Les principaux matériaux biosourcés – bois, paille, chanvre, fibre de bois, ouate de cellulose – sont combustibles, voire facilement inflammables, et ne peuvent être employés sans un traitement spécifique approprié à l’usage des constructions. La maîtrise du risque impose de comprendre le feu, de se repérer dans le comportement au feu des matériaux biosourcés, et de connaître leurs réaction et résistance au feu. La phase de chantier nécessitant l’utilisation de matériels thermiques impose une bonne information des personnels de chantier et la mise en oeuvre de précautions particulières.
Les matériaux biosourcés : à l'épreuve du risque incendie

Comme tous les matériaux, les biosourcés doivent présenter les critères de réaction au feu de la réglementation liée au type de bâtiment concerné et à son usage : un établissement recevant du public, une habitation, un lieu relevant du Code du travail, des locaux industriels ; etc.

Si ce n’est pas le cas, ils devront obligatoirement être traités pour respecter ces critères.

Deux sortes de traitements existent : le traitement chimique et l’écran coupe-feu protégeant le public de la réaction au feu de ces matériaux.

Certains matériaux ont fait l’objet d’essais afin de connaître leur réaction naturelle (sans traitement). C’est le cas des bétons de chanvre.

En revanche, d’autres, comme la laine de mouton, la ouate de cellulose, le textile recyclé, la paille ou le liège, peuvent rarement être utilisés sans traitement spécifique.

Comprendre le feu

La combustion est un phénomène chimique qui se produit entre deux corps :

  • Le combustible, c’est-à-dire la matière qui brûle. Il peut être un matériau biosourcé. C’est le combustible qui détermine la classe de feu (avec les matériaux biosourcés, il s’agit souvent d’un feu de classe A dit « de matériaux solides et braisants »).
  • Le comburant, c’est-à-dire l’élément qui permet de brûler (le plus souvent, il s’agit de l’oxygène ou du dioxygène contenu dans l’air ambiant).

Par ailleurs, l’énergie d’activation est, comme son nom l’indique, ce qui déclenche la combustion. Elle correspond à la quantité minimale d’énergie nécessaire au démarrage de la combustion. Il peut s’agir de chaleur, d’une étincelle, d’un arc électrique, de la foudre ou même du soleil.

L’énergie mécanique d’un frottement peut également entraîner une combustion. Il en est de même pour les sources biologiques (fermentation) ou chimiques (oxydation).

La combinaison de ces trois éléments constitue le triangle du feu. Un quatrième élément est indispensable à la combustion vive : la création de radicaux libres.

Ce sont des molécules intermédiaires qui créent une réaction en chaîne permettant d’entretenir le feu. On peut alors parler de « tétraèdre du feu selon lequel, pour qu’une combustion ait lieu, il faut donc réunir : un combustible , un comburant, une énergie d’activation, et une réaction chimique entraînant la création de radicaux libres.

La combustion fait appel à plusieurs notions :

  • La combustibilité est la propriété qu’a un corps de pouvoir brûler, de se consumer par le feu.
  • L’incombustibilité est la propriété que possède un matériau de résister à l’ignition. Il ne brûle pas et ne dégage pas de vapeurs inflammables en quantité suffisante pour s’enflammer au contact d’une source de chaleur quelconque.
  • L’inflammabilité est la propriété d’un matériau qui s’enflamme, et dont la décomposition s’effectue sans production de gaz inflammables ou de flammes et cesse dès que disparaît la source de chaleur. Elle dépend de l’état du matériau et de son emploi.

La propagation de l’incendie s’opère selon trois modes :

  • Le rayonnement thermique correspond au processus d’émission ou de propagation de l’énergie sous forme d’ondes électromagnétiques.
  • La convection est le transfert de chaleur par l’intermédiaire d’un fluide en mouvement (liquide ou gaz). Dans le cas d’un incendie, ce sont les fumées et gaz chauds qui se propagent dans les différents volumes de la structure.
  • La conduction est le transfert de la chaleur de proche en proche dans le matériau en lui-même. Le pouvoir calorifique d’un matériau est la quantité de chaleur dégagée pour un kilogramme de matériau lors de sa combustion complète.

Le potentiel calorifique est la quantité de chaleur dégagée lors de la combustion complète de l’ensemble des matériaux.

Se repérer dans le comportement au feu des matériaux

La réaction au feu du matériau définit le comportement d’un matériau ou d’un produit mis en oeuvre qui, en présence d’une flamme ou d’une élévation de température, apporte ou non un aliment au foyer d’incendie et à sa propagation.

La résistance au feu de l’ouvrage exprime le temps pendant lequel un élément de construction (mur, plancher, cloison, etc.) soumis à un incendie conserve les caractéristiques suffisantes lui permettant d’assurer la fonction à laquelle il est destiné.

La méthode d’essai normalisée de résistance au feu utilise trois critères (tableau ci-dessous) de performance pour établir les degrés de résistance au feu.

Tableau de correspondance Euroclasses et classements M : attention, les correspondances ne peuvent se lire que dans le sens Euroclasses vers classements M (source CSTB).

