourcés, économes en énergie, bioclimatiques...) multiplient les matériaux modernes. Les procédés écologiques sont généralement exclus des garanties normalement accordées par les assureurs.

Si la MAF assure ses adhérents sans brider la création architecturale, elle fait exception, l’innovation ne consti¬tuant pas une limite de garantie dans sa police d’assurance. En revanche, les autres assureurs distinguent d’une part les travaux se bornant à l’emploi de techniques courantes normalement garanties, d’autre part les travaux recourant aux techniques non courantes nécessitant une déclaration préalable. Ces derniers entraînent une éventuelle adaptation de la prime d'assurance à l'évaluation du risque encouru.
 

Notion variable d’un assureur à l’autre

Derrière l’appellation « techniques courantes », les assureurs regroupent ce qui relève principalement du domaine traditionnel, comprenant les normes, DTU et autres règles professionnelles acceptées par la Commission prévention produits (C2P)1, qui siège au sein de l’Agence qualité construction. Les techniques non courantes regroupent quant à elles tout ce qui n’est pas compris dans les précédentes (voir l’encadré « Techniques courantes versus techniques non courantes »). Mais en la matière, tout est affaire de contrat d’assurance2, ces notions peuvent en effet varier d’un assureur à l’autre. « Il vaut mieux que les entreprises et bureaux d’études qui ne sont pas assurés à la MAF et à EUROMAF lisent attentivement leur contrat avant de se lancer dans l’exécution de travaux et, dans le doute, qu’ils interrogent leur assureur », recommande vivement Michel Klein, directeur des sinistres à la MAF, tout en soulignant le peu de curiosité des constructeurs sur ce sujet. Et si le directeur attire l’attention sur ce point, c’est qu’en cas de sinistre et d’insolvabilité de l’entreprise le juge recourra sans hésiter à l’architecte pour financer les réparations au titre de la solidarité des constructeurs (condamnation in solidum).

Ainsi, l’adhérent MAF qui se lance dans une innovation technique hors des tech¬niques courantes aura tout intérêt à vérifier que l’entreprise choisie par le maître d’ouvrage dispose bien d’une extension de garantie pour réaliser les travaux. « Les architectes peuvent innover mais en aucun cas assumer seuls le risque », remarque Michel Klein.
 

Mesurer les conséquences de la prise de risque

Ainsi, avant le début des travaux, la production de l’attestation nominative de l’assurance de l’entreprise est nécessaire. Elle doit faire référence à l’opération et identifier la technique non courante concernée. Si l’entrepreneur estime que l’extension de garantie n’est pas nécessaire au motif que les travaux qu’il exécute habituellement sont proches du procédé innovant qu’il s’apprête à mettre en œuvre, l’architecte fera preuve de pédagogie auprès de lui et du maître d’ouvrage sans renoncer à sa demande. « De bonne foi, l’entreprise a vite fait de se mettre en danger et d’exposer l’architecte au risque d’un éventuel sinistre qu’il ne pourra peut-être pas assumer seul », souligne Michel Klein. Il est également fréquent que l’assuré ne maîtrise pas la complexité de sa police d’assurance, ou encore qu’il ne mesure pas les conséquences de sa prise de risque.
La première démarche de l’architecte consiste bien à obtenir du maître d’ouvrage qu’il sélectionne l’entreprise compétente pour réaliser les travaux de techniques non courantes qu’il a prescrits. Cependant, l’assurance correspondante n’est pas acquise pour autant : « La construction en terre crue est l’exemple d’une technique éprouvée généralement mise en œuvre par des entreprises détenant un savoir-faire irréprochable et pourtant extrêmement difficile à assurer pour une entreprise », déplore Michel Klein. Ainsi, même une technique ancestrale n’est pas aujourd’hui nécessairement « courante », et encore moins traditionnelle

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1. Les avis techniques (ATec) acceptés par la Commission prévention produits sur la « liste verte » peuvent être associés aux techniques courantes.
2. La Fédération française des assurances recommande un modèle de clause à intégrer dans les contrats d’assurance RCD entreprises.
3. Cass. 3e civ., 8 nov. 2018, no 17-24.488. Une société assurée en responsabilité décennale a réalisé des travaux d'étanchéité dans plusieurs chantiers. Elle avait souscrit une police d'assurance en déclarant une activité relative à l'étanchéité exclusivement par un certain procédé technique. Or, lors des travaux réalisés, la société a mis en œuvre un autre procédé. Des désordres liés MAF Informations | Novembre 2019 | n° 97
à l'infiltration d'eau étant apparus, la société a assigné en garantie son assureur. La Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel jugeant que la société de travaux ne pouvait se prévaloir de la garantie dans la mesure où elle a utilisé un procédé technique différent de celui décrit dans sa police d'assurance - peu importe que les deux procédés eussent trait à l'étanchéité.
4. Pour en savoir plus sur le Programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique : https://www.programmepacte.fr/catalogue
5. Pour en savoir plus sur les évaluations délivrées par le CSTB : https://evaluation.cstb.fr/fr/avis-technique/

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4 recommandations de la MAF

1. Innovez dans votre domaine de compétence ou avec le concours d’un bureau d’études spécialisé et d’une entre¬prise également sélectionnée pour ses compétences, voire qualifiée dans le domaine concerné.

2. N’assumez pas seul le risque d’innovation : pour vous protéger du risque de condamnation in solidum, obtenez de l’entreprise utilisant une technique non courante (TNC) une attestation nominative d’assurance indiquant l’extension de la garantie du contrat d’assurance pour le chantier concerné et la technique utilisée.

3. Dans le domaine non traditionnel, évitez d’utiliser des produits hors avis technique (ATec), et si nécessaire obtenez du maître d’ouvrage qu’il demande une appréciation technique d’expérimentation (ATEx).

4. Appuyez, auprès du maître d’ouvrage, la demande de l’assureur décennal ou Dommages-ouvrage d’évaluation (ATec, ATEx, ETN, etc.) d’un produit ou d’un procédé