 

 

Connaître la réaction et la résistance au feu des biosourcés

Tous les matériaux de construction finissent par brûler, ce n’est qu’une question de temps. Un bâtiment dit « incombustible » ne signifie pas qu’il ne brûlera pas, mais plutôt qu’il est plus difficile à enflammer.

  • Le bois structurel est un matériau de construction combustible. La réaction du bois lors d’un incendie est prévisible et calculable. En brûlant, le bois se carbonise en surface à raison de 0,65 mm d’épaisseur/minute. Cette couche permet d’isoler le centre de l’élément en bois de la chaleur dégagée par les flammes de l’incendie. Cela signifie donc qu’après 45 minutes de combustion une pièce de bois n’aura brûlé que d’environ 29 mm. Par ailleurs, le bois perd 50 % de sa résistance mécanique après 50 minutes environ de combustion. Le bois massif d’une épaisseur minimale de 22 mm est classé D-s2, d0, donc M3, c’est-à-dire que c’est un matériau combustible moyennement inflammable.
  • Les panneaux de fibre de bois sont généralement classés D-s2, d2, donc M4 non gouttant, c’est-à-dire que ce sont matériaux combustibles facilement inflammables.
  • Les panneaux de fibre de chanvre ou le chanvre en vrac sont généralement classés D-s2, d2 ou E, donc M4, c’est-à-dire que ce sont des matériaux combustibles et facilement inflammables.
  • La paille est classée D-s3, d2, donc M4 « non gouttant » , c’est-à-dire que c’est un matériau combustible, facilement inflammable et qui produit de la fumée.
  • La réaction au feu de la ouate de cellulose dépend de son traitement et de son origine et varie entre M1 et M4, ce qui signifie qu’elle peut être très facilement inflammable.

 

Les principaux matériaux biosourcés

 

Les matériaux biosourcés sont issus de la matière organique renouvelable (biomasse), d’origine végétale (bois, paille…) ou animale (laine de mouton…). Ils sont surtout utilisés comme matériaux et produits de construction dans le bâtiment, mais peuvent aussi être utilisés dans les produits de décoration, dans l’habillement, dans l’emballage ou encore dans le mobilier fixe.

Il existe une multitude de matériaux qui répondent aux exigences biosourcées. On retrouve principalement les matériaux suivants :

  • Le bois : matériau de construction structurel (structures porteuses, bardage, menuiserie…).
  • La fibre de bois : utilisée en laine ou en vrac en tant que produit d’isolation ou mélangée à des ciments pour former des bétons.
  • Le chanvre : utilisé sous différents conditionnements, comme
    • la chènevotte pour le vrac ;
    • la laine de chanvre pour les panneaux, le béton préfabriqué, le béton projeté et les enduits. Ce matériau est aujourd’hui principalement utilisé pour des travaux d’isolation ou le revêtement intérieur ou extérieur de façades.
  • La paille : valorisée dans l’isolation des bâtiments, sous la forme de bottes de paille (remplissage d’ossatures porteuses), de panneaux ou d’un enduit terre/paille. La paille peut également être utilisée comme structure porteuse.
  • La ouate de cellulose : matériau isolant pouvant être conditionné sous forme de panneaux, de rouleaux ou de vrac pour un usage en construction. Elle est composée à 85 % de produits biosourcés (journaux ou cartons recyclés défibrés) auxquels s’ajoutent, pour 5 % à 10 %, des adjuvants.
  • Les miscanthus : plante herbacée qui rencontre un intérêt dans le secteur de la construction comme enduit, colle ou résine.
  • Les balles de céréales, le liège, le lin, la laine de mouton, les plumes d’oie, le chaume, etc.

Maîtriser le risque incendie en cours de chantier

Les matériaux et les éléments de construction employés pour la réalisation des bâtiments doivent répondre aux exigences imposées par la réglementation incendie. Ils doivent présenter des garanties en ce qui concerne leur comportement au feu, tant en réaction au feu qu’en résistance au feu lorsque le bâtiment est en activité.

La qualité de ces matériaux et les éléments de construction font l’objet d’essais et de vérifications en rapport avec l’utilisation à laquelle ces bâtiments sont destinés (ERP, habitations, bureaux, industrie…).

Les matériaux biosourcés utilisés dans la construction répondent à des règles techniques de mise en oeuvre pour que le degré de résistance au feu nécessaire soit atteint dans le fonctionnement du bâtiment.

Par ailleurs, ces mêmes matériaux biosourcés font l’objet d’un traitement adapté pour que le degré de réaction au feu permette d’atteindre les objectifs requis par la réglementation incendie dans leur emploi.

Les techniques de construction et de mise en oeuvre des matériaux biosourcés permettent donc d’obtenir des bâtiments répondant aux dispositions réglementaires imposées par les différentes législations.

Exemples de correspondances entre le classement européen et les exigences françaises (sources CSTB)

Classement européen  Exigences françaises
E 30

PF 1/2 h

REI 60

CF et SF 1h

R 90

SF 1h30

Les précautions à prendre sur le chantier

Il s’agit de la phase la plus sensible dans la vie du bâtiment, car elle consiste en la mise en oeuvre des différents matériaux, qui pour certains d’entre eux sont combustibles et inflammables.

Cette mise en oeuvre doit permettre d’obtenir la construction finale répondant à des normes sécuritaires. Chaque phase de la construction – et notamment les travaux par « points chauds » – doit faire l’objet d’une attention particulière puisque tous les matériaux biosourcés sont des matériaux combustibles et inflammables.

Les matériaux biosourcés sont des combustibles qui s’embrasent, généralement par conduction, lorsqu’une énergie d’activation est en action. L’incendie en phase chantier est donc la combinaison de l’emploi de matériaux de construction combustibles et inflammables et de travaux nécessitant l’utilisation de matériels thermiques (chalumeaux, fers à souder, meuleuses, perceuses, etc.). L’incendie est généralement provoqué par la méconnaissance de la combustibilité des matériaux de construction, qui sont souvent dissimulés dans leurs apparences par les éléments constitutifs de l’ouvrage construit. En cours de chantier, l’entreprise doit pouvoir disposer de l’ensemble des documents techniques relatifs à la composition des espaces de travail dans lesquels se trouvent des matériaux biosourcés.

Il convient également de se souvenir que le degré de résistance au feu des cloisons n’est dû qu’en fin de chantier, et qu’aucune résistance n’est requise avant la réception des travaux. Un feu peut se propager rapidement jusqu’à cette phase sans remettre en cause le classement définitif de l’ouvrage.

En site occupé, le permis de feu reste le seul document permettant de prendre en compte l’existence de ces matériaux à risque. Ce document est obligatoire sur tous les chantiers en site occupé dans tous les départements de Paris et de la Petite Couronne.

Le permis de feu est un document opérationnel destiné à limiter le risque incendie lors de la réalisation de travaux par « points chauds ». Il a pour but de prendre toute mesure de prévention contre les risques d’incendie ou d’explosion à l’occasion de travaux, et de définir les moyens et mesures nécessaires pour prévenir et lutter contre tout début d’incendie pouvant intervenir à cette occasion. Il comporte un certain nombre de consignes de sécurité devant être respectées avant, pendant et après les travaux.

Photos montrant le résultat d’un incendie survenu dans une école en cours de construction (cinq jours avant la réception des travaux). On peut voir en pied de façade une réservation permettant le passage de la canalisation de gaz à raccorder en fin de chantier sur la vue générale. Le compagnon s’est servi de son chalumeau et n’a pas pris garde au matériau biosourcé qui se trouvait dans le complexe d’isolation. L’isolant a pris feu par conduction, provoquant un incendie qui a détruit l’ensemble du bâtiment.

Ce dernier a dû être démoli et reconstruit.

Incendie 1Incendie 2

Exemples de matériaux de construction classés suivant les exigences françaises (source CSTB)

Les permis de feu en site occupé

L’exploitant du site occupé assure la coordination générale des mesures de prévention et veille aussi bien à l’exécution des mesures décidées qu’à la bonne diffusion des instructions aux entreprises. Le chef de l’entreprise doit informer les travailleurs sur les dangers spécifiques auxquels ils sont exposés, sur les risques liés aux travaux et les mesures de prévention prises. Le suivi de l’application des mesures est assuré par la réalisation d’une inspection commune périodique entre l’entreprise et l’exploitant du site.

Le permis de feu doit comporter les informations suivantes :

  • La description des travaux réalisés.
  • Les risques identifiés lors de la reconnaissance du site.
  • Les matériaux biosourcés utilisés et leur réaction au feu.
  • L’identité des signataires.
  • Les actions de prévention et de protection (il s’agit des mesures devant être prises avant, pendant et après les travaux : vérification du parfait état de l’outillage et du matériel, nettoyage de la zone de travail et aspiration des poussières, pose des objets chauffés sur des supports ne craignant pas la chaleur, présence d’une personne désignée pour la sécurité et la surveillance de l’intervention…).

 

Pour en savoir plus...

 

Norme NF EN 13501-1 « Classement au feu des produits et éléments de construction - Partie 1 : classement à partir des données d’essais de réaction au feu » : téléchargeable en suivant ce lien.
- Doctrine pour la construction des immeubles en matériaux biosourcés et combustibles - Préfecture de police, téléchargeable en suivant ce lien.
- Guide pratique sur les règles de la sécurité incendie à l’usage du charpentier constructeur bois - CSTB et institut technologique FCBA, téléchargeable en suivant ce lien.
- Bois construction et propagation du feu par les façades - CSTB et institut technologique FCBA, téléchargeable en suivant ce lien.
- Guide de préconisations pour la protection contre l’incendie des façades béton ou maçonnerie revêtues de systèmes d’isolation thermique extérieure par enduit sur polystyrène expansé (ETICS-PSE), téléchargeable en copiant « Guide-Preconisations_ETICSPSE_160414_HD.pdf » dans votre moteur de recherche